Le Canadien

D’un capitaine à l’ autre

Avec le début de saison difficile du Canadien, le capitaine Max Pacioretty s’est retrouvé sous le feu des critiques. Une réalité que l’un de ses prédécesseurs, Saku Koivu, est bien placé pour comprendre.

« Max ne doit pas changer quoi que ce soit »

Si quelqu’un peut comprendre ce que vit Max Pacioretty, c’est bien Saku Koivu.

Il a été capitaine du Canadien durant neuf saisons, il a eu les caméras et les enregistreuses des journalistes devant le visage au quotidien. Et surtout, il était capitaine lors de la tristement célèbre saison 2000-2001, la pire de l’équipe depuis la fin des années 40.

Voici ce qu’il dirait à Pacioretty s’il l’avait devant lui.

« Max est devenu capitaine en raison de ce qu’il faisait et de sa manière d’agir avec ses coéquipiers. Il n’y a aucune raison pour lui de changer quoi que ce soit. Tu dois rester comme tu étais avant. Comme capitaine, si l’équipe ne gagne pas, oui, il y a certaines choses que tu dois faire. Mais il y a aussi certaines choses que tu ne contrôles pas. Tu ne dois pas te blâmer pour tout ce qui ne fonctionne pas. Tu dois aussi penser à toi, et te rappeler pour quelles raisons tu es devenu capitaine. »

Pour Koivu, l’important est de se rappeler que tu n’es pas seul dans une telle situation. Que la défaite et la victoire, au hockey, sont une affaire d’équipe. Le Finlandais souligne que Craig Rivet et Sheldon Souray, qui ont été ses adjoints, ont été essentiels à son travail.

Des propos intéressants de Koivu, qui font écho à la fameuse citation de Pacioretty, le 20 octobre dernier, au cœur de la tempête. Le Canadien avait perdu six matchs de suite, et l’actuel capitaine avait indiqué avoir l’impression « de patiner dans la boue, d’être seul sur une île ».

« Il y a plusieurs types de joueurs, mais pour la plupart, ils attendent beaucoup d’eux-mêmes. Chaque équipe n’a pas un seul capitaine, mais un noyau de joueurs qui dirigent l’équipe. Certains parlent beaucoup, d’autres montrent la marche à suivre par l’exemple. Il y a un capitaine, avec le C, mais il n’est pas seul. Parfois, on dirait que tout le monde ne parle que du capitaine. Tu ne dois pas y penser, tout le monde a besoin d’aide. »

La même aventure

À écouter Koivu, il a traversé étape par étape ce que vit Pacioretty. Il suffit de parler à ce dernier tous les jours dans le vestiaire pour voir l’évolution de son humeur, de légère à massacrante, au rythme de l’équipe.

Pacioretty avait tenu des propos lourds de sens à The Gazette il y a quelques semaines : « Croyez-moi, si quelqu’un croit que je m’en fous, il a tort. Peut-être même que je réfléchis trop et que ça m’importe trop. »

Koivu reconnaît que la pression monte lors des passages à vide, puisque tout le monde porte son attention sur le capitaine et ses adjoints. C’est encore pire, reconnaît-il, dans un endroit comme Montréal, où tout le monde suit le hockey.

« Peu importe à quel point tu veux renverser la situation, ou ce que tu fais, quand l’équipe perd, tu finis par croire que tu ne fais pas un bon travail. Pour une seule personne, c’est injuste de penser ainsi. Mais quand ça t’importe, c’est ce qui va se produire. »

« Tu veux tellement bien faire que tu te mets trop de pression sur les épaules. Parfois, tu oublies que le hockey doit être agréable, que tu dois avoir du plaisir. »

— Saku Koivu

Être capitaine du Canadien de Montréal vient aussi avec la fonction sacrée de rencontrer les médias jour après jour, avant et après les matchs, et de répondre aux nombreuses questions souvent pas commodes. Ce n’est pas mêlant, le capitaine du Canadien est aussi souvent à la télévision que le premier ministre.

Koivu n’a jamais été le joueur le plus extraverti, un peu comme Pacioretty. Il a tout de même appris à en faire son quotidien.

« Ce n’est pas simple. Quand tu as à répondre à des questions au sujet du match, ou des performances de l’équipe, c’est OK. Mais quand les questions tournent autour des rumeurs ou de ce que quelqu’un d’autre a dit, c’est frustrant. Tu ne peux pas contrôler ça, mais tu dois répondre quand même. »

Koivu a raccroché ses patins à la fin de la saison 2014, après avoir obtenu 255 buts et 577 aides en 1124 matchs. Il est au troisième rang des Finlandais les plus prolifiques de l’histoire, après Teemu Selanne et Jari Kurri. Il est aujourd’hui directeur du développement des joueurs pour le TPS Turku, en Finlande.

Surtout, il a offert des images indélébiles aux partisans du Canadien. Avril 2002, le crâne presque chauve, il est revenu au jeu après avoir combattu le cancer. Peu de temps après, il a légué à l’Hôpital général de Montréal un scanneur acquis grâce aux efforts de sa fondation.

Mais pour Koivu, son passage comme capitaine du Canadien se résume à plusieurs petits moments.

« Chaque fois que l’équipe perd par un but et que tu trouves les bons mots, que tu fais quelque chose pour changer l’allure du match, et que tu gagnes. Puis, tu entends la foule. Il y a plusieurs de ces moments associés à mon rôle de capitaine : le plaisir de jouer au Centre Bell quand tu gagnes. »

Le Canadien

Maelström à la ligne bleue

Le Canadien amorce une autre semaine cruciale à son calendrier, et il le fait avec un gros nuage d’incertitude au-dessus de sa brigade défensive. En effet, hormis Jeff Petry, Karl Alzner et Jordie Benn, il est absolument impossible de savoir qui sera où au terme de la semaine.

En fait, on pourrait pratiquement en faire un jeu d’association. D’un côté, les noms : Shea Weber, David Schlemko, Victor Mete, Joe Morrow, Jakub Jerabek, Brandon Davidson. De l’autre, des destinations : Montréal, Laval, la passerelle de presse, l’infirmerie, le ballottage, une autre équipe de la LNH, les rangs juniors.

En additionnant tout ce beau monde, on arrive à un total de neuf défenseurs, pour amorcer une séquence de quatre matchs en six soirs contre des équipes de l’Est. Ça commence ce soir avec les puissants Blue Jackets de Columbus, qui se battront pour le premier rang de la division Métropolitaine cette saison. C’est ensuite que ça deviendra plus crucial, avec la visite des Sénateurs mercredi, et une série aller-retour contre les Red Wings jeudi et samedi. Ottawa et Detroit sont deux des équipes qui devancent le CH dans la course aux séries.

Avec quel groupe de défenseurs l’entraîneur-chef Claude Julien devra-t-il composer ? Allons-y cas par cas.

Shea Weber

Avec lui, c’est très simple. S’il est en santé, il jouera ses 26 minutes par match. Sinon, il se soignera à l’infirmerie. C’est toutefois le cas le plus inquiétant, en raison de l’importance de son rôle au sein de la brigade. Inquiétant, parce que son registre de présence ne suit pas les tendances habituelles. Absent lors des trois derniers matchs, il était tout de même présent samedi, lors de l’entraînement matinal, au cours duquel il s’est même exercé avec la première unité d’avantage numérique. Mais il a raté le match de samedi, puis l’entraînement d’hier, toujours en raison d’une blessure au bas du corps. A-t-il subi un recul ? « Non, pas de recul. C’était le plan », a promptement répondu Julien.

David Schlemko

Cette fois, ça semble être la bonne. Le défenseur acquis l’été dernier s’est blessé à une main dès le début du camp d’entraînement et n’a toujours pas joué avec le Tricolore. Hier, Julien a confirmé qu’il était prêt à jouer. « On va prendre des décisions sur sa situation en cours de route et ça commence [aujourd’hui] », a expliqué l’entraîneur-chef. Schlemko a disputé deux rencontres à Laval cette fin de semaine, au cours desquelles il soutient avoir passé en moyenne 22 minutes sur la patinoire. Si on se fie aux duos observés hier, il semble que son retour ne soit pas pour aujourd’hui, puisqu’il était confiné au sein du quatrième duo avec le réserviste Davidson. Mete et Jerabek formaient le troisième duo. Avec un contrat de 2,1 millions de dollars par saison bon jusqu’en 2020, on devine toutefois que Schlemko aura droit à une vraie chance. D’autant plus que les plus enthousiastes le voyaient même comme partenaire de Weber en début de saison.

« Vous, les journalistes, êtes ceux qui pensent à la hiérarchie des défenseurs. Notre jeu dicte notre position dans la formation et le nombre de minutes qu’on obtient. Revenir d’une blessure rend ma tâche plus difficile, mais je doute que ça change quoi que ce soit dans la hiérarchie. »

— David Schlemko

Victor Mete

Un autre cas délicat à gérer. Son utilisation a chuté de façon vertigineuse ce mois-ci. Une seule fois, il a dépassé les 15 minutes, et c’était le 2 novembre au Minnesota. Il a même regardé la rencontre de mercredi, à Nashville, du haut de la passerelle. Le Championnat du monde junior arrive à grands pas et Équipe Canada tient son camp d’évaluation du 12 au 15 décembre. Il arrive que des joueurs y débarquent directement de la LNH ; Curtis Lazar et Anthony Duclair l’ont fait en 2014-2015. Mais Mete tient à rester à Montréal. « C’est encore bon pour moi ici, même si je ne joue que 12 ou 13 minutes par match. J’apprends beaucoup, encore plus dans les entraînements, car j’affronte des joueurs des deux premiers trios », a expliqué le jeune homme. « On n’est pas rendus là », a pour sa part dit Julien, interrogé sur la possibilité que le CH prête Mete à l’équipe nationale.

Joe Morrow

Voilà un cas bien dur à évaluer. Mine de rien, il a participé aux 11 derniers matchs du Tricolore, après avoir disputé seulement 3 des 13 premiers. En l’absence de Weber, on demande maintenant à ce défenseur de 24 ans, qui ne s’est jamais véritablement établi dans la LNH, de passer 21 minutes par match sur la patinoire. Visiblement, Julien veut donner toutes les chances à son ancien protégé des Bruins de Boston, qui a jadis été un choix de premier tour (23e en 2011), doit-on le rappeler. Au cours de la présente séquence de 11 matchs, il compte cinq points, dont trois buts, et présente un différentiel de + 1. Ces bonnes statistiques illustrent toutefois mal son jeu souvent inégal.

Jakub Jerabek

L’échantillon est mince, mais en deux matchs, le Tchèque de 26 ans n’a pas eu l’air fou à son baptême dans la LNH. On a découvert un patineur fluide, capable de faire des passes précises, et qui démontre aussi une belle combativité quand vient le temps de défendre son territoire. « Parfois, je cours des risques pendant le match. Si ça tourne mal, tu dois faire des choses différentes. Je n’ai pas peur de faire ces jeux », a-t-il expliqué. Petry, Mete et lui sont de loin les trois plus habiles patineurs à la ligne bleue montréalaise. Si le rôle de Mete continue à diminuer, ou s’il est envoyé au Mondial junior, les qualités de Jerabek seront encore plus recherchées. À réévaluer quand il aura quelques matchs de plus derrière la cravate.

Brandon Davidson

Laissé de côté dans 7 des 11 derniers matchs des siens. En fait, Davidson n’a jamais disputé plus de cinq matchs de suite sans être retranché cette saison. Le renvoi de Mete ou une absence plus longue que prévu pour Weber pourrait lui acheter du temps. Mais dans un groupe en santé, le gentilhomme albertain ressemble de plus en plus au neuvième défenseur de la hiérarchie. S’il est soumis au ballottage sans être réclamé, il pourrait donc poursuivre sa saison à Laval et ne compterait que pour 400 000 $ sous le plafond salarial du Tricolore, plutôt que son salaire de 1,425 million.

Aucun changement à l’avant

Sans surprise, Claude Julien n’a apporté aucun changement à ses trios hier, au lendemain d’une victoire de 3-0 contre les Sabres de Buffalo. C’est donc dire que son nouveau premier trio, composé d’Alex Galchenyuk, Jonathan Drouin et Paul Byron, est demeuré intact. Les trois comparses ont totalisé six points samedi, mais un seul des buts a été marqué à forces égales. C’est pourquoi Julien fait preuve de prudence en parlant de sa nouvelle unité, surtout de la cohésion entre Galchenyuk et Drouin. « Ça viendra avec le temps, mais ce sont deux joueurs qui veulent se complémenter. C’est ce qui doit arriver éventuellement : quand c’est le temps de lancer, tu lances, et quand c’est le temps de passer, tu passes. En ce moment, ils forcent peut-être un peu le jeu pour se donner la rondelle l’un à l’autre. Mais il n’y a aucun doute que ça va s’améliorer à mesure qu’ils joueront ensemble. »

— Guillaume Lefrançois, La Presse

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.