L’alimentation céto-quoi ?
Le principe de base de l’alimentation cétogène – et de la grande famille des alimentations faibles en glucides et riches en gras, qui l’englobe – est d’« utiliser le gras comme source d’énergie », en réduisant les glucides pour augmenter les lipides, résume la Dre Évelyne Bourdua-Roy, coauteure du livre Perdre du poids en mangeant du gras et fondatrice de la clinique Reversa, la seule au Québec à offrir un suivi médical multidisciplinaire aux personnes souhaitant passer à l’alimentation faible en glucides. L’alimentation cétogène n’inclut environ que 20 g de glucides nets par jour (jusqu’à 100 g pour l’alimentation faible en glucides). Pourquoi ? Selon ses défenseurs, non seulement ce type d’alimentation permettrait de perdre les kilos accumulés, mais il pourrait aussi avoir des impacts positifs sur le traitement de l’obésité, du diabète de type 2 et même sur les problèmes cognitifs, l’asthme ou le cancer, comme le met de l’avant le documentaire The Magic Pill, diffusé sur Netflix.
Qu’est-ce que ça mange en hiver... et en été ?
Contrairement à une idée répandue, l’alimentation cétogène ne consiste pas à se gaver de bacon, de viande rouge et à mettre du beurre dans son café. « Le bacon, c’est marketing, glamour ; l’aliment interdit qui exerce un pouvoir de séduction. Mais l’alimentation faible en glucides prône surtout les aliments entiers sains et naturels, l’élimination des produits transformés, les bons gras naturels et la réduction des gras qui contiennent trop d’oméga-6. On peut l’adopter tout en mangeant méditerranéen ou végétarien », affirme la Dre Bourdua-Roy.
Le pharmacien Jean-Yves Dionne, qui tient le blogue Franchement Santé, a décidé de se prendre lui-même comme cobaye et est passé à l’alimentation cétogène en février dernier. « Depuis longtemps, je trouve que notre alimentation est vraiment trop riche en glucides raffinés, alors je me suis dit : pourquoi pas ? C’est un but intellectuel, je veux comprendre ce que ça fait à mon corps », explique celui qui se fait suivre par la clinique Reversa et qui dit avoir remarqué une hausse de son énergie, un meilleur sommeil, en plus d’avoir vu son pourcentage de gras viscéral fondre de 10 % à 8 % depuis quatre mois.
Comment est-ce possible de maigrir en mangeant du gras ?
La prémisse de l’alimentation cétogène part d’une hypothèse : et si le surpoids n’était pas un problème de quantité, mais de sélection des calories ingérées ? Le corps ne peut utiliser que deux sources d’énergie : les sucres (glucides) et les lipides. « Le corps utilise les glucides, car c’est plus simple et facile », explique Stéphanie Benoit, nutritionniste spécialisée en neurologie à Sainte-Justine. En privant le corps presque entièrement de glucides, on force l’organisme à trouver une nouvelle source d’énergie : le gras. Le foie se met donc à transformer les lipides en composés organiques appelés corps cétoniques (ou cétones), qui servent à nourrir les cellules. Le corps entre alors, après quelques jours, dans un état de cétose, selon lequel les lipides – ceux qui sont absorbés par la nourriture, mais aussi emmagasinés dans l’organisme – deviennent son principal carburant, ce qui favorise la perte de poids.
Mais… le cerveau n’a-t-il pas besoin de glucides pour fonctionner ?
« Ce n’est pas vrai que le cerveau ne peut pas vivre sans sucre. Si on ne mange pas nos 200 g de glucides par jour, le cerveau va se servir des corps cétoniques pour se nourrir. D’ailleurs, le cerveau les aime bien », détaille le Dr Martin Juneau, de l’Institut de cardiologie de Montréal, qui précise que ce sont aussi ces composés organiques qui induisent « l’état de cétose » ressenti lors d’un jeûne de quelques jours, où les gens expérimentent un état d’esprit très agréable, créatif. « De grandes études se mettent actuellement en branle afin d’observer si les cétones ne pourraient pas aider à la prévention des troubles cognitifs, comme la démence », ajoute celui qui s’intéresse de près à ce sujet qu’il trouve « important », même s’il divise beaucoup les gens en ce moment.
Et qu’en est-il des calories ?
Ici, deux camps s’opposent : les tenants de l’approche classique – la restriction calorique pour maigrir – et les « cétos », qui arguent que toutes les calories ne sont pas équivalentes et que c’est l’augmentation de la consommation des glucides depuis les années 70 qui serait responsable de l’épidémie d’obésité actuelle. « Évidemment, si je mange 4500 calories par jour, je vais grossir. Mais ce n’est pas tant une question de calories, mais avant tout d’hormone ; une résistance à l’insuline qui fait que même si on mange 800 calories par jour, on ne maigrit pas, car l’insuline bloque la lipolyse [NDLR: procédé par lequel l’organisme va chercher le gras emmagasiné pour l’utiliser comme source d’énergie] », soutient la Dre Bourdua-Roy. De l’autre côté, plusieurs remarquent que l’alimentation cétogène aurait justement comme effet de réduire l’appétit et, par conséquent, les calories ingérées. « Il y a toutes sortes de théories sur ce sujet, mais celle qui est la plus probable est que l’élévation des corps cétoniques aurait un effet sur l’appétit », avance la nutritionniste Marie-Josée Leblanc, coordonnatrice chez Extenso et chargée de cours au département de nutrition de l’Université de Montréal.
« Depuis 1975, les gens mangent plus de sucre, oui, mais aussi plus de gras. On mange plus de tout, environ de 300 à 400 calories de plus qu’il y a 30 ans. Selon moi, l’échec des traitements traditionnels s’explique par le fait qu’on ne met pas assez de ressources. C’est très difficile de faire perdre du poids aux gens, alors les gens baissent les bras. »
— le Dr Martin Juneau
Y a-t-il des effets secondaires ou des contre-indications ?
Avant de passer à l’alimentation cétogène, il faut consulter son médecin, surtout si on souffre d’une maladie chronique. La transition demande à l’organisme de s’adapter et peut causer, à des degrés variables, plusieurs effets secondaires à court terme (le fameux « keto flu ») : fatigue, maux de tête, nausée, constipation ou diarrhée, hypoglycémie, acidose métabolique… À long terme, certaines études observent une légère hausse du taux de « mauvais cholestérol » (un concept fortement relativisé par les tenants du régime cétogène). « Le problème avec une alimentation cétogène, c’est qu’on élimine beaucoup de groupes alimentaires : les fruits, beaucoup de légumes, les légumineuses, les produits céréaliers, ce qui ouvre la porte à long terme à des carences en fibres, antioxydants, vitamines du groupe B et C », affirme Mme Leblanc. Cela dit, selon le Dr Juneau, si une personne sélectionne des « gras de bonne qualité » et ne se jette pas à corps perdu dans les gras saturés – qui ne devraient pas dépasser 10 % des calories quotidiennes –, il n’y a pas de contre-indications. « Je vois tellement de gens découragés passer dans mon bureau, qui ont tout essayé et sont frustrés. Il m’arrive de proposer d’essayer l’alimentation cétogène, qui peut fonctionner dans certains cas. »
Perdre du poids en mangeant du gras
Josey Arsenault et la Dre Èvelyne Bourdua-Roy
Éditions Pratico-Pratique
224 pages
29,95$