Analyse

Un ciel plus clair

La publication avant-hier par l’Institut de la statistique du Québec d’un très mauvais chiffre sur la production en octobre a toutes les apparences d’une anomalie.

Le recul de 0,4 % du produit intérieur brut ne reflète pas la vigueur du marché du travail, ni la montée des exportations, ni le niveau élevé de confiance des consommateurs et des entrepreneurs.

Hier, les données de novembre de l’Enquête sur la rémunération et les heures de travail de Statistique Canada sont venues confirmer celles de l’Enquête sur la population active (EPA) : il se crée beaucoup d’emplois au Québec, au point où certaines industries commencent à éprouver des difficultés à combler des postes.

Deux éléments soutiennent cette thèse.

D’abord, la rémunération hebdomadaire moyenne (incluant les heures supplémentaires) des salariés québécois était en hausse de 2,1 % en novembre alors que la moyenne canadienne est de 0,8 %.

Cela peut sembler encore bien peu. Il faut garder en tête toutefois que le taux d’inflation est plus faible au Québec : en novembre, le taux d’inflation y était de 0,6 % contre 1,2 % au Canada. En décembre, mois au cours duquel le nombre d’emplois a encore augmenté de plus de 20 000 au Québec et de 53 700 au Canada, selon l’EPA, le taux d’inflation était de 1,5 % au Canada, mais encore de 0,6 % au Québec.

Bref, les salaires augmentent plus vite que le coût de la vie, ce qui permet aux ménages d’épargner ou de dépenser davantage. On comprend mieux ainsi que les ventes des détaillants québécois étaient en hausse annuelle de 4,5 % en novembre contre 3,0 % d’un océan à l’autre.

Ensuite, le marché du travail s’est nettement redressé au Québec depuis un an, au point où la variation du nombre de postes vacants y est la plus élevée du pays, après celles de la Colombie-Britannique et de l’Ontario. Il y a un an, le Québec traînait de la patte.

Au troisième trimestre, le nombre de postes vacants a augmenté de 4800, ou 7,8 %, en un an au Québec. On en dénombre désormais 66 305, selon cette enquête trimestrielle, ce qui représente 1,9 % du nombre d’emplois salariés disponibles. L’agence fédérale note que c’est dans les régions de Montréal, de la Montérégie et des Laurentides que le nombre de postes vacants a le plus augmenté en un an. Les employeurs recherchent surtout des compétences en finances, dans les assurances de même que dans les services professionnels, scientifiques et techniques pour combler des postes à temps plein.

Un autre élément des succès du Québec sur le marché du travail se cache peut-être dans les données démographiques. Selon les calculs de l’économiste et fellow invité du CIRANO Jean-Pierre Aubry, le nombre d’emplois a augmenté de 10,3 % au Québec entre 2006 et 2016, soit à peu près le même rythme que la moyenne canadienne. En Ontario, la hausse est de 8,5 % seulement. La différence la plus marquée réside ailleurs toutefois. Chez nos voisins, l’ensemble de l’augmentation se retrouve chez les baby-boomers, c’est-à-dire parmi les 55 ans et plus. Au Québec, la proportion est de 82,3 % ce qui laisse une petite part, mais une part néanmoins, à la cohorte de 25-54 ans, celle qu’on définit comme étant dans la force de l’âge, et surtout celle qui consomme le plus. Il est possible en outre que le report de l’âge de la retraite parmi les boomers maintienne un taux d’emploi plus élevé au Québec qu’il y a 10 ans.

La santé du marché du travail contribue en outre à l’assainissement des finances publiques. En octobre, dernier mois où les données sont disponibles, Québec avait déjà dégagé un excédent de 1,2 milliard au-delà du surplus de 1,1 milliard destiné au Fonds des générations (FG). Rappelons que Québec vise un dépôt de 2 milliards au FG pour 2016-2017 et l’équilibre entre ses autres revenus et ses dépenses de programmes et service de la dette.

Tout indique qu’il se dirige vers un nouvel excédent d’exercice qui pourra servir à augmenter la réserve ou les dépenses de programmes, ou à alléger un tantinet le fardeau fiscal ou un peu des trois.

Voilà qui crée un cercle vertueux comme celui des saucisses Hygrade : plus il y a de travail, plus il y a de consommation et plus il y a de rentrées fiscales. Cela favorise l’embauche, l’investissement, de nouvelles dépenses et rentrées fiscales.

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