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Vers une nouvelle ère glaciaire

Les Noëls blancs ne sont pas près de disparaître, selon une nouvelle étude américaine. Des climatologues américains ont renforcé, la semaine dernière, une théorie voulant que la fonte des glaciers polaires à cause du réchauffement de la planète provoquera paradoxalement un refroidissement dans le nord de l’océan Atlantique. Les effets de ce coup de froid pourraient se faire sentir d’ici quelques décennies.

« La fonte des glaciers amène beaucoup d’eau douce dans l’ouest de l’Atlantique Nord, entre le Groenland et Terre-Neuve », explique Wei Liu, climatologue à l’Université de Californie à San Diego, qui est l’auteur principal de l’étude publiée dans la revue Science Advances. « Ça va éventuellement causer la rupture de la boucle océanique qui apporte l’eau chaude du sud vers le nord, puis l’eau froide du nord vers le sud. Le consensus était que ça ne se produirait pas avant très longtemps, un millénaire au moins. Mais depuis quelques années, on note que la boucle est beaucoup plus faible. » 

« Nos résultats montrent que ça pourrait arriver dans 300 ans, après une baisse rapide qui commencerait dans quelques décennies. »

— Wei Liu, climatologue à l’Université de Californie à San Diego

La boucle nord-atlantique va des Caraïbes jusqu’en Europe du Nord, où elle plonge dans les profondeurs océaniques, puis revient dans les tropiques après un détour par l’Atlantique Sud. Il est théoriquement possible d’arrêter cette boucle en injectant des quantités importantes d’eau douce dans l’Atlantique du Nord-Ouest. Le Gulf Stream coule au fond de la mer du Nord parce qu’il est très salé, donc très lourd, à cause de l’évaporation qu’il a subie au fil de son long voyage. S’il est moins salé, il sera plus léger, ne coulera pas et la boucle océanique sera perturbée.

Cette boucle océanique explique que le nord de l’Europe a un climat beaucoup plus tempéré que d’autres régions aux mêmes latitudes, comme le Canada ou la Russie ; Oslo, par exemple, est plus au nord que les centrales de la Baie-James, mais est beaucoup plus tempéré. Les effets d’un arrêt des courants de l’Atlantique seront beaucoup moins importants pour le Québec, qui est déjà plus froid que l’Europe.

Corriger les modèles

L’hypothèse d’une nouvelle ère glaciaire dans l’Atlantique Nord a été popularisée en 2004 par le film-catastrophe The Day After Tomorrow. Le réalisateur et scénariste Roland Emmerich avait imaginé que l’Amérique du Nord était en quelques jours recouverte de plusieurs dizaines de mètres de neige jusqu’à la hauteur de la Floride, tout comme l’Europe. En réalité, il faudrait des siècles pour que la température en Europe devienne aussi froide, et au Canada, seules les Maritimes seraient vraiment touchées, selon M. Liu.

Le chercheur californien a obtenu ses résultats en corrigeant une coquille des modèles climatiques existants. « Les modèles sont conçus avec d’autres priorités que d’évaluer le comportement de la boucle océanique. Alors ils postulent que l’Atlantique subarctique importe de l’eau douce du sud, alors qu’en réalité cette région en exporte vers le sud. Nous allons maintenant corriger d’autres modèles pour voir leur sensibilité aux changements climatiques. »

La théorie de la fin du Gulf Stream et de la dérive nord-atlantique, son prolongement vers l’Europe, a été lancée en 1989, mais elle a été rapidement jugée peu probable avant le prochain millénaire. En 2010, une étude allemande a relancé le débat en calculant que ce courant s’était affaibli depuis les années 30. Et en 2015, une étude allemande a observé que la température de l’Atlantique au sud du Groenland à l’est de Terre-Neuve avait diminué depuis un siècle, contrairement à ce qui s’était passé ailleurs dans le monde.

+ 1 °C

En 2014, la température mondiale moyenne était de 1 °C supérieure à la moyenne de 1880-1920

- 1 °C à 2 °C

En 2014, la température moyenne de l’Atlantique subpolaire était de 1 °C à 2 °C inférieure à la moyenne de 1880-1920

Source : Real Climate

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