La Planète économique

L’auto allemande prend le virage chinois

La voiture verte file à vive allure en Chine.

Les ventes de véhicules à énergie nouvelle (tout-électriques et hydrides rechargeables) ont augmenté de 43 % en juin et de 111 % au premier semestre 2018, à 412 000 unités, affirme l’Association des constructeurs automobiles en Chine (CAAM).

Avec l’appui de l’État, qui encourage par différents moyens la production et l’achat de véhicules électriques, les livraisons dépasseraient le million d’unités cette année, en hausse de 30 % par rapport à 2017, prévoit la CAAM.

Si bien que la Chine génère aujourd’hui plus de la moitié des ventes mondiales de modèles zéro émission.

Or, l’industrie allemande sait d’ores et déjà que l’avenir de l’automobile passe en grande partie par la Chine, déjà le plus grand marché de voitures à essence du monde.

Aussi, elle multiplie les investissements et les partenariats avec les sociétés chinoises dans l’espoir de se tailler une place sur le prometteur marché vert.

BMW, Daimler, Continental…

La semaine dernière, les Allemands ont d’ailleurs accueilli à bras ouverts le groupe chinois CATL (Contemporary Amperex Technology Limited), venu dévoiler ses plans de bâtir sa première usine de cellules de batterie hors de la Chine, soit en Thuringe, dans l’est de l’Allemagne. Jusqu’à 1000 emplois seront créés grâce à ce projet de 240 millions d’euros, qui bénéficie du soutien financier de l’État allemand.

Le prestigieux constructeur BMW participera aussi aux coûts de construction de cette usine et a assuré à CATL des commandes de batteries de 4 milliards d’euros (6,5 milliards CAN) dans les prochaines années.

Le jour même de cette annonce, BMW et la Great Wall Motor ont signé un autre accord : cette fois, on assemblera la Mini électrique dans une usine ultramoderne en Chine. Cette entente a été officialisée lors du sommet sino-allemand avec le premier ministre chinois Li Keqiang et la chancelière allemande Angela Merkel.

Les autres constructeurs allemands ont aussi sauté dans la mêlée cette année. Daimler (Mercedes), grâce à une entente avec le géant Baidu (internet), vient d’obtenir l’autorisation de tester des voitures autonomes sur les routes de Pékin.

Volkswagen et l’équipementier Bosch ont également signé des accords avec des partenaires chinois pour développer la voiture verte.

L’industrie allemande se prépare ainsi à une révolution sur son marché, mais aussi à la perte de vitesse anticipée des voitures à essence.

Une étude de l’institut Fraunhofer, parue le mois dernier, prédit d’ailleurs que le déclin relatif du moteur à explosion entraînera la perte de 76 000 emplois en Allemagne.

L’effet Trump

Les constructeurs allemands font les yeux doux aux Chinois au moment où Donald Trump menace de taxer davantage les importations de voitures étrangères aux États-Unis, après s’être attaqué à l’acier et à l’aluminium.

Selon l’institut économique Ifo, à Munich, un relèvement à 25 % des taxes américaines sur les voitures coûterait à l’Allemagne 5 milliards d’euros, soit 0,2 % de son produit intérieur brut.

« Aucun pays n’aurait à craindre des pertes absolues plus importantes que l’Allemagne, si de tels droits de douane venaient à être mis en place », dit l’Ifo.

Lutter contre la pollution

La Chine s’est dotée en 2013 d’un plan ambitieux pour combattre la pollution.

Pékin veut à la fois assainir l’air dans les grandes villes et réduire sa dépendance au pétrole importé. L’impact écologique de ces mesures risque cependant d’être relativement faible puisque la production de l’électricité en Chine se fait à 90 %… avec du charbon.

Il reste que les Chinois appuient sur l’accélérateur vert. La maîtrise de la filière électrique ne suppose pas toutefois le seul assemblage de voitures. Le marché appartiendra aux acteurs qui contrôlent aussi la fabrication de batteries, lesquelles représentent 40 % du coût d’un véhicule.

D’où cet avertissement du grand patron du géant Glencore, premier producteur mondial de cobalt : Ivan Glasenberg a récemment souligné que la Chine était en train de mettre la main sur la majeure partie des stocks mondiaux de cobalt, l’un des principaux métaux nécessaires aux batteries de véhicules électriques.

« Si le cobalt tombe dans les mains des Chinois, vous ne verrez pas de véhicules électriques produits en Europe », a-t-il prévenu lors d’une conférence en Suisse.

On comprend alors pourquoi les constructeurs allemands, malgré leur expertise technique, tiennent à se rapprocher des Chinois. Quitte à partager la route s’il le faut.

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