« Alex manquera au sport »

— Dario Cologna

SEEFELD, Autriche — À l’aube de la trentaine, il décidera à la fin de la saison s’il prend sa retraite. Il n’écarte pas la possibilité de se rendre jusqu’aux Jeux olympiques de 2022. Non, Alex Harvey n’a pas changé d’idée. C’est plutôt Dario Cologna qui tergiverse sur son avenir.

Le Suisse de 32 ans est l’un des meilleurs fondeurs de l’histoire. Quadruple vainqueur du grand globe de cristal décerné au meneur de la Coupe du monde, il a remporté quatre médailles d’or olympiques, la première à Vancouver en 2010, deux autres à Sotchi en 2014, la dernière à PyeongChang l’hiver dernier.

Les Mondiaux ne lui ont pas toujours souri, mais il revendique quand même le titre du skiathlon de 2013 à Val di Fiemme.

En théorie, Cologna devrait être l’un des grands favoris du 15 km classique des Championnats du monde de Seefeld, demain. Il y prendra part, mais ne croit pas du tout en ses chances.

Passage à vide

Le Grison connaît un passage à vide cet hiver. À l’image de Harvey, il a abandonné le Tour de ski, dont il était le vainqueur sortant, pris d’une quinte de toux avant la dernière étape.

Au skiathlon, samedi, il s’est fait décrocher en classique et n’a pu suivre le rythme imposé par Harvey en style libre. Il a terminé à une anonyme 14e place, à près de deux minutes du gagnant.

« Dario, que se passe-t-il ? », lui a demandé un journaliste norvégien, hier après-midi, en marge d’une conférence de presse de son équipementier. « J’ai vu presque toutes vos courses depuis 15 ans. Ça fait très bizarre de ne pas vous voir en tête. »

Cologna a soupiré. « C’est peut-être ma pire saison jusqu’à maintenant en Coupe du monde, a-t-il admis. J’en ai connu plusieurs bonnes, et ça demande toujours beaucoup de travail. Peu d’athlètes sont demeurés longtemps au sommet comme moi. Quand j’ai commencé, je me souviens que [Petter] Northug ou [Marcus] Hellner le faisaient. Mais ils ne skient plus. »

« Il me manque quelque chose cette année. J’essaie de trouver quoi et de faire mieux la saison prochaine. »

— Dario Cologna

Il se projette donc déjà vers 2019-2020, même s’il veut prendre le temps de réfléchir. Le départ à la retraite de Harvey, son cadet de deux ans, ne le surprend pas. Le Canadien lui avait annoncé ses intentions pendant un jogging lors d’un stage avant-saison à Davos, fin novembre. Les deux hommes se sont souvent côtoyés là-bas, s’offrant même quelques escapades en ski alpin.

Hier matin, Harvey l’a croisé sur une piste d’entraînement. Ils ont jasé pendant une sortie d’une heure et demie. Le Québécois l’a déposé à son hôtel dans un village voisin avant de rentrer à Seefeld.

« Alex est un très bon gars en général, qui est devenu un ami, a souligné Cologna plus tard en après-midi. C’est un des rares Nord-Américains sur le circuit. Je savais qu’il ne skierait peut-être pas si longtemps en Coupe du monde. Ce n’est pas facile de voyager toute l’année, toujours loin de la maison. Il n’est pas si vieux, mais il a déjà fait plusieurs saisons. Il est arrivé en Coupe du monde dès sa sortie des juniors. »

Leurs palmarès ne sont pas comparables, mais les deux fondeurs se sont frottés à quelques occasions.

En 2012, Harvey l’avait battu par deux dixièmes lors du prologue des finales de la Coupe du monde de Falun, sa première victoire en Coupe du monde. En 2015, ils ont aussi partagé le podium aux Mondiaux disputés au même endroit, le Suisse remportant l’argent et le Canadien le bronze au skiathlon.

« Ce sont de bons souvenirs, a dit Cologna. Il est toujours très fort comme athlète. C’est malheureux pour le sport de le perdre. »

« Je suis motivé »

Pour Harvey, il ne fait pas de doute que son rival suisse occupe une place spéciale dans le panthéon du ski nordique. « Ses médailles d’or sont toutes individuelles, a-t-il relevé. Northug a un super palmarès, plusieurs médailles d’or olympiques, mais une seule individuelle. Dario est aussi l’un des rares à avoir gagné dans toutes les disciplines : sprint classique, sprint style libre, distance classique et distance style libre. »

Toujours motivé, Cologna se voit peut-être poursuivre jusqu’aux Jeux olympiques de 2022. Il aurait alors 35 ans. « J’aime ce que je fais, j’aime le sport, je suis motivé. On verra après la saison, mais Pékin est peut-être l’objectif qui me motivera à continuer trois années de plus. »

Au 50 km style libre, dimanche, une médaille le comblerait, peu importe la couleur. Il avait enlevé l’argent en classique à Val di Fiemme en 2013.

Cologna fait de Sjur Roethe, médaillé d’or au skiathlon, le grand favori, citant également le champion olympique Simen Hegstad Krueger « et les deux autres Norvégiens au départ ». « Les Russes aussi seront forts, il n’y aura pas de grande surprise. Peut-être Alex, qui sait, pour sa dernière chance ! Il n’est pas dans une mauvaise forme. On verra. »

EN BREF

Un souci à l’épaule

Alex Harvey a ressenti une douleur à l’épaule droite en joggant vers son hôtel après sa sixième place au skiathlon de samedi. « C’était une douleur musculaire qui touchait aussi au triceps, je n’avais jamais senti ça avant », a-t-il expliqué hier. Il attribue cette raideur à un problème technique éprouvé durant la portion en classique. Son fidèle physiothérapeute, John Flood, a réglé ce léger souci avec quelques traitements. Après une journée de congé, Harvey a skié deux fois hier, terminant cette journée sous le soleil par une séance d’une heure et demie avec son ami Devon Kershaw. « Je me suis bien remis, les jambes étaient bonnes. Parfois, après une journée de congé, je suis amorphe, comme c’est le cas pour plusieurs, mais là, c’était bon. »

Kershaw confiant

Devon Kershaw a réitéré sa conviction de voir le fondeur de Saint-Ferréol monter sur le podium au 50 km dimanche… « Au skiathlon, il était extrêmement fort en pas de patin, a-t-il noté. Je ne l’avais pas vu fort comme ça de l’année. C’est clair qu’il est à un très haut niveau. S’il ne gagne pas une médaille, je serai vraiment, vraiment surpris. »

Gunde Svan se souvient

En cette journée sans épreuve, le comité organisateur des Mondiaux de Seefeld avait réuni quelques légendes du ski nordique à la table de conférence de presse. Parmi elles, Gunde Svan, le grand fondeur suédois double médaillé d’or aux Jeux olympiques de Calgary, en 1988. Quelques semaines plus tard, Pierre Harvey l’avait battu à la 100e présentation du 50 km d’Hölmenkollen, course mythique disputée à Oslo. Svan avait terminé cinquième. « Pierre était l’un des gars avec qui c’était le plus facile de communiquer parce qu’il parlait anglais, a raconté Svan. C’était un très bon gars, c’est bien de voir son fils réussir comme ça. Ils ont presque le même corps, grands tous les deux ! C’est différent de notre époque, avec les circuits très courts, l’explosivité, la haute vitesse. Je n’aurais jamais pu atteindre la vitesse qu’ils ont à la ligne d’arrivée aujourd’hui. » On attribue à Svan l’adoption de la technique du pas de patin par la fédération internationale en 1986, changement dont Harvey a largement profité.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.