Opinion  Société

Les sciences molles

Notre système d’éducation doit se donner comme seul objectif de former les futurs travailleurs qui viendront pourvoir les emplois disponibles

Faisant suite à la recommandation du ministère de l’Éducation supérieure, 26 universités japonaises ont dernièrement pris la décision de fermer leurs départements de sciences humaines et sociales. La raison évoquée : ce sont là des disciplines totalement inutiles. Reste à espérer maintenant que le Québec s’inspire de cette décision courageuse afin que l’ensemble de nos établissements d’enseignement entre enfin dans le XXIe siècle.

Le Japon a compris que dans un monde où tous les pays sont en concurrence, l’essentiel est d’adapter le système d’éducation aux exigences d’un marché dorénavant mondialisé. Ce qui compte avant tout dans nos sociétés, où le véritable capital est le savoir, c’est de faire en sorte que la formation offerte aux étudiants soit rapidement monnayable, qu’elle se traduise dans des actions efficaces, performantes et rentables pour l’économie du pays, la grande entreprise, sans oublier les travailleurs. Voici comment on peut y arriver.

Sans doute faut-il se débarrasser de ces pseudosciences humaines, de ces sciences molles comme les gens sérieux s’amusent à les nommer : sociologie, psychologie, anthropologie et le reste…

L’être humain n’a pas à se prendre lui-même comme objet d’étude. Cet exercice de contemplation est une perte de temps.

Les cours d’histoire relèvent de cette même forme de manifestation narcissique. Qu’a-t-on à faire avec le passé, alors que l’avenir se dresse devant nous comme un immense défi ? L’être humain doit être de son siècle au lieu de vivre dans celui de ses ancêtres.

Notre système d’éducation doit se donner comme seul objectif de former les futurs travailleurs qui viendront pourvoir les emplois disponibles, de même que ceux qui n’existent pas encore ! Puisqu’on n’arrête pas le progrès, c’est nous qui devons donc aller à sa rencontre. Une bonne formation est celle qui répond à un besoin. Un vrai savoir est celui qui sert à quelque chose. Aussi, il ne s’agit pas de former des rêveurs ou des touche-à-tout. La polyvalence n’a jamais donné de bons résultats. Parlez-en à Henry Ford. Il s’y connaît en matière d’efficience.

Notre société, pour être concurrentielle avec le reste du monde, et les Japonais en particulier, doit être disciplinée. L’heure n’est plus à la contestation, au désordre, aux récriminations de toutes sortes en provenance de ces pauvres esprits qu’une formation trop générale et prétentieusement « humaniste » a complètement corrompus. Ainsi, si on veut s’attaquer au problème à la source, on doit évidemment se débarrasser des cours de philosophie, mais aussi des cours de théâtre, de poésie et de littérature. Les figures de style et autres jeux de mots ne servent qu’à cacher les réelles intentions de celui qui parle. Paroles... Paroles..., comme le chantait je ne sais plus qui.

L’homme de l’avenir sera un être de peu de mots et privilégiera plutôt l’action. Tout comme sa formation, son langage sera utilitaire et pragmatique. Avoir trop de mots en tête nous éloigne de la réalité. Cela finit tôt ou tard par donner des idées confuses et même dangereuses, tout en favorisant le pire des poisons : l’ironie. Un texte sensé est un texte qui explique un mode d’emploi d’une manière claire et concise. Pas besoin d’un dictionnaire pour comprendre cela. Il y a tellement de mots inutiles et à double sens dans notre vocabulaire que ceci nous empêche de penser simplement. Prenez le mot liberté : est-ce le droit de faire n’importe quoi ou bien une marque de yogourt ? Le second sens a au moins le mérite d’être très clair alors que pour ce qui est du premier, les philosophes s’obstinent encore entre eux pour en saisir la portée.

Moi, je rêve du jour où le mot démocratie deviendra également une marque déposée. Ainsi, il serait interdit de l’employer à toutes les sauces comme le font les esprits perturbés par toutes ces sciences molles. Comme le disaient les Marx Brothers, « les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, il faut désormais le transformer. » Alors, passons à l’action et transformons notre système d’éducation afin de le rendre enfin conforme à la réalité.

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