Charles St-Arnaud Londres
Stratège en investissement pour la banque suisse Lombard Odier
Je suis toujours l’actualité économique canadienne et québécoise. Dans mon emploi précédent [chez Nomura], j’étais l’économiste [chargé d’observer le] Canada, ça faisait donc partie de mon travail d’être au fait des développements de l’économie canadienne. Actuellement, chez Lombard Odier, [je me concentre] beaucoup moins sur le Canada, mais je continue à suivre l’actualité, car ça peut servir d’exemple pour expliquer à nos clients ce qui se passe ou pourrait se passer ailleurs.
Le Canada s’est bien tiré de la crise financière et de la récession de 2008-2009, mais au prix d’une plus grande vulnérabilité venant des déséquilibres au niveau du bilan des ménages (trop d’endettement) et du marché de l’habitation. Ceci rend l’économie vulnérable aux chocs.
Du côté positif, l’économie du Québec semble s’être améliorée au cours des dernières années, tant du point de vue du marché du travail que de la situation fiscale.
À moyen terme, je dirais que les perspectives pour le Québec sont neutres ou légèrement moins bonnes.
Une façon de voir l’effet de l’endettement des ménages, c’est que l’on a emprunté de la croissance future au cours des dernières années, qui devra être remboursée dans les prochaines années avec une croissance plus faible. De plus, le haut niveau d’endettement rend l’économie très sensible aux hausses de taux d’intérêt et autres chocs.
Les tensions commerciales avec les États-Unis sont aussi un gros risque, étant donnée l’importance des activités d’importations et d’exportations entre le Canada et les États-Unis. Cela renforçait l’importance de diversifier ses relations commerciales et d’établir de nouveaux liens ; le PTP avec l’Asie et l’AECG avec l’Europe sont des développements positifs pour élargir les marchés potentiels.
Jean-François Perreault Toronto
Vice-président principal et économiste en chef, Banque Scotia
C’est vraiment une belle période que vous vivez au Québec. L’économie se porte très bien, et ce, peu importe où on regarde, le taux de chômage, la création d’emplois, l’investissement.
Si le Québec fait mieux que l’Ontario, c’est entre autres parce qu’il y a eu des baisses d’impôt qui ont contribué à soutenir la croissance et que le climat politique et économique est meilleur qu’en Ontario pour les entreprises.
Une des forces du Québec, c’est la haute technologie, qui évolue très bien et qui peut continuer à se développer, dans la mesure où il est capable d’attirer des gens de qualité.
La démographie est toutefois clairement un enjeu. Si on regarde l’économie comme une entreprise, la croissance est liée à deux facteurs, les travailleurs et la technologie. Quand le nombre de travailleurs n’augmente plus ou se met à diminuer, ça met un frein à notre capacité de croissance. Tous les pays industrialisés vivent la même situation, mais le problème est particulièrement aigu au Québec.
Je reste relativement optimiste pour le moyen terme, dans la mesure où on évite une guerre commerciale avec les États-Unis. Les tarifs vont avoir un impact sur l’économie de l’Ontario et du Québec, mais aussi sur l’économie des États-Unis. Nous révisons d’ailleurs nos prévisions de croissance à la baisse pour l’économie américaine. Si l’économie américaine ralentit, ça aura aussi un impact au Canada et au Québec.
René Francoeur New York
Courtier spécialisé en énergie
Je réside et travaille au New Jersey depuis 2001 et je suis sur le point d’avoir la citoyenneté américaine.
Le principal problème du Québec, c’est celui qui m’a fait partir. L’État est partout et les taux d’impôt sont trop élevés.
Je suis né au Lac-Saint-Jean d’une mère anglophone et d’un père francophone. Je me suis toujours senti plus canadien que québécois. Quand j’ai eu le choix de travailler à Toronto, où c’est un peu comme au Québec, ou aux États-Unis, j’ai choisi les États-Unis parce qu’il y a plus de possibilités.
Sur ce point, ça n’a pas beaucoup changé, même que l’Ontario a suivi le même chemin que le Québec. Ça va peut-être changer avec l’élection de Doug Ford. Normalement, le Canada fait la même chose que les États-Unis avec trois ou quatre ans de retard.
L’économie du Québec va beaucoup mieux, c’est un fait. Il y a une diversification économique qui s’est faite. Il y a plus de place pour les entrepreneurs et les petites entreprises technologiques ont plus de possibilités.
Mais l’État prend encore trop de place. Il faut toujours traiter avec le gouvernement, même pour des questions qui n’ont rien à voir. Ça envoie de mauvais signaux. C’est pour ça que le Québec perd du terrain par rapport aux autres provinces.
Pour l’avenir, ça risque d’être difficile. Avec la réforme fiscale aux États-Unis, le Canada a perdu l’avantage fiscal qu’il avait. Il lui reste le taux de change. Mais la guerre commerciale risque de lui faire mal.