Cancer des ovaires

Des chercheurs expliquent la résistance à la chimio

Comment expliquer l’inefficacité de la chimiothérapie dans le traitement du cancer des ovaires ? La question taraude les chercheurs depuis plusieurs années. Les Drs Hugo Wurtele et Elliot Drobetsky, du Centre de recherche de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, croient savoir pourquoi.

Il s’agit du cancer gynécologique le plus meurtrier au pays. Des 2800 femmes diagnostiquées en 2017, 1800 en mourront, selon la Société canadienne du cancer. Après cinq ans, seules 30 % des femmes survivent à ce cancer particulièrement résistant aux traitements de chimiothérapie.

« Le traitement de chimiothérapie initial est efficace et conduit dans la majorité des cas à une rémission, note le Dr Hugo Wurtele, spécialiste des mécanismes de réparation de l’ADN. Mais la plupart des patientes vivront une rechute et ne répondront plus au Cisplatin, un agent qui est pourtant très efficace pour traiter d’autres cancers tels que le cancer des testicules. »

Dans une étude publiée la semaine dernière dans le journal américain Cancer Research, les Drs Wurtele et Drobetsky concluent que la chimiothérapie est plus efficace sur les cellules cancéreuses sensibles, qui sont incapables de recopier ou « répliquer » leur ADN pendant les traitements. À l’inverse, les cellules qui résistent aux traitements, elles, répliquent facilement leur ADN.

« Évidemment, l’objectif est d’empêcher la réplication de l’ADN pour bloquer la division des cellules cancéreuses et la formation de tumeurs, détaille le Dr Wurtele. Le Cisplatin est un agent qui fait exactement ça. Il endommage l’ADN et bloque la réplication. Mais pour toutes sortes de raisons, certaines tumeurs ovariennes résistent à cet agent, alors que d’autres sont plus sensibles et meurent. »

ADN

Bien qu’il soit trop tôt pour envisager de nouvelles avenues thérapeutiques ou la formulation d’agents plus efficaces, les Drs Wurtele et Drobetsky ont réussi à identifier des mécanismes moléculaires importants qui influent sur l’efficacité des traitements.

« Les cellules ont toutes des mécanismes de réparation de l’ADN. Ce qu’on a constaté, c’est que les cellules qui ont de la difficulté à répliquer leur ADN ont aussi de grandes difficultés à le réparer pendant les traitements au Cisplatin, et vont ainsi être éradiquées par la chimiothérapie. »

— Le Dr Hugo Wurtele

C’est ce lien entre les deux phénomènes de réplication et de réparation de l’ADN qui a été établi par ces chercheurs.

« Il y a des protéines qui servent à la fois à la réplication et à la réparation de l’ADN, détaille le Dr Wurtele. Nos travaux suggèrent que lorsque la réplication de l’ADN est difficile, ces protéines ne sont plus disponibles pour la réparation, ce qui engendre une sensibilité à la chimiothérapie. »

Est-ce que, dans certains cas, on n’aurait pas intérêt à ce que l’ADN ne se répare pas ? Justement pour court-circuiter ce phénomène de réplication ?

« Absolument, répond le Dr Wurtele. D’ailleurs, il existe des thérapies qui visent à inhiber la réparation de l’ADN ou à exploiter des déficiences dans la réparation de l’ADN. C’est une piste prometteuse, mais le problème, c’est qu’en faisant cela, on inhibe ces mécanismes dans toutes les cellules du corps, pas seulement chez les cellules cancéreuses. »

L’objectif des chercheurs est maintenant de catégoriser les cancers pour éventuellement mieux cibler les traitements thérapeutiques.

« On aimerait pouvoir faire une classification moléculaire des cancers, stratifier les cancers, de façon à prédire lesquels vont bien répondre à la chimiothérapie. Notre recherche s’inscrit dans ce contexte. Les mécanismes que nous avons découvert sont liés à la sensibilité du cancer de l’ovaire aux agents de chimiothérapie, mais il faut identifier d’autres marqueurs. Nous espérons que cela pourra conduire à une médecine plus personnalisée. »

Prochaine étape : identifier d’autres facteurs de réplication et réparation qui influent sur ces mécanismes. « On a identifié un rôle clé pour une protéine appelée RPA, qui est critique à la fois pour la réplication et la réparation de l’ADN. On veut maintenant savoir quels sont les facteurs qui peuvent influer sur le comportement de cette protéine et donc, par le fait même, l’efficacité des traitements anti-cancer. »

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