critique

Inégal Martin Matte

Il aura fallu s’armer de patience pour découvrir enfin le nouveau spectacle de Martin Matte, qui est pourtant déjà monté trois fois sur la scène de la salle Wilfrid-Pelletier en février dernier. L’humoriste, qui a choisi de ne pas organiser de première médiatique, nous a finalement conviés au Théâtre St-Denis hier soir pour assister à son troisième spectacle solo, intitulé Eh la la.. !

Dix ans après Condamné à l’excellence et avec quatre saisons de son excellente série télé Les beaux malaises au compteur, Martin Matte est de retour avec toute l’arrogance qu’on lui connaît sur scène. D’entrée de jeu, on a aimé renouer avec l’ironie et le style incisif de l’humoriste, qui surfe sans attendre (et avec raison) sur le succès de son émission. 

Dès les premières minutes, on est projeté dans l’univers de Martin et de sa famille du petit écran, alors qu’il flirte sans cesse entre anecdotes personnelles et fiction. Malgré l’introduction un peu clichée de son premier numéro, Martin Matte nous embarque dans le sympathique récit du mariage de son père, brossant au passage un portrait des plus amusants de ses proches, de son frère traumatisé crânien à sa tante « conne » en passant par l’ami mourant de son père.

Plus tard au courant de la soirée, il propose même une courte vidéo dans laquelle il fait un clin d’œil aux talents de bricoleur de son personnage à la télé.

Au cours des 90 minutes du spectacle, Martin Matte propose deux segments particulièrement inégaux. Le premier est consacré à Facebook. Bien des blagues ont été faites depuis la création du réseau social, il y a maintenant 14 ans. Et Martin Matte n’apporte pas grand-chose de nouveau. On ne peut tout de même pas s’empêcher de sourire, car ses qualités de raconteur sont indéniables. Là où il réussit à se démarquer, c’est en revenant sur une anecdote qui lui est bel et bien arrivée, alors qu’il a reçu des menaces de mort en chantant l’hymne national quelques jours avant que le Canadien ne perde pendant les séries.

Tout aussi inégale, sa réflexion sur la réalité de ses adolescents nous a laissée mi-figue, mi-raisin. En lisant au second degré des paroles de Marie-Chantal Toupin ou de Boom Desjardins ou en imitant ses ados bougons, blasés et bordéliques, Martin Matte est loin de réinventer la roue. Mais quand il raconte une anecdote de sa propre adolescence, on embarque complètement !

L’art du malaise

Dans Eh la la.. !, Martin Matte prouve une fois encore qu’il est passé maître dans l’art du malaise, avec un excellent sketch sur les dons et la générosité à géométrie variable des gens. En comparant la famine en Afrique aux petits soucis du quotidien des Québécois, il propose une satire sociale intéressante, mais surtout hilarante. On en aurait pris beaucoup plus dans ce genre.

L’humoriste propose des textes bien ficelés (cosignés avec son complice François Avard), mais qui manquent parfois d’originalité. Loin de la scène pendant un bon moment, Martin Matte aurait peut-être gagné à y passer plus de temps pour repousser ses limites. Il a mis la barre bien haut avec Les beaux malaises et est un peu condamné à l’excellence. Dommage que son spectacle ne le sorte pas un peu plus de son personnage, qui lui colle à la peau depuis peut-être un peu trop longtemps maintenant.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.