Chronique

Pour en finir avec la simulation

Les huitièmes de finale de la Coupe du monde nous offrent deux matchs d’anthologie, un classique instantané France-Argentine et un Belgique-Japon à couper le souffle, et de quoi parle-t-on, encore et toujours ? De simulation, de duperie et de mauvais jeu d’acteur.

Le mot-clic ironique #MauditSoccerPlate est né sur les réseaux sociaux québécois pour railler – et faire mentir – ceux qui croient que le sport le plus populaire de la planète est ennuyeux parce que le score final du football (le vrai, celui qui se joue, comme son nom l’indique, avec le pied) n’est jamais 51-45.

Certes, l’amateur de soccer sait apprécier le jeu d’échec stratégique d’un match nul de 0-0. Mais s’il est franc, il avouera généralement une préférence pour un 3-2 plein de revirements comme le huitième de finale remporté hier par la Belgique contre le Japon. (Les Belges, largement favoris, ont comblé un déficit de 2-0 avec 20 minutes à jouer, pour l’emporter à la toute dernière seconde de jeu.)

Ben oui : nous aussi, on aime les buts ! Celui, spectaculaire et dramatique, du défenseur français Benjamin Pavard face à l’Argentine, samedi, restera parmi les plus beaux du tournoi. On aime aussi les matchs qui se terminent 4-3 dans les arrêts de jeu (ce France-Argentine), bien davantage que les duels stériles de 1-1, qui se dénouent aux tirs au but à la faveur des équipes qui pratiquent le non-jeu (les Russes, qui ont éliminé « à la grecque » les Espagnols, dimanche).

Ce que l’amateur de soccer déteste autant sinon plus que son prochain ? Ben oui : la simulation, la duperie et le mauvais jeu d’acteur d’un Neymar qui fait trois tonneaux, deux roulades et une courbette en se tenant l’oreille droite à deux mains parce qu’il a été frôlé par un adversaire à la cheville gauche ou qu’il a été fauché dans la surface de réparation par Kasper, pas le gardien danois mais le gentil fantôme du même nom.

Les entraîneurs et les joueurs aussi détestent ça. Les défenseurs et les milieux défensifs en particulier, que l’on peut accuser de tout sauf d’être douillets. Si vous pensez que le soccer est un sport de « moumounes », vous irez voir des séquences de jeu sur YouTube de Vinnie Jones, Roy Keane, Edgar Davids, Gennaro Gattuso ou encore mieux, un match de Samuel Piette avec l’Impact de Montréal au stade Saputo.

Réduire le soccer aux facéties de quelques divas bien en vue (Neymar, Ronaldo, etc.) est l’équivalent de résumer le hockey aux gants au visage et aux bagarres, le football (nord-américain) aux commotions cérébrales ou le baseball à la condition physique d’un lanceur de 45 ans et 280 livres (Bartolo de son prénom). C’est s’accrocher les pieds dans la caricature.

Et pourtant, dès que Neymar exagère de manière éhontée l’impact d’un véritable contact (le défenseur mexicain Miguel Layun lui a marché sur la cheville avec ses crampons), on ne parle plus de sport mais seulement de commedia dell’arte.

La simulation mine le soccer, mais elle ne définit pas le soccer. Si le soccer, pour vous, se résume à 22 joueurs qui se roulent par terre en grimaçant pendant 90 longues minutes parce qu’ils ont été effleurés par l’aile d’un papillon imaginaire, pas la peine de lire une phrase de plus de cette chronique. Ou bien vous n’avez pas regardé plus de cinq minutes de soccer de votre vie, ou bien vous n’avez rien compris.

Hier donc, pour y revenir, Neymar s’est permis quelques cascades spectaculaires et expressions faciales dignes d’un Oscar (la statuette, pas son ancien coéquipier en Seleçao). Les quolibets n’ont pas tardé. Le joueur le plus cher du monde – après un transfert de 222 millions d’euros du FC Barcelone au Paris Saint-Germain l’an dernier – mérite les critiques dirigées contre lui. S’il s’en tenait aux règles du jeu, ce serait mieux pour tout le monde. 

Avec un ballon, Neymar est phénoménal. C’est lorsqu’il le perd qu’il a souvent l’air ridicule.

Il reste que la somme des qualités de Neymar dépasse de loin celle de ses défauts, même les plus apparents. Neymar est le fer de lance d’une équipe brésilienne très équilibrée, qualifiée pour les quarts de finale après cette victoire de 2-0 contre le Mexique, qui sera très difficile à battre. Les Belges, qui ont tant peiné face aux Japonais, sont bien sûr avertis.

On se demandait dans quelles dispositions la starlette brésilienne entamerait ce tournoi, après une blessure au métatarse subie en club en février dernier. Sa longue convalescence a été suivie de très près au Brésil (un hélicoptère a même été dépêché par une chaîne d’information pour suivre ses déplacements jusqu’à l’hôpital…).

Après des débuts difficiles en Russie, Neymar a connu une montée en puissance constante. Ça tombe bien. La Seleçao a eu besoin de sa force de frappe, hier à Samara, devant une équipe mexicaine qui avait décidé de combattre le feu par le feu en jouant son va-tout vers le but adverse.

Le numéro 10 auriverde avait troqué ses cheveux décolorés en « motte de spaghettis » pour une coupe plus sobre (selon ses standards). Mais il a montré qu’il n’avait rien perdu de sa pointe de vitesse, après un crochet dans la surface qui lui a permis d’effacer d’un coup deux défenseurs. En début de deuxième mi-temps, il a habilement servi une talonnade à Willian qui, après avoir attiré vers lui la défense mexicaine, lui a remis le ballon à l’embouchure de la cage de Guillermo Ochoa. Il s’agissait de son deuxième but du tournoi et de son 57e but pour le Brésil en 89 matchs.

C’est aussi Neymar qui a préparé le deuxième but brésilien, à la 88e minute, grâce à un pointu dévié par Ochoa et aussitôt repris par Roberto Firmino, pratiquement sur la ligne des buts. Il a par ailleurs confirmé son entente avec Philippe Coutinho, meilleur joueur du Brésil dans la phase de groupe, qui a été un peu plus effacé hier même s’il s’est créé une occasion en or en début de deuxième mi-temps.

Guillermo Ochoa a stoppé huit tirs cadrés des Brésiliens (dont ceux de Paulinho et Willian, qui a joué son meilleur match du tournoi). Aucun gardien n’en avait fait autant en Coupe du monde depuis… Ochoa lui-même, il y a quatre ans, alors qu’il avait connu le match de sa vie (un nul de 0-0) face à la Seleçao.

Les Mexicains ont joué avec beaucoup de confiance et d’assurance en début de match, tablant sur la contre-attaque, quitte à prendre quelques risques défensifs. Carlos Vela, auteur d’un très bon Mondial, a de nouveau été l’animateur du jeu d’« El Tri », qui a tenté de reproduire sa victoire-surprise contre l’Allemagne en ouverture.

Pour toute sa puissance offensive, le Brésil est aussi très bien organisé en défense et refermait rapidement les espaces, limitant les occasions de frappe du Mexique. À la demi-heure de jeu, les Auriverdes avaient repris, pour de bon, l’ascendant sur le match. Le Brésil, qui n’avait pas perdu en quatre rencontres en Coupe du monde contre le Mexique, sans jamais accorder de but, a conservé une fiche parfaite, notamment grâce à Thiago Silva, impeccable en défense centrale.

C’était la septième fois de suite que le parcours du Mexique se terminait en huitième de finale. Les Mexicains n’ont pas mis un terme à la « maledicion del quinto partido », ce cinquième match de Mondial élusif, mais ils ont offert du beau jeu, excitant et offensif. Les Brésiliens, en revanche, se qualifient pour les quarts de finale d’une Coupe du monde pour la septième fois consécutive (et la 17e fois en 19 présences en phase finale).

Le prochain rendez-vous du Brésil, vendredi, contre une Belgique talentueuse qui s’est fait une frayeur hier, promet d’être l’un des plus relevés de ce Mondial.

Coupe du monde de soccer

Les « Diables » sont revenus de l’enfer

Rostov-sur-le-Don — Les « Diables rouges » ont longtemps cru que la malédiction des favoris leur était tombée dessus ! Mais la Belgique, menée 2-0 jusqu’à la 69e minute, est revenue de l’enfer pour renverser le Japon 3-2 au bout des arrêts de jeu et retrouver le Brésil en quarts de finale de la Coupe du monde.

Ils avaient promis qu’on ne leur referait plus le coup après la mésaventure de l’Euro 2016 : deux ans après le traumatisme gallois et 24 heures seulement après la leçon espagnole, les Belges ont réussi à assumer leur statut de favori contre des Nippons tout proches de réaliser l’exploit.

Mais comme le huitième de finale du Mondial de 2014 remporté après prolongation face aux États-Unis (2-1), ils ont affiché une fébrilité inquiétante…

Meilleure attaque de la phase de groupes avec neuf buts, la Belgique pensait avoir opté pour la meilleure stratégie en terminant première de son groupe. Certes, pour basculer dans la partie de tableau la plus difficile de la compétition, mais pour éviter aussi la Colombie, adversaire a priori plus dangereux que le Japon.

Mais ce Mondial donne la part belle aux « petites » équipes, à l’image de l’exploit de la Russie contre l’Espagne dimanche. Et depuis le limogeage-surprise de Vahid Halilhodzic, les « Samouraïs bleus » d’Akira Nishino sont devenus une glaçante machine à exploiter la moindre faille de l’adversaire.

Avertissement

D’entrée de jeu, le Japon a joué sans complexes pour montrer à la pléiade de stars belges que rien ne serait simple. S’ils auraient mérité de s’incliner durant le temps fort belge – quatre minutes de folie avec autant d’occasions franches (Lukaku, 25e ; De Bruyne, 26e ; Hazard, 27e ; et Kompany, 28e), les Japonais ont profité des espaces béants laissés par l’ambitieux dispositif belge en 3-4-3, notamment sur les côtés lorsque Meunier et Carrasco, plus ailiers que latéraux, n’assuraient pas leur repli défensif.

Le premier avertissement pour les Belges est intervenu juste avant la mi-temps, avec deux occasions japonaises.

Mais dès le retour des vestiaires, la passivité belge a été sanctionnée. Sur une sublime passe de Shibasaki, Haraguchi a profité d’une hésitation de Vertonghen pour battre Courtois (48e).

Quelques minutes plus tard, Inui montrait qu’il était digne de son nom en lâchant une incroyable frappe des 20 mètres hors de la portée de Courtois (52e). La Belgique, auto-proclamée candidate au titre, était sérieusement menacée d’élimination !

« Début de deuxième période, 0-1, 0-2, tu te dis : c’est terminé. » — Thomas Meunier

« Moi, j’étais tranquille : ils ont marqué deux buts en cinq minutes, on pouvait le faire aussi ! C’est ce qu’on a fait », a complété Kevin De Bruyne au micro de BeIn Sports.

« Remontada » sur le fil

Pour la « génération en or » des Hazard, Mertens et Kompany, le temps des regrets n’était pas encore arrivé. Grâce à un but heureux de Vertonghen (69e), à la réception d’une chandelle japonaise, les « Diables » se sont mis à croire à la « Remontada ».

Après avoir multiplié les coups de boutoir, l’entrant Fellaini a fini par égaliser de la tête cinq minutes plus tard (74e).

S’ils pensaient devoir se contenter de la prolongation après avoir manqué une nouvelle grosse occasion, avec une double parade de Kawashima sur des têtes de Chadli puis Lukaku (85e), les Belges ont finalement arraché la qualification sur la dernière action du match.

Sur une relance rapide de Courtois, De Bruyne a initié un contre supersonique, transmis à Meunier, qui a immédiatement centré pour Lukaku. Maladroit jusqu’ici, le buteur belge a astucieusement laissé passer le ballon entre ses jambes pour permettre à Chadli d’inscrire le but de la victoire (90 + 4). Et de la délivrance.

Les Belges ont eu très chaud. Ils reviennent de l’enfer et sont prêts à défier le Brésil !

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