Les docteurs de l’autre santé
Il ne peut y avoir de prospérité sans investissement dans notre domaine de santé, la santé mentale
Charles Roy
Président de l’Association des psychologues du Québec
Monsieur Barrette,
Grâce à vos bons efforts alors que vous étiez à la tête de la Fédération des médecins spécialistes, les salaires des docteurs en médecine se situent maintenant tous au-dessus de la barre des 200 000 $ par année (et plus de 700 000 $ pour certains).
Malheureusement, il en va tout autrement pour les docteurs en psychologie du réseau public. En effet, le salaire que ces derniers obtiennent après 11 années d’expérience est de 84 000 $.
Comme si cette disparité de traitement n’était pas assez grande, le 1 avril dernier, en tant que ministre de la Santé, vous avez choisi de laisser s’imposer une réduction salariale de 10 % à ces mêmes docteurs en psychologie. Avez-vous oublié que nous sommes – tout comme les psychiatres – des spécialistes de la santé (mentale) ? Pensez-vous que la santé mentale ne soit pas aussi importante que la santé physique ?
Peut-être ignorez-vous tout simplement ce que nous faisons. Par notre expertise et nos interventions, nous évitons aux médecins de nombreuses consultations, nous réduisons la pression sur les urgences, nous évitons de nombreuses hospitalisations et nous réduisons, avec des résultats qui perdurent dans le temps, l’usage de médicaments.
Cependant, avec des études doctorales (presque aussi longues que celle des médecins), des responsabilités professionnelles importantes, mais des salaires aussi peu élevés et surtout non concurrentiels avec la pratique privée, les psychologues ont déjà passablement quitté le secteur public. Selon les chiffres de votre ministère, issus du portrait de la main d’œuvre, la pénurie de psychologues constitue un réel problème. Les jeunes diplômés, pour leur part, ne choisissent de travailler au public que dans une proportion de 45 %. Rien qui va permettre de renflouer les rangs.
Sans revendiquer le salaire des médecins, il y a un net écart difficilement explicable entre ces deux groupes professionnels, si on considère l’expertise, la durée des études et la responsabilité professionnelle.
Nous méritons un ajustement salarial significatif. Si vous craignez pour votre cadre financier, nous vous ferons parvenir les nombreuses recherches qui démontrent que la pénurie de psychologues dans le réseau public et le sous-investissement en santé mentale ont aussi un prix. Il est financier, mais aussi social, familial et humain. Vous comprendrez rapidement qu’il ne peut y avoir de prospérité sans investissement dans notre domaine de santé. Vous savez, l’autre santé, la santé mentale.
Je souhaite donc une prise de conscience lucide de votre part. Les docteurs en psychologie sont essentiels, ils ne sont pas un luxe. Ils sont plus économiques que coûteux. Ils font partie de la solution et non du problème.