Éditorial Paul Journet

AVENIR DU MUSÉE MCCORD
Le temps presse

Le temps presse pour le projet d’agrandissement et de déménagement du musée McCord.

Si le musée ne reçoit pas bientôt un terrain de la Ville de Montréal et un financement du Québec, il pourrait perdre des millions promis par des fondations privées. L’argent de ces donateurs risque en effet d’aller ailleurs, possiblement à Toronto. Est-ce cela qu’on souhaite pour Montréal ? Que notre immobilisme serve à financer la culture de la Ville Reine ?

Le musée de la rue Sherbrooke est victime de son succès. Ses visites augmentent et sa collection grandit, si bien qu’il manque d’espace.

Depuis quatre ans, la direction pilote un projet ambitieux. Le musée d’histoire sociale changerait d’adresse et de nom. Il deviendrait le musée de Montréal – un musée officiel de la ville, comme cela existe dans plusieurs autres métropoles.

Hélas, le projet est bloqué à cause d’une mésentente.

En 2000, Montréal cédait un terrain à Domtar, à l’angle De Maisonneuve/ De Bleury. Tel que convenu, il a été converti en parc.

Mais pour la papetière, les arbres, c’est de l’argent, et le vert n’est jamais aussi joli qu’en billets de banque. Plus tôt cette année, Domtar a ainsi vendu le parc à un promoteur immobilier, qui y fera pousser une tour à condos – une autre…

La mairesse Valérie Plante veut maintenant compenser la perte d’un parc par la création d’un nouveau. Le problème, c’est qu’elle veut créer ce parc dans l’îlot Eugène-Lapierre, qui était pourtant réservé depuis 2014 au projet du musée McCord. Elle essaye de réparer une erreur par une autre.

Mme Plante s’impose un choix absurde : un parc ou un musée. Il est pourtant possible de faire les deux ! D’autoriser le projet du musée McCord tout en créant un parc ailleurs, par exemple à l’arrière de l’église Saint-James comme le propose l’urbaniste Jean Décarie.

Malgré tout, Mme Plante ne mérite pas les sévères reproches qu’elle a reçus. On lui a jeté trop rapidement la pierre.

On l’a dit, le maire Coderre avait promis le terrain au musée McCord. Mais il n’avait pas partagé le dossier avec son administration, et encore moins avec l’opposition.

Celle qui lui a succédé a donc pris connaissance de la destruction du parc à peu près en même temps que du projet du musée. Elle a choisi rapidement en fonction de sa promesse de protéger les espaces verts.

On a accusé Mme Plante de penser petit. D’agir comme une mairesse d’arrondissement au lieu de faire rayonner la métropole. C’est injuste.

Montréal est chanceux de compter sur une administration qui ne pense pas qu’au béton. Les petits projets ne sont pas futiles. Ils s’additionnent pour créer une ville où il fait bon vivre. C’est aussi cela, la signature de Montréal.

Reste que l’îlot Eugène-Lapierre n’est pas le seul terrain qu’on pourrait convertir en parc.

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Mme Plante mesure mal la portée de son refus.

Contrairement à ce qu’elle prétend, le musée ne trouvera pas un meilleur endroit. Sa place est au centre-ville, proche des transports collectifs et des autres musées, au cœur du Quartier des spectacles. Après tout, ce sera le musée de Montréal.

Et en reportant le dossier, elle en bloque le financement.

Le projet coûterait 150 millions, financés en parts égales par Québec, Ottawa et les dons privés. Or, rien ne bouge, car Québec attend le feu vert de Montréal pour s’avancer, et Ottawa attend à son tour la décision de Québec.

En attendant, le musée fait son travail. Selon nos informations, il a déjà atteint la moitié de son objectif, soit 25 millions sur 50. Cela comprend un don majeur de 15 millions de la Fondation Emmanuelle Gattuso. Toutefois, cet organisme, situé à Toronto, est très sollicité. Si le blocage perdure, l’argent pourrait aller dans une autre province. En pure perte pour Montréal.

Avec son élection, Mme Plante a amené un nouveau leadership à l’hôtel de ville, basé sur l’écoute et le travail en équipe. C’est d’ailleurs en partie pour cela que les Montréalais l’ont élue. Elle a une belle occasion de leur donner raison.

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