Science Réchauffement climatique

L’influence mystérieuse du soleil sur les nuages

Ce n’est pas un débat sur le sexe des anges, mais plutôt sur la chimie des nuages. Voici comment une poignée de chercheurs tentent d’ébranler le consensus scientifique sur le réchauffement de la planète en se tournant du côté du Soleil.

Un dossier de Mathieu Perreault

Les promesses de  la cosmoclimatologie

La grande majorité des chercheurs s’entendent : la Terre se réchauffe à cause des émissions humaines de gaz à effet de serre. Mais certains demeurent sceptiques : et si le rôle du Soleil était sous-estimé ? Portrait des irréductibles de la cosmoclimatologie.

Ionisation

Au cœur du débat : la capacité du Soleil à ioniser des particules très petites dans la haute atmosphère. Quand certains rayons du Soleil frappent ces aérosols, ils leur donnent une charge électrique en leur enlevant ou leur ajoutant un électron. « La difficulté est de montrer comment ces particules ionisées très petites peuvent interagir avec les particules plus grosses qui forment les noyaux des nuages », explique Henrik Svensmark, physicien de l’Institut spatial danois, qui a consacré sa carrière à la question. « Cette possibilité a été démontrée en laboratoire, mais il faut encore travailler pour mieux comprendre les mécanismes et comment ils peuvent être influencés par les cycles solaires longs. » La Presse a demandé son avis sur la question à Gavin Schmidt, climatologue qui dirige l’Institut Goddard de la NASA à New York. M. Schmidt estime que des études ayant reproduit les travaux de M. Svensmark montrent que l’impact de cette ionisation des aérosols par le Soleil sur le climat et la température est « d’un ordre de grandeur » plus faible que les émissions humaines de gaz à effet de serre, soit 10 fois moindre. Le dernier rapport du GIEC abordant la question, publié en 2013, a conclu avec un « haut degré de certitude » que l’influence du Soleil sur le climat était négligeable par rapport aux émissions humaines de gaz à effet de serre.

Foudre

Un deuxième mécanisme est aussi invoqué : les courants électriques créés par l’ionisation des aérosols au-dessus des pôles. « L’impact local sur la quantité d’énergie qui arrive du Soleil est très grand, cinq watts par mètre carré », explique Brian Tinsley, physicien de l’atmosphère de l’Université du Texas à Dallas, qui a beaucoup publié sur cette hypothèse. « C’est deux fois plus que l’impact des émissions humaines de gaz à effet de serre. Et je crois qu’il pourrait y avoir des impacts ailleurs sur la planète, même si ce phénomène spécifique est limité aux pôles. » Gavin Schmidt, de la NASA, qui est le cofondateur du blogue Real Climate, estime que les travaux de M. Tinsley n’infirment pas les conclusions du rapport du GIEC de 2013.

Cycles solaires

On sait depuis plus de 150 ans que l’activité du Soleil varie selon des cycles d’environ 11 ans, qu’on peut observer selon le nombre de taches solaires. Le GIEC a analysé l’influence de ces cycles sur la température de la Terre et n’a pas trouvé d’influence assez importante pour contrer l’impact des émissions humaines de gaz à effet de serre. Mais Vincent Courtillot, géophysicien à l’Institut de physique du globe de Paris, avance dans quelques études que des cycles solaires plus longs, de 30 ans, voire de trois siècles, pourraient brouiller les pistes. « On a des satellites pour mesurer l’activité du Soleil depuis seulement 40 ans, alors on ne peut pas savoir exactement ce qui va se passer avec les cycles solaires plus longs », explique-t-il, joint à Paris. Gavin Schmidt, de la NASA, estime quant à lui que les catalogues de taches solaires peuvent remonter sur plusieurs siècles, étant donné qu’elles sont observées depuis Galilée, et que des mesures de béryllium-10, un isotope créé lorsque les rayons cosmiques frappent des atomes d’azote, permettent de remonter à 10 000 ans. « Il y a encore une incertitude sur l’amplitude des cycles plus longs, mais ils sont au maximum deux à quatre fois plus marqués que les cycles de 11 ans », dit M. Schmidt.

Les plaques tectoniques

Vincent Courtillot compare le débat actuel à propos de l’influence des rayons cosmiques sur le climat terrestre à celui sur les plaques tectoniques. Il rappelle que l’astronome allemand Alfred Wegener a proposé la théorie de la tectonique des plaques en 1913, mais que ses collègues ne lui ont donné raison que dans les années 60. M. Courtillot connaît bien cette question : il s’est intéressé au débat climatique après avoir bifurqué de la géophysique à la paléoclimatologie, en étudiant le volcanisme associé à la disparition des dinosaures voilà 65 millions d’années. « À l’époque, on pensait qu’il ne pouvait pas y avoir de mouvements horizontaux des continents. Dans les années 30, seulement 5 % des géophysiciens étaient d’accord avec Wegener. Il a fallu le développement de technologies sous-marines durant la Seconde Guerre mondiale pour qu’on regarde les océans du monde avec ces nouveaux outils. » Que pense Gavin Schmidt, de la NASA, de cette analogie ? « Pour moi, ça ne marche pas parce que, de tout temps dans le débat sur les plaques tectoniques, on avait une donnée fondamentale qui ne changeait pas : les continents semblent s’imbriquer les uns dans les autres des deux côtés de l’Atlantique. Pour ce qui est de l’influence des rayons solaires sur les nuages, on propose sans cesse des corrélations qui se défont dès qu’on les examine, qui ont la consistance de la gélatine. Comme beaucoup de scientifiques, j’aime avoir un point de vue contraire à la majorité, j’aime les nouvelles idées. Mais je n’aime pas qu’on me propose sans cesse de vieilles idées qui ne s’avèrent pas. » Pour mettre les choses en perspective, La Presse a demandé à M. Schmidt de comparer la probabilité de deux découvertes : la preuve d’une sous-estimation significative de l’influence des rayons cosmiques sur la formation des nuages et la température terrestre, ou la preuve de l’existence de Dieu. Le chercheur de la NASA a beaucoup ri en entendant cette question : « Ce sont deux découvertes tout aussi improbables. »

Supernovas

Une autre source de rayons cosmiques à laquelle s’intéresse le Danois Henrik Svensmark provient des supernovas, résultats de l’implosion d’étoiles en fin de vie. « Dans le passé, il semble y avoir eu un impact majeur sur le climat et probablement l’évolution de la vie, dit M. Svensmark. Cela dit, ça ne peut pas jouer un rôle dans le débat actuel parce qu’il n’y a pas de précurseur de supernovas assez proches de la Terre pour nous envoyer assez de rayons. » Pour être considérée comme proche de la Terre, une supernova doit être à moins de 150 années-lumière. Un spécialiste des supernovas de l’Université Washburn au Texas, Brian Thomas, a confirmé que la quantité de rayons cosmiques arrivant à la Terre d’une supernova voisine est de « plusieurs ordres de grandeur » (un ordre de grandeur équivaut à 10 fois, deux ordres de grandeur à 100 fois, trois ordres de grandeur à 1000 fois, et ainsi de suite) plus grande que les rayons provenant de notre Soleil. La dernière supernova assez proche est survenue voilà 2 millions d’années et le précurseur de supernova le plus proche, Bételgeuse, se trouve à 600 années-lumière. M. Thomas estime avoir « une petite chance » de voir la supernova de Bételgeuse de son vivant.

En chiffres

270 parties par million (PPM) 

Concentration de CO2 dans l’atmosphère avant 1850

410 PPM 

Concentration de CO2 dans l’atmosphère en 2018

950 PPM 

Concentration de CO2 dans l’atmosphère en 2100 avec une croissance économique mondiale rapide, un pic de population avant 2100 et aucune diminution dans la proportion de l’énergie tirée des carburants fossiles

700 PPM 

Concentration de CO2 dans l’atmosphère en 2100 avec une croissance économique mondiale rapide, un pic de population avant 2100 et une diminution graduelle de la proportion de l’énergie tirée des carburants fossiles

575 PPM 

Concentration de CO2 dans l’atmosphère en 2100 avec une croissance économique mondiale rapide, un pic de population avant 2100 et une diminution rapide de la proportion de l’énergie tirée des carburants fossiles

Sources : GIEC, NOAA

Science  Réchauffement climatique

Le climat et l’humanité

L’homme a toujours eu une relation amour-haine avec le climat de la planète. Des périodes chaudes lui ont permis de prospérer, des coups de froid ont parfois suivi, pouvant même entraîner l’effondrement de civilisations. Voici une reconstruction du climat depuis 2000 ans avec diverses mesures d’anneaux de croissance des arbres en Europe du Nord.

Vers 200

La température à l’apogée de l’Empire romain fait couler beaucoup d’encre. Certains climatosceptiques sont convaincus qu’il faisait alors plus chaud que maintenant, mais la majorité des climatologues pensent que non.

Vers 800

Un refroidissement aux causes pour le moment indéterminées pourrait avoir provoqué la chute de la civilisation maya au Mexique.

Vers 1100

L’optimum climatique médiéval a vu les Vikings coloniser le Groenland et Terre-Neuve. Il se pourrait qu’il s’agisse d’un réchauffement limité à l’hémisphère Nord et non pas planétaire.

Vers 1650

Le petit âge glaciaire a vu un refroidissement général de l’Atlantique Nord, probablement localisé et non planétaire.

1815

L’éruption du volcan indonésien de Tambora a projeté tellement de suie dans l’atmosphère que la température de la planète a baissé de près d’un degré l’année suivante, avec des précipitations anormales.

Vers 1950

Depuis 1850, la température de la planète augmente au gré des émissions humaines de gaz à effet de serre. La courbe en rouge est basée sur des observations directes de température.

Source : Real Climate

La question des élèves

Regardez la question posée par Diana Lupascu, du groupe de sciences de quatrième secondaire de Marthe-Élise Thomas à l’école Pierre-Laporte de Mont-Royal

L’inversion dES pôleS magnétiqueS terrestreS arrive-t-elle d’un coup ou progressivement, et a-t-elle déjà commencé ?

Possiblement en seulement quelques siècles. De temps à autre, les pôles magnétiques s’inversent, provoquant un arrêt temporaire du champ magnétique terrestre et à d’autres moments, un ralentissement important appelé « excursion ». Jusqu’à maintenant, aucun moyen de prédiction de ces changements n’a pu être mis au point. L’automne dernier, des géologues de l’Université de Taiwan ont montré dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) que des excursions voilà 100 000 ans sont survenues en seulement quelques siècles, alors que, justement, l’intensité du champ magnétique terrestre diminue depuis 1840. Une étude publiée en 2014 dans la revue Quarternary Geochronology estimait que depuis 2,6 millions d’années, il y avait eu 10 inversions et 27 excursions. La plus récente inversion est survenue voilà 780 000 ans et l’excursion la plus récente, voilà 33 000 ans (une possible excursion voilà 17 000 ans fait l’objet d’un débat). — Mathieu Perreault, La Presse

Dans le cadre d’un projet spécial, des écoles de la région montréalaise ont soumis des questions scientifiques à notre journaliste, qui y répondra d’ici à la fin de l’année scolaire. Si votre école désire participer au projet l’automne prochain, où que vous soyez au Québec, écrivez-nous !

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