Soulagé et très ému, après avoir appris qu’il était reconnu coupable de l’homicide involontaire de sa femme souffrant d’alzheimer, Michel Cadotte a « remercié le jury et la cour d’avoir écouté », en sortant de la salle d’audience où le verdict venait d’être rendu, hier matin.
Le Montréalais de 57 ans faisait face à une accusation de meurtre au second degré à la suite de la mort de sa femme, Jocelyne Lizotte, en février 2017.
Le verdict d’homicide involontaire, une infraction moins grave, signifie qu’il évitera peut-être la prison.
Le jury semble avoir choisi de prêter foi aux explications qu’il avait données pendant le procès : dépressif, épuisé après plusieurs années à prendre soin de sa femme malade, son jugement était altéré et l’a conduit à poser un geste impulsif quand il a étouffé Mme Lizotte avec un oreiller, dans sa chambre d’un CHSLD de l’est de Montréal.
« J’ai craqué. Je ne voulais plus qu’elle souffre », a-t-il expliqué à plusieurs reprises pendant son témoignage.
Après deux années de processus judiciaire, dont un mois d’un procès qui a évoqué de douloureux moments et deux jours à attendre la décision du jury, Michel Cadotte semblait submergé par l’émotion, hier.
Il a adressé quelques mots aux journalistes, à la suite du verdict, mais les sanglots l’ont empêché de répondre à d’autres questions.
« Nous avons accompagné notre client depuis deux ans dans ce que nous pouvons qualifier de tragédie », a souligné son avocate, Me Elfriede Duclervil, tandis que M. Cadotte pleurait à ses côtés. « Il est soulagé, il va pouvoir respirer, et sa famille aussi. Ça a été très difficile pour tout le monde. »
Me Duclervil s’est dite satisfaite de constater que le jury avait compris que le geste posé par l’accusé était le résultat du processus de « démolition » qu’il avait vécu, en raison de la maladie de sa femme, dont il s’est occupé jusqu’à sa mort.
« On a qualifié cette maladie de tsunami, qui a tout ravagé sur son passage. Ce qui s’est passé nous donne des pistes de réflexion en tant que société. »
— Me Elfriede Duclervil, avocate de Michel Cadotte
« C’est un moment de faiblesse humaine qui a eu des conséquences absolument dramatiques. On est satisfaits du verdict, mais on ne pourra jamais se dire satisfaits de tout ce qui s’est passé », a ajouté Me Nicolas Welt, son collègue qui défendait aussi l’accusé.
« Un véritable processus de deuil va maintenant pouvoir débuter », a-t-il ajouté.
Une victoire
Le verdict d’homicide involontaire est une victoire pour l’accusé. S’il avait été reconnu coupable de meurtre au deuxième degré, il aurait écopé automatiquement d’une sentence d’emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant 10 à 25 ans. Pour un homicide involontaire, il n’y a pas de peine minimale, sauf si une arme à feu est utilisée.
« Un homicide reste une infraction excessivement grave, il n’y aura pas de passe-droit, il va y avoir des conséquences importantes. »
— Me Nicolas Welt, avocat de Michel Cadotte
Ce verdict donne à la juge Hélène Di Salvo beaucoup de latitude pour déterminer la peine à lui infliger. Elle a annoncé qu’elle prononcerait la sentence le 5 mars.
La juge elle-même, au cours du procès, s’est montrée touchée par les épreuves traversées par Michel Cadotte. Elle a notamment affirmé que voir la santé d’un proche qui se dégrade est « d’une tristesse absolue », et qu’on pouvait comprendre la détresse de l’accusé.
Les procureurs de la Couronne avaient de leur côté fait valoir que personne ne pouvait décider d’abréger la vie de quelqu’un d’autre, peu importe la raison. À leur avis, Michel Cadotte avait le contrôle de ses actions quand il a décidé de tuer sa femme.
Le jury n’avait pas la possibilité de l’acquitter, puisqu’il a admis avoir mis fin aux jours de son épouse.
Dans les minutes qui ont suivi son geste, il a reconnu ce qu’il avait fait. Après avoir demandé au personnel du CHSLD de composer le 911, il a attendu l’arrivée des policiers, assis sur le lit près du corps de son épouse, en lui caressant les cheveux. Les agents l’ont même laissé déposer un baiser sur le front de Mme Lizotte avant de lui passer les menottes.
Aide médicale à mourir refusée
Jocelyne Lizotte souffrait d’alzheimer au stade le plus avancé de la maladie. Au moment de sa mort, à 60 ans, elle ne parlait plus, ne marchait plus, portait des couches et était placée sous contention 24 heures sur 24. Elle ne reconnaissait personne et ne pouvait rien faire par elle-même.
L’année précédente, il avait demandé l’aide médicale à mourir pour son épouse, affirmant que c’est ce qu’elle aurait voulu. Mais Jocelyne Lizotte n’y était pas admissible, puisque sa démence l’empêchait de donner son consentement et qu’elle n’était pas considérée comme en fin de vie.
Michel Cadotte, décrit par des témoins comme un mari aimant et attentionné, était le seul à continuer à la visiter. Il se rendait presque quotidiennement au CHSLD Émilie-Gamelin pour lui donner des soins, parce qu’il estimait que les employés ne pouvaient pas lui consacrer assez de temps. Il est allé jusqu’à suivre un cours de préposé aux bénéficiaires pour savoir comment s’en occuper.
Il avait déposé plusieurs plaintes au sujet des soins administrés à son épouse, notamment alors qu’elle était soignée à l’hôpital Royal Victoria, où il avait dû se résoudre à l’envoyer parce que lui-même était dépressif.
Après avoir entendu le verdict prononcé par le jury, les procureurs de la Couronne ont fait savoir qu’ils avaient l’intention de vérifier si des erreurs de droit avaient été commises, avant de décider s’ils allaient faire appel.
— Avec Janie Gosselin, La Presse