« Il faut une motivation »

L’acquisition du langage est l’un des sujets de recherche de Phaedra Royle, professeure à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal. La Presse l’a jointe pour parler de l’apprentissage de l’anglais par les enfants au Québec.

Un enfant peut-il apprendre l’anglais en regardant la télévision dans cette langue ?

Pour apprendre une langue, il faut avoir un but pertinent qui nous pousse à le faire. Souvent, les enfants apprennent mieux une langue seconde dans un contexte où ils doivent la parler pour communiquer. S’il n’y a aucune raison pour eux d’apprendre l’anglais, si personne dans leur famille ou leurs amis ne le parle, ça peut être difficile.

Je suis anglophone, mais mon fils ne voulait pas apprendre l’anglais. Il avait décidé que c’était trop difficile. Un jour, un enfant d’Angleterre est arrivé à sa garderie francophone. Cet enfant n’avait aucun moyen de communiquer avec les autres. Mon fils est devenu son interprète. Il avait une valeur sociale, parce qu’il était le seul qui pouvait parler anglais.

Il faut vraiment une motivation pour apprendre une langue. La télévision peut être un outil, mais ce n’est pas la meilleure façon de le faire.

Que proposer de mieux ?

L’interaction humaine est toujours meilleure. On peut faire participer l’enfant à une équipe de hockey ou de soccer où il y a des gens qui parlent anglais. C’est plus facile à faire à certains endroits qu’à d’autres, c’est vrai.

On peut envoyer l’enfant en camp de vacances dans une autre langue. J’ai une amie originaire de Montréal qui vit à New York avec sa famille. Elle a envoyé ses filles en camp de vacances au Québec, pour renforcer leur français.

Il y a aussi des jeux sur ordinateur conçus pour apprendre des langues, qui sont relativement ludiques. Ils ont l’avantage d’être plus interactifs que la télévision.

Peut-on espérer qu’un enfant devienne bilingue en suivant les cours d’anglais donnés à l’école ?

Les études démontrent qu’il faut que les enfants soient exposés au moins 25 % du temps à une langue seconde pour qu’ils puissent l’apprendre correctement ou normalement. Ce n’est certainement pas ce qui est offert dans les écoles, sauf dans les programmes d’immersion en 5e ou 6e année du primaire.

En ce moment, l’anglais donné dans les écoles permet aux enfants d’avoir des connaissances assez passives et basiques de la langue. Je serais très étonnée que quelqu’un devienne fluent dans une langue seconde avec aussi peu d’enseignement et de pratique.

Mon père a eu le même problème. C’est un anglophone qui est allé à l’école anglaise au Québec, où on lui a enseigné le français. Dans sa vingtaine, il s’est fait une blonde francophone et il s’est rendu compte qu’il n’était pas capable de communiquer en français. Aujourd’hui, il est parfaitement bilingue, mais c’est à 25 ans qu’il a commencé à parler français. Il a fallu qu’il se fasse des amis francophones. Je pense que ça peut être la même chose pour les enfants francophones…

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