GÉNOMIQUE FORESTIÈRE

QUAND L’INFINIMENT PETIT PERMET DE VOIR GRAND

« Quand un arbre tombe, on l’entend. Quand une forêt pousse, il n’y a pas un bruit »

Lors du dernier congrès annuel du Conseil de l’industrie forestière du Québec, le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Laurent Lessard a déclaré : « Nous comptons sur l’innovation, la diversification et la création de richesses dans les différents secteurs d’activité liés à la forêt (…) Nous avons une chance unique de réinventer l’industrie forestière québécoise. »

Concernant l’innovation, le ministre aurait pu citer en exemple le projet FastTRAC (Tests rapides pour l’amélioration des conifères) pour lequel la génomique catalyse une petite révolution en accélérant grandement la sélection de plants de haute qualité pour le reboisement. Le programme de partenariats pour les applications de la génomique de Génome Canada et Génome Québec a permis la mise en place de FastTRAC à hauteur d’un financement de 3,4 millions de dollars impliquant la participation active de sept organismes en foresterie. En quelques mots, FastTRAC permet de développer des tests de dépistage précoce comme il se fait en médecine.

DE LA RECHERCHE FONDAMENTALE À L’APPLICATION DIRECTE DANS NOS FORÊTS

La génomique touche l’ensemble des disciplines qui analysent et utilisent le génome (l’ensemble du matériel génétique d’une espèce). Elle permet par exemple d’étudier les variations dans les gènes de l’épinette blanche et des attributs qui leur sont rattachés.

Au cœur du projet de génomique appliquée FastTRAC, un chercheur qui fait l’unanimité chez les partenaires du projet : Jean Bousquet, généticien et professeur titulaire au Département des sciences du bois et de la forêt à l’Université Laval. Il nous donne plus d’explications.

« Nous sommes en train d’analyser tout le génome de l’épinette, mais nous n’avons pas eu besoin d’attendre d’avoir toute la séquence pour développer des applications. Il y a cinq ans nous avons choisi de séquencer les gènes avant tout. Ils représentent moins de 0,1 % du génome, mais c’est là que nous retrouvons le plus d’informations génétiques essentielles. Les gènes sont comme les meubles dans une maison. Ils ne prennent pas beaucoup de place par rapport au volume total, mais combien ils sont importants. »

D’OÙ VIENT CE BESOIN DE RAPIDITÉ DANS L’ANALYSE DES ARBRES ?

Bon an mal an, il se reboise au Québec plus de 120 millions de plants forestiers, sous la responsabilité du gouvernement du Québec. Ce dernier a la responsabilité de s’assurer de la qualité des arbres reboisés et des futures forêts. Contrairement à l’agriculture où la sélection de variétés améliorées est rapide, cela prend au moins 20 ans en foresterie pour bien évaluer et choisir les meilleurs arbres pour le reboisement.

Le cycle d’amélioration comporte trois étapes temporelles. Quatre années de travail pour les croisements, de 20 à 25 ans pour l’évaluation (car on doit attendre que les pousses deviennent des arbres de bonnes dimensions), et finalement quatre années appelées « multiplication végétative » pour multiplier en grand nombre les individus de haute qualité.

La génomique appliquée chamboulera le domaine en réduisant ce cycle d’amélioration d’une trentaine d’années à moins de 10 ans. Plus besoin d’attendre que les arbres atteignent une certaine dimension pour sélectionner les meilleurs. Les tests génomiques s’effectuent dès le stade de jeunes semis, en moins d’un an. La recherche fondamentale devient appliquée. « C’est comme si on se ramenait au contexte de l’agriculture, où la sélection de nouvelles variétés végétales peut se faire en moins de 10 ans. On évite d’avoir à attendre 30 ans, ce qui est particulièrement pertinent dans un contexte d’adaptation aux changements climatiques », explique Jean Bousquet.

UN PATRIMOINE NATIONAL

Les forêts du domaine de l’État appartiennent à tous les Québécois. Par conséquent, elles doivent être protégées et aménagées de manière à procurer des avantages aussi tangibles que diversifiés et durables à la société tout entière. Une disposition préliminaire de la Loi sur les forêts stipulait que les forêts publiques devaient être aménagées de façon durable, c’est-à-dire qu’on doit : 

En préserver la diversité biologique

Maintenir, sinon améliorer, l’état et la productivité des écosystèmes forestiers

En perpétuer l’apport aux grands cycles écologiques

Conserver la qualité des sols et de l’eau

Maintenir les multiples avantages socioéconomiques que les forêts procurent à la société

Respecter les valeurs de la population

Combler les besoins des générations actuelles et futures

Source : ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec

LISTE DES PARTENAIRES DU PROJET FastTRAC

Génome Canada

Génome Québec

Chaire de recherche du Canada en génomique forestière de l’Université Laval

Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec

FPInnovations

Ressources naturelles Canada

New Brunswick Tree Improvement Council

J.D. Irving, Limited

LE GÉNOME DES ARBRES, UN VÉRITABLE LIVRE D’INSTRUCTION

Le génome de l’arbre -> un livre 

Les chromosomes -> les chapitres du livre 

Les gènes -> les phrases du livre 

L’ADN -> les lettres qui forment les mots et les phrases 

Une variante -> une variation orthographique

Source : adapté de Génome Québec

Cycle conventionnel vs cycle accéléré par la sélection génomique

DURÉE DU CYCLE D’AMÉLIORATION CONVENTIONNELLE SANS GÉNOMIQUE FORESTIÈRE

4 ans de croisements 

20 à 25 ans de croissance en plantation avant d’effectuer les sélections 

4 ans de multiplication végétative

DURÉE DU CYCLE D’AMÉLIORATION RACCOURCI PAR LA GÉNOMIQUE FORESTIÈRE 

4 ans de croisements 

1 an pour obtenir les jeunes plants et effectuer les sélections 

4 ans de multiplication végétative

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