Un « petit bijou » naturel menacé ?

Le trajet du train électrique de la Caisse de dépôt menace un îlot naturel où vit une espèce d'oiseau menacée

QUÉBEC — Un groupe d’ornithologues et de biologistes craint que deux projets, dont le train électrique de la Caisse de dépôt et placement, menacent un îlot naturel d’une richesse insoupçonnée. Un « petit bijou » caché dans un parc industriel, dans lequel niche une espèce d’oiseau menacée.

Le Technoparc, dans l’arrondissement de Saint-Laurent, recèle un secret bien gardé : un boisé de plusieurs kilomètres carrés où l’on trouve trois marais. On peut y observer des castors, des chevreuils, des coyotes, des renards, ainsi que des dizaines d’espèces d’oiseaux.

Tout cela à un jet de pierre des bâtiments industriels et de la piste de décollage de l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau.

« On a un petit bijou ! », résume Joël Coutu.

Cet ornithologue a visité les lieux pour la première fois en novembre. Lorsqu’il y est revenu au printemps, il a été estomaqué par la diversité de la faune.

« Au début mai, il y a des matinées où on a vu 70 espèces d’oiseaux », relate- t-il.

Au fil de leurs visites, M. Coutu et ses collègues ont identifié une ribambelle d’espèces : des hérons verts, des aigrettes, différentes variétés de canards.

Puis, ils ont découvert plusieurs spécimens du petit blongios, une espèce menacée dont la population est estimée à 1500 individus au Canada.

« Mardi, on en a trouvé cinq », dit Joël Coutu.

MOBILISATION

Un groupe informel d’ornithologues et de biologistes s’est donc mobilisé pour protéger le secteur. Ses membres craignent qu’il soit mis en péril par deux projets, l’Éco-Campus Hubert Reeves et le Réseau électrique métropolitain (REM) de la Caisse de dépôt.

« Le projet présenté par la Caisse de dépôt arrive en plein dedans », résume le biologiste Pierre Pontbriand, un des membres du groupe.

Il espère que la présence du petit blongios convaincra les autorités de bloquer ou de modifier les projets. Ottawa a récemment adopté un décret d’urgence pour protéger la rainette faux-grillon, dont l’habitat était menacé par un projet immobilier sur la Rive-Sud de Montréal.

La CDPQ Infra, la division de la Caisse qui pilote le projet du REM, confirme que le train doit traverser le boisé du Technoparc avant de rejoindre par tunnel le terminal de l’aéroport. Son porte-parole, Jean-Vincent Lacroix, confirme aussi que le secteur a été désigné comme une « zone sensible ».

« On veut limiter les impacts dans les secteurs qui ont été identifiés comme zones sensibles et, évidemment, on veut limiter les impacts dans ce secteur-là », indique M. Lacroix.

Il souligne que le projet d’Éco-Campus prévoit la construction d’une route à travers le boisé. Le train pourra donc longer l’emprise routière et, du coup, limiter les perturbations dans le milieu humide.

« PEUR D’AVOIR PEUR »

L’administration du Technoparc fait valoir que 14 % de ses terrains ont été désignés comme zones de conservation. Le développement de l’Éco-Campus permettra de protéger un territoire de plus de 10 hectares, qui comprend un marais.

« Les travaux qu’on réalise depuis 25 ans s’inscrivent dans le cadre du développement écologique d’un site industriel exemplaire. »

— Mario Monette, président-directeur général du Technoparc Saint-Laurent

Il dit n’avoir aucune raison de croire que le train de la Caisse traversera le secteur le plus fragile du milieu humide. Des réserves foncières ont été constituées sur des terrains de l’ouest du Technoparc et non dans le secteur où se trouvent les marais.

« Les gens ont peur d’avoir peur, dit M. Monette. C’est sûr qu’à un moment donné, on peut penser que parce c’est prévu qu’il y ait un arrêt au Technoparc, ils vont finir en plein milieu de la zone de conservation. Mais ça, tout le monde peut dire n’importe quoi. »

Éco-Campus

La construction de l’Éco-Campus Hubert Reeves prévoit le prolongement du boulevard Alfred-Nobel à travers le boisé situé au sud du Technoparc. On construira une digue autour d’un marais situé tout près. Les travaux entraîneront l’assèchement de la portion sud du milieu humide, ce qui permettra la construction d’immeubles. La portion nord, celle qui comprend le marais, sera restituée à la Ville de Montréal pour être incluse dans le parc-nature des Sources, un important projet de conservation.

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