L’attentat de Québec, un an plus tard

Les Québécois tous unis

Une importante foule s’est réunie hier en bravant le froid polaire et le vent glacial, typiques de l’hiver à Québec, pour se rassembler en solidarité avec les familles et les victimes de l’attentat à la Grande Mosquée, le 29 janvier 2017. Un an plus tard, les blessures sont toujours vives, ont exprimé des veuves de l’attaque. Bilan d’une soirée empreinte d’émotions.

« Ça va droit au cœur »

Des veuves, des enfants et des victimes ont pris la parole tour à tour, hier, dans une longue cérémonie qui a duré plus d’une heure sur le parvis d’une église située à quelques mètres de la Grande Mosquée de Québec. Sur scène, assis sur un fauteuil roulant, Aymen Derbali, qui a perdu l’usage de ses jambes après avoir été touché par sept balles, a été chaudement applaudi par les centaines de Québécois présents lorsqu’il a pris la parole. « En dépit de ce que j’ai vécu, je regarde toujours le côté positif. Je regarde le corps médical, la police, la ville, les politiciens, je regarde tout le monde qui est bienveillant et ça me rend très fier d’être Québécois et Canadien. Je vois la générosité, la solidarité et l’empathie de toute une nation, ça va droit au cœur », a-t-il affirmé. « L’événement est toujours présent dans notre quotidien, et on sait qu’on n’oubliera pas si facilement. La peine est toujours vive, parfois la douleur plus intense. Mais la vie continue », a dit l’une des veuves de l’attentat, sous les applaudissements assourdis par les mitaines.

Pourquoi avoir peur du mot « islamophobie » ?

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a lancé un vibrant appel au dialogue et à la réflexion, hier, n’hésitant pas à relancer la question de créer une journée nationale contre l’islamophobie, alors que la classe politique québécoise – à l’exception de Québec solidaire – n’est pas favorable à une telle proposition. « C’est facile de condamner le racisme, l’intolérance et les discriminations contre la communauté musulmane. On sait c’est qui, ce sont les racistes, c’est l’autre, ce sont les nonos qui se promènent avec des pattes de chien sur le t-shirt [NDLR : il fait référence au groupe ultranationaliste La meute]. C’est toujours de l’autre [qu’on parle quand on dénonce le racisme]. Mais pourquoi le mot “islamophobie” nous met-il mal à l’aise ? », a-t-il demandé, applaudi par la foule. « Il faut reconnaître nos propres faiblesses en tant que Québécois, en tant que Canadiens. Il ne faut pas faire semblant que ça n’existe pas. […] C’est une réflexion que nous devrons avoir en tant que société. Creuser un peu pourquoi ça [nous] dérange [de parler d’islamophobie] », a-t-il conclu. Par courriel, le bureau du premier ministre Trudeau a confirmé à La Presse qu’aucune décision définitive n’était prise pour l’instant quant à la possibilité de faire du 29 janvier une journée contre l’islamophobie.

L’importance des mots

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, ne s’est pas avancé comme son homologue fédéral sur la question de l’islamophobie, hier. Après avoir affirmé plus tôt ce mois-ci qu’il ne souhaitait pas d’une journée commémorative qui cible uniquement l’islamophobie (tout comme le Parti québécois et la Coalition avenir Québec), M. Couillard a de nouveau rappelé l’importance des mots que l’on choisit lors de son allocution. « Les mots qu’on utilise sont de toutes sortes. Ils peuvent trancher, ils peuvent blesser, ils peuvent faire mal, mais ils peuvent unir et guérir aussi », a affirmé le premier ministre. Le maire de Québec, Régis Labeaume, a pour sa part lu une déclaration : « Le 29 janvier 2017, un individu s’est lâchement attaqué à mes voisins, des citoyens de Québec venus s’établir ici pour se bâtir un avenir meilleur. […] Je ne reconnais pas ma ville dans ce geste insensé. Cela n’est pas Québec. Je refuse que ma ville soit associée à la violence et à la haine. Condamnons ce soir et demain tous ceux et celles qui insidieusement soufflent sur les braises de la xénophobie et du racisme. »

Expliquer l’inexplicable

Plus d’une cinquantaine de bénévoles, réunis autour d’un comité organisateur laïque d’environ 30 citoyens, ont veillé au bon déroulement de la commémoration, hier, qui s’est tenue sous forte présence policière. Les rues de l’arrondissement de Sainte-Foy qui entouraient le lieu de rassemblement étaient fermées à la circulation, alors que de nombreuses familles et enfants étaient présents, malgré l’heure tardive, pour écouter la longue succession de discours. Rencontrés sur place, un couple et ses trois enfants ont expliqué pourquoi ils souhaitaient être présents. « Nos enfants vont à l’école juste à côté d’ici, on habite dans le quartier. Des enfants de l’école ont perdu des parents, des proches, on se devait d’être là en support », a expliqué le père, enlaçant l’un de ses enfants près de lui. « À l’école, ce qui est important, c’est que tous les enfants jouent ensemble. C’est là-dessus qu’on insiste à la maison, l’importance d’être là maintenant pour les soutenir », a ajouté la mère.

— Avec Pierre-André Normandin, La Presse

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