Samian

Revoir l’histoire

Personnage principal du long métrage Hochelaga, terre des âmes, le rappeur et artiste multidisciplinaire Samian estime que le film de François Girard fait œuvre utile en matière d’enseignement sur l’histoire des Premières Nations. Il souhaite que l’œuvre soit vue dans les écoles et sera prêt à l’accompagner le cas échéant, confie-t-il en entrevue.

Le hasard fait parfois bien les choses. Le même jour où il essayait les costumes pour son rôle de l’archéologue mohawk Baptiste Asigny dans le film Hochelaga, terre des âmes, le rappeur Samian a rencontré, pour la première fois, son beau-père, un… archéologue à la retraite.

« Le même soir, après mes essayages, ma copine m’a présenté son père qui était habillé exactement comme je l’étais dans mes costumes », se souvient en riant Samian qui, pour ce quatrième rôle au cinéma, tient le haut de l’affiche.

Gendre et beau-père en ont profité pour jaser archéologie. « J’ai beaucoup appris sur le métier en discutant avec lui, dit Samian. Il m’a plus tard montré des thèses de doctorat qu’il avait dirigées [le personnage de Baptiste soutient sa thèse dans le film]. Et François [Girard] lui a demandé de lire le scénario. »

Recherche d’exactitude ? Absolument. Le réalisateur, assure l’acteur, n’a rien laissé au hasard durant la préparation et le tournage d’Hochelaga, film qui retrace 750 ans d’histoire de Montréal. « Lorsqu’on me voit à l’écran participer à des fouilles archéologiques, je suis entouré de figurants qui sont tous archéologues, ajoute le comédien. Ils m’ont montré les bonnes façons de travailler. »

Ce souci du détail s’est appliqué avec la même rigueur pour raconter l’histoire des autochtones sur le territoire montréalais. Samian estime que le cinéaste a abordé la question autochtone avec une solide approche. « C’est souvent délicat, la façon dont on présente les Premières Nations. C’est souvent critiqué. Dans Hochelaga, c’est très bien fait. François voulait tellement travailler avec des autochtones, acteurs comme figurants », dit Samian, métis originaire de la réserve algonquine de Pikogan, en Abitibi.

Plus tard dans l’entrevue, il exprime le souhait de voir le film projeté dans les établissements d’enseignement, quitte à l’accompagner. 

« Au-delà de sa carrière cinématographique, j’espère qu’Hochelaga jouera dans les écoles, les cégeps, les universités où il peut y avoir matière à discussion et à débat sur notre propre histoire. »

— Samian

Il se souvient qu’au moment où le film a été présenté en première à Montréal et à Toronto, en septembre dernier, le mot « réconciliation » (avec les Premières Nations) était sur toutes les lèvres. « Ça m’a chatouillé un peu, dit-il. Car il n’y aura jamais une réelle réconciliation tant et aussi longtemps que nous serons sous le régime d’apartheid qu’est la Loi sur les Indiens [adoptée en 1876]. On est dans un pays qui est extrêmement hypocrite par rapport à l’histoire des Premières Nations. »

Un grand poème

À travers la carrière du personnage de Baptiste Asigny, Hochelaga, terre des âmes revient sur quelques chapitres de l’histoire de Montréal. Chacun de ces chapitres est habilement évoqué à travers des découvertes que font Asigny et son équipe sur le terrain du stade Percival-Molson où a lieu un effondrement de terrain.

Pour Samian, l’ensemble du film se décrit comme « un grand poème », une idée qui colle parfaitement avec le travail de cet auteur-compositeur-interprète amoureux fou des mots et dont plusieurs textes sont maintenant étudiés dans les écoles.

« C’est bien fait. François est tellement brillant. Il sait jouer parfaitement avec la musique et les images. Et lorsqu’il nous dirige, il fait ça comme un chef d’orchestre. J’ai vu, sur le tard, ses autres films et de l’un à l’autre, on reconnaît toujours sa signature. »

Hochelaga, terre des âmes prendra l’affiche le 19 janvier

Les autres projets de Samian

Contes et légendes du Nord

Dans le cadre du festival Printemps nordique, l’Orchestre symphonique de Montréal accueille Samian pour une soirée intitulée Contes et légendes du Nord, le 26 avril à la Maison symphonique. « La composition de la musique et les textes se font d’un côté, puis l’OSM en fera l’adaptation en répétition, indique le rappeur. Ce sera un mélange de matériel neuf et ancien. Mais ce sera surtout un gros slam entouré d’une centaine de musiciens de l’OSM. C’est un moment assez unique et ça donne un peu le vertige ! D’autant plus que mon plus gros trac dans la vie, c’est la scène ! »

Le messager

En juillet 2016, Samian a mis fin à son association avec sa maison de disques 7ème Ciel. Et il ne reviendra pas en arrière. « Quand on achète un disque, ce n’est pas l’artiste qu’on nourrit, mais la maison de disques. Alors, je m’autoproduis. L’argent, on le fait en donnant des concerts. » Respectant cette logique, l’artiste et son complice DJ Horg ont décidé d’offrir gratuitement l’album Le messager. On peut déjà télécharger huit pièces sur sa page Bandcamp. « Les deux autres seront lancées au printemps, dit Samian. Nous vendrons des copies vinyle dans nos spectacles. Le son est très old school. Nous avions envie de revenir aux sonorités des samples, des scratchs. Cela sonne comme la musique que nous écoutions au début des années 90. »

Havila

Après son exposition à la TOHU, présentée jusqu’au 31 août, et à Amos, Samian compte donner les 36 photos de son exposition Enfants de la terre à son école primaire de Pikogan. En parallèle, il prépare une nouvelle exposition, Havila, du nom d’un village d’orphelins du Burkina Faso. Ce village a été créé de toutes pièces par un ami de Samian pour accueillir des orphelins et des enfants abandonnés. « Mon exposition constituera un photoreportage sur leur histoire, dit-il. Le premier enfant qui est ressorti de ce village est devenu policier. » Comme pour sa première exposition, l’artiste compte publier un livre en accompagnement. Il espère que son association avec la TOHU se poursuivra pour ce nouvel opus.

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