Éducation

Le prof youtubeur

Jonathan St-Pierre porte une longue barbe, est couvert de tatouages et de piercings puis parle d’environnement dans des capsules vidéo diffusées sur sa page Facebook. Non, vous n’êtes pas en présence d’un youtubeur, mais bien d’un prof de 5secondaire de Rouyn-Noranda qui a choisi d’investir les réseaux sociaux.

Jonathan « Le ProF » ne se contente pas de donner son cours de géopolitique « Le monde contemporain » en classe. Il alimente une page Facebook où il anime avec humour des bulletins de nouvelles, lance des défis pour protéger l’environnement, fait tirer des « boîtes à surprises » avec des objets de substitution au plastique, entre autres.

« En fait, je me considère comme un anti-youtubeur, nous dit l’enseignant. Les youtubeurs que les jeunes aiment, des gens comme PewDiePie, n’ont pas toujours un message pertinent. Mon but est de rendre le fil Facebook de mes élèves plus signifiant, parce que c’est là [sur les réseaux sociaux] que se trouvent les jeunes. »

L’idée d’une page Facebook a été lancée par des finissants de la cohorte de l’an dernier, souligne-t-il.

« Dans mes cours, j’utilise beaucoup l’actualité pour intéresser les jeunes à ce qui se passe autour d’eux. L’an dernier, des finissants m’ont demandé de créer cette page pour partager ce que je présente en classe. Pour continuer de me suivre une fois leurs études terminées. Ç’a commencé comme ça. »

— Jonathan St-Pierre, enseignant de 5e secondaire

L’enseignant de l’école secondaire d’Iberville pensait attirer une centaine de personnes sur sa page. Aujourd’hui, il est suivi par plus de 5500 personnes.

Techno, vidéos, défis et websérie

Au fil des mois, la question environnementale a pris de plus en plus d’ampleur. « C’est un problème qui revient tout le temps dans mon cours et je trouve que sur ce thème, les jeunes sont alertes et proactifs. Ce sont eux les décideurs de demain. C’est eux qui influenceront la suite des choses. Donc c’est devenu mon cheval de bataille. »

Avec humour, Le ProF a par exemple lancé le défi #beatplasticpollution popularisé aux États-Unis par l’acteur-politicien Arnold Schwarzenegger. Abandonner soi-même un objet de plastique de son quotidien (bouteille d’eau, paille, sac d’épicerie, pellicule plastique, etc.), puis relancer le défi à cinq personnes de son entourage pour qu’elles fassent de même. La vidéo a fait mouche.

Le but premier de l’enseignant est de sensibiliser ses élèves à « l’état du monde » et à ce qu’ils peuvent faire pour le rendre meilleur.

« Je me sers beaucoup de la technologie dans ma classe, j’ai un tableau interactif qui fonctionne en permanence, j’intègre des capsules vidéo, etc. Le contenu de ma page Facebook est un complément à mon cours. Ça me permet d’avoir des liens avec des élèves plus réservés, qui parlent moins en classe, mais aussi d’approfondir certains sujets. »

Jonathan St-Pierre travaille également à la réalisation d’une websérie, dont l’action se déroulera… dans une classe d’école. Une fiction humoristique où l’on retrouvera différents profils d’élèves : ceux qui vivent une peine d’amour, les élèves anxieux qui ont un stress de performance, les taquins, les retardataires, les accros aux jeux vidéo, etc. Tous les jeunes acteurs seront des élèves actuels ou anciens.

Mais quel rapport avec son approche pédagogique ? Et pourquoi tant d’efforts pour alimenter une page ou des projets, qui dépassent manifestement les objectifs de son cours ?

« Ce sont des façons de créer des liens avec les élèves, répond l’enseignant. Pour les intéresser à des projets qui sont justement un peu en marge de leurs cours. Je pense que ce sont des raisons de plus d’être motivés à venir en classe, à participer, à avoir de l’intérêt pour le cours. »

« Grâce à la technologie, je capte leur attention. Lorsque je leur enseigne une matière, c’est plus facile de communiquer l’information. »

— Jonathan St-Pierre, enseignant de 5e secondaire

Parmi ses enseignements, Jonathan St-Pierre insiste sur l’importance de varier ses sources d’information. De réfléchir aussi aux intérêts divergents qui motivent les acteurs d’un conflit.

« C’est important de leur expliquer qu’une nouvelle peut être traitée de différentes façons. Par exemple, dans un cours cette semaine, je leur ai envoyé une nouvelle sur les exercices militaires en Russie, pour leur montrer qu’au moment où on se parle, il y a des tractations. J’essaie de leur dire que lorsqu’on regarde à l’extérieur du Québec, il y a un monde en mouvement, qu’il y a des choses qui se passent et que c’est important de s’y intéresser. »

D’autres enseignants créatifs

Jennifer Harriet

Cette enseignante de l’école FACE a trouvé un usage pédagogique à l’application Twitter. Après avoir créé un compte pour sa classe de maternelle, Jennifer Harriet leur a appris à formuler des messages clairs, en quelques mots. « La limite de caractères les aide à se concentrer sur une idée, évalue-t-elle. Ils réagissent à des activités, donnent leurs impressions sur certaines questions abordées en classe, réagissent à d’autres messages. Ce sont des échanges virtuels pertinents et immédiats, qui sont faciles à rédiger. »

Antoine Côté

Identifier des erreurs de français ou des mauvaises traductions sur des panneaux ou des devantures de commerce, les prendre en photo et les publier sur un compte Instagram créé à cette fin. C’est l’un des projets qu’a soumis Antoine Côté à ses élèves de 3e secondaire au Collège de Montréal. Ce jeune professeur de français a aussi invité ses élèves à s’exprimer sur Twitter sur le thème d’une lecture obligatoire du roman Le grand secret. Une façon de partager des impressions, de soulever des interrogations et d’alimenter la discussion. Résultat : plus de 5000 commentaires publiés ! 

William Hesselink

Ce professeur de sciences et de mathématiques a initié un projet d’entrepreneuriat et de citoyenneté numérique avec les élèves de 4e secondaire de l’école alternative Mind. Après avoir défini le concept d’empreinte numérique, William Hesselink s’est donné pour mission d’expliquer la mécanique de la collecte des données sur Facebook. Une fois l’information bien assimilée, les élèves ont conçu des pubs ciblées pour attirer des jeunes dans leur école. Des pubs diffusées sur… Facebook !

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