Hockey féminin

Une entraîneuse qui gagne à Montréal

À trop regarder ce qui se passe dans la LNH, on peut croire que gagner au hockey à Montréal en 2016 est impossible. Il y a pourtant une équipe et une entraîneuse qui le font. Les filles des Carabins  de l’Université de Montréal viennent de gagner leur deuxième titre canadien en quatre ans. Et Isabelle Leclaire est probablement la meilleure entraîneuse dont vous ayez jamais entendu parler.

Elle est à mille lieues du cliché de l’entraîneur de la LNH. Ses joueuses la décrivent comme humble et posée. Elle estime qu’expliquer vaut mieux qu’imposer. Elle ne pense pas que « gueuler » après ses joueuses soit la solution. Elle est même capable de faire de longues entrevues dans un français impeccable. C’est dire.

Et cette année, Isabelle Leclaire vient de réaliser quelque chose de pas banal du tout : remporter un second titre canadien à la tête d’une équipe qui n’existait pas il y a huit ans encore.

« Ici, au début, c’était complètement à l’abandon, a raconté hier Mme Leclaire, dans le vestiaire de l’équipe féminine de l’Université de Montréal. C’était le vestiaire de l’équipe masculine, qui n’avait pas joué depuis le début des années 70. On est vraiment parties de rien. »

Les filles des Carabins ont joué leur premier match à l’automne 2009. Mais un an plus tôt, pour préparer le programme, Danièle Sauvageau devait trouver une personne-clé. À cette époque, l’ancienne gardienne de but Isabelle Leclaire était coentraîneuse-chef des Stars de Montréal, l’ancêtre des Canadiennes. C’est elle qui a hérité de cette tâche.

Après un an de préparation, quand est venu le temps de trouver une coach, Leclaire a d’abord pensé qu’il faudrait afficher le poste. Elle n’avait jamais été entraîneuse-chef au collège et encore moins à l’université.

« Je me souviendrai toujours du jour où elle a eu le poste. Je lui ai dit : tu as fait tout le travail jusqu’ici, le poste t’appartient. »

— Danièle Sauvageau, directrice du programme de hockey féminin à l’Université de Montréal

Au moment où les Carabins sont arrivées dans le portrait, l’Université McGill dominait le hockey féminin au pays. Les choses ne semblaient pas près de changer. Les meilleures joueuses québécoises à l’époque s’exilaient aux États-Unis. Il était difficile de voir comment monter une équipe capable de rivaliser avec les meilleures.

Puis en 2012, les Carabins ont créé la surprise en battant Laurier en séries éliminatoires pour se rendre à la finale. L’année suivante, elles gagnaient le championnat canadien. Elles viennent tout juste de répéter l’exploit en fin de semaine.

« Le défi de notre circuit, c’était de garder les Québécoises chez nous, plutôt que de les voir aller jouer dans la NCAA. Je me souviens que lors de notre arrivée, on avait 22 joueuses qui étaient parties aux États-Unis, explique Isabelle Leclaire. C’est beaucoup pour le hockey féminin. C’étaient des joueuses qui avaient fait partie d’Équipe Québec chez les moins de 18 ans. C’était la crème de la crème. Il y a deux ans, on a refait le sondage et on était rendu à six joueuses par année. Ç’a beaucoup diminué. »

« Maintenant, pour plusieurs joueuses francophones de talent, jouer pour les Carabins est l’objectif, dit-elle. Pour nous, c’est une des plus belles réussites. »

VERS UN TROISIÈME TITRE

Au début, elle croyait rester à la barre de l’équipe quatre ou cinq ans. Elle a beau être une des meilleures entraîneuses au pays, il s’agit d’un poste à temps partiel, qu’elle conjugue avec un emploi de gestionnaire à l’Université.

« Quand j’ai commencé, je pensais faire cinq ans et passer à autre chose, davantage me concentrer sur la gestion. Au bout de cinq ans, j’avais la piqûre. C’est un métier sans fin. J’essaie toujours de m’améliorer et de comprendre mon métier. »

Au fil des ans, elle s’est forgé une identité propre, une signature. 

« Elle a toujours les bons mots. Elle ne crie jamais après nous. Je pense sincèrement que ce ne serait pas la bonne façon d’approcher les filles. »

— L’attaquante Casandra Dupuis

Chez les filles, qu’on soit un entraîneur ou une entraîneuse, il faut user de psychologie, croit Isabelle Leclaire, qui note que les postes d’entraîneur-chef au pays dans le hockey féminin sont encore majoritairement occupés par des hommes.

« Si on n’est pas un bon communicateur au hockey féminin, ça ne passe pas, je pense. Les filles ont besoin de communiquer. Elles veulent pouvoir parler et elles veulent comprendre le pourquoi du comment. Avec les filles, il faut aussi aller davantage du côté émotif. Le “rharharha” et les cris, ça ne marche pas beaucoup. »

Isabelle Leclaire rêve maintenant d’un troisième titre. Ça peut sembler ambitieux. Mais aujourd’hui, ils ne sont pas nombreux, ceux prêts à parier contre Isabelle Leclaire et les Carabins.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.