Opinion  Fierté Montréal

« Moi, c’est papa que je marierais »

Monsieur C., quatre ans : « Moi, maintenant que je sais que les hommes peuvent se marier, c’est papa que je marierais… » Il répondait à sa mère lors d’une déclaration d’amour du genre « si t’étais pas mon fils, je te marierais ».

Monsieur C. était invité au mariage de son grand-père avec moi ; il me connaît depuis toujours. Le mariage entre personnes du même sexe est légal au Canada depuis 2004 et maintenant aux États-Unis. Pourquoi se battre encore pour nos droits si le mariage semble acquis ? Simplement parce que tous les enfants ne sont pas Monsieur C.

Les enfants apprennent de nos attitudes et de nos préjugés, ils apprennent de notre ouverture aussi. Il a appris l’ouverture avant le préjugé. Mais ce n’est pas le cas de toutes les familles.

On compte encore bien des ados mis à la porte ou violentés s’ils se déclarent homosexuels, ce ne sont pas des légendes urbaines. Si je pouvais éviter cela à plusieurs… il faut donc continuer à lutter pour les droits LGBT (des lesbiennes, gais, bisexuels (les), transexuels (les), intersexes ou autres). Vivre heureux et sans honte de ce que nous sommes avec une sexualité qui nous est propre, donc fière de soi malgré les préjugés, l’homophobie, la discrimination et la violence subis parce que nous semblons différents !

Les Monsieur C. ou Mademoiselle J., devenus grands, ont le droit de vivre leur différence sexuelle, ou aussi en accord avec les stéréotypes de l’hétérosexualité, ça ne me regarde pas si c’est ce qu’ils veulent. C’est le simple message des festivités de la Fierté LGBT.

La justice a beaucoup progressé ces dernières années au Canada, mais après les lois, il reste à transformer les comportements sociaux, les craintes et l’isolement des victimes d’homophobie.

Diverses ressources sont là, mais il nous faut les soutenir et les appuyer. Par exemple, Gai écoute vous accueille tous et toutes au téléphone en tout temps, les GRIS de Montréal, Québec, et d’autres régions démystifient dans les écoles et ailleurs l’homosexualité et la bisexualité, d’autres organismes parlent des conditions des trans, du sida, des MTS. Au Québec, nous avons créé une politique de lutte contre l’homophobie pour que le gouvernement voie dans tous ses ministères à corriger l’homophobie qui s’y est glissée. Par notre fierté, nous les appuyons et nous sommes invités à nous impliquer.

Quand l’Association des pères gais et la Coalition des familles LGBT marcheront lors de la parade de demain, ce sera pour dire devant les gens et les caméras que la famille et les enfants sont aussi ce qu’aiment et recherchent des LGBT d’aujourd’hui. Sans honte, juste en vivant ce qui nous tient à cœur et nous permet d’aimer et d’être aimés.

Lorsque le grand-papa de Monsieur C. et moi nous sommes mariés, nous avons célébré ce que nous avons construit. Nous l’avons fait avec nos familles, nos parents, enfants et petits-enfants, avec nos amis : bientôt 15 ans d’engagement avec ceux-là. Pour ceux et celles qui se construiraient des idées, Monsieur C. n’est qu’un enfant comme tous les autres, avec un peu plus d’ouverture, rien de « feluette » là. Nous les aimons avec leurs parents, en équipe : trois grands-pères et deux grands-mères et même leurs arrière grands-parents octogénaires.

Je suis fier, cette semaine en particulier, de pouvoir parler des encouragements de mon père et de ma parenté et que nos enfants et petits-enfants nous retournent par leur présence. Et aussi parce que, fièrement, c’est par amour que moi, c’est le grand-papa de Monsieur C. que j’ai marié.

Opinion  Fierté Montréal

Après la célébration, le temps de l’action

L’égalité juridique des personnes trans ne doit plus attendre

L’an dernier, un militant LGBT de la Serbie en visite à Montréal pour la Fierté a passé sept jours enfermé dans sa chambre d’hôtel. Il était sous le choc de voir que nous avions la chance de nous tenir par la main, ici.

Il a ensuite déposé une demande de statut de réfugié.

Je suis fière de raconter cette histoire parce qu’elle en dit long. Je suis tellement fière des avancées importantes obtenues au gré des luttes de la communauté LGBTQ. Montréal peut se targuer d’être une ville ouverte sur la diversité sexuelle et de genre. Dans le Village et ailleurs au Québec, en cette semaine de la Fierté, nous célébrons ensemble le chemin parcouru.

Cette année, des invités internationaux partageront leurs expériences, leurs victoires, leurs histoires d’horreur. Ces dernières ne manquent pas. Dans les journaux, à la télévision, j’ai vu des gens se faire battre pour s’être tenu la main en Russie. J’ai lu sur les agressions armées dans le défilé de la fierté de Jérusalem et en Ukraine. J’ai entendu parler du traitement réservé aux personnes supposément gaies par le groupe État islamique.

Il n’y a pas si longtemps, le Québec tolérait lui aussi l’homophobie et l’injustice.

Nous commémorons cette année le 25e anniversaire de la descente policière au Sex Garage, à Montréal. Ce soir-là, des gens venus pour s’amuser se sont plutôt fait brutalement attaquer par des membres homophobes du corps policier.

Les injures, la discrimination et l’intolérance font partie du quotidien pour les gens de nos communautés dans plusieurs pays. Ici, nous avons encore du pain sur la planche. Des jeunes hésitent encore à faire leur « coming out » ou sont victimes d’homophobie et de transphobie à l’école, dans les sports, dans la rue. Des agressions ont même lieu. Je n’ai pas oublié celle contre des femmes lesbiennes au centre-ville de Montréal, en novembre 2013.

Pour moi, la Fierté est un grand moment de solidarité envers les communautés persécutées à l’international, mais aussi celles qui sont encore victimes de discrimination ici.

Je pense surtout aux personnes intersexes et transgenres, dont les réalités sont méconnues. Un bon texte de Luc Boulanger publié dans ces pages, l’éditorial « Le prochain combat », lundi dernier, identifie la transphobie comme la prochaine cible du mouvement LGBTQ. Comme le souligne M. Boulanger, le « coming out » de certaines personnalités américaines a sans doute abattu bien des barrières. Mais il ne faut pas non plus éclipser le travail sans relâche de la communauté trans du Québec, qui réclame depuis longtemps des actions concrètes de la part du gouvernement provincial pour réaliser l’égalité juridique des personnes trans.

Le projet de loi 35, adopté en fin de session parlementaire 2013, amende l’article 71 du Code civil pour permettre aux personnes transgenres de modifier leur mention de sexe à l’état civil sans avoir à passer sous le bistouri. Même si le projet de loi aurait pu être amélioré, car on n’y aborde pas la question des personnes immigrantes en attente de statut ni les personnes mineures, il représente un pas dans la bonne direction.

Presque deux ans plus tard, la réglementation qui permettra de concrétiser le projet de loi 35 n’a toujours pas été déposée. La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, m’avait pourtant affirmé qu’elle le serait avant les vacances. Je ne doute pas de sa bonne volonté dans le dossier, mais qu’en est-il de ses collègues ? Le Conseil des ministres s’est rencontré encore cette semaine, le décret aurait pu être adopté. Qui bloque le règlement rapide de cette situation intolérable qui s’éternise ?

Je suis prête à rencontrer chacun de ses membres, un par un. Avec Esteban, Marine Chantale, James, Danielle, des gens qui n’attendent que l’adoption d’une réglementation pour commencer l’école ou pouvoir enfin retourner au travail avec leur identité de genre reconnue.

Il n’y a pas de quoi être fier du retard accusé par le gouvernement. La reconnaissance des droits de ces personnes reconnues par la Charte de droits et libertés a assez attendu. Après la célébration vient le temps de l’action !

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