Condamnation de l’ex-président Hissène Habré

Marc Ravalomanana

Madagascar

Celui qui a dirigé Madagascar de 2002 à 2009 est sous le coup de plusieurs condamnations par contumace. Il a notamment été condamné en août 2010 aux travaux forcés à perpétuité pour la mort de 36 manifestants abattus par sa garde en 2009. Assigné à résidence à son retour d’exil en octobre 2014, il a été libéré en mai 2015.

Condamnation de l’ex-président Hissène Habré

Moussa Traoré

Mali

L’ancien président malien, renversé en 1991 après 23 ans au pouvoir et après avoir réprimé dans le sang un soulèvement populaire, a été condamné à mort deux fois : d’abord pour « crimes politiques » en 1993, puis avec sa femme « pour crimes économiques » en 1999. Ces peines ont ensuite été commuées en prison à perpétuité, avant que les deux ne soient graciés en 2002.

Condamnation de l’ex-président Hissène Habré

Mengistu Haile Mariam

Éthiopie

Reconnu coupable de génocide pendant la période de la « Terreur rouge », en 1977 et 1978 en Éthiopie, Mengistu Haile Mariam a été condamné en 2007 à la prison à vie par contumace, puis condamné à mort en appel en 2008. Il vit en exil au Zimbabwe depuis le renversement de son régime militaro-marxiste, en 1991.

Condamnation de l’ex-président Hissène Habré

Charles Taylor

SIERRA LEONE

L’ex-président du Liberia a été condamné à 50 ans de prison pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis lors de la guerre civile en Sierra Leone voisine, de 1991 à 2001. La peine, rendue en 2012, a été confirmée en appel en 2013. Jugé par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), Charles Taylor était ainsi le premier ex-chef d’État condamné par la justice internationale depuis le tribunal militaire de Nuremberg.

Condamnation de l’ex-président Hissène Habré

Jean-Bedel Bokassa

République centrafricaine

Empereur de Centrafrique de 1965 à 1979, Jean-Bedel Bokassa a été condamné à mort en 1987 notamment pour avoir ordonné le massacre d’enfants. Sa peine a été commuée en travaux forcés à perpétuité, puis en réclusion. Il a été libéré en 1993, trois ans avant sa mort.

Tchad

Qui est Hissène Habré ?

Hissène Habré prend le pouvoir par les armes en 1982, devenant ainsi le troisième président du Tchad depuis l’indépendance. Durant huit ans, cet enfant du désert, qui a étudié le droit à Paris, mettra en place une répression terrible. Les opposants – réels ou supposés – sont torturés et souvent exécutés. Face à la Libye voisine de Mouammar Kadhafi, le régime Habré jouira du soutien de la France et des États-Unis. Habré sera lui-même renversé en 1990 par l’actuel président Idriss Déby. Il a vécu en exil au Sénégal jusqu’à son arrestation, en juin 2013. Son procès avait débuté en juillet 2015.

— Jean-Thomas Léveillé, La Presse

Condamnation de l’ex-président Hissène Habré

Cris de joie des victimes

La condamnation d’Hissène Habré a été accueillie par des cris de joie des victimes et des militants des droits de l’homme, de même que par les pleurs de ses partisans, hier. L’ex-président tchadien, aujourd’hui âgé de 73 ans, a été reconnu coupable par un tribunal spécial africain à Dakar, au Sénégal, de crimes contre l’humanité, viols, exécutions, esclavage et enlèvement. Une commission d’enquête tchadienne estime le bilan de la répression à quelque 40 000 morts durant son règne de huit ans. « Hissène Habré a joué un rôle central de chef d’orchestre dans la répression », selon le verdict, qui reproche à l’ancien dictateur d’avoir créé « un système où l’impunité et la terreur [faisaient] la loi ». L’ancien président, qui a été condamné à l’emprisonnement à perpétuité, dispose de 15 jours pour porter sa cause en appel. En cas de condamnation définitive, il purgera sa peine au Sénégal ou dans un autre pays de l’Union africaine.

— Jean-Thomas Léveillé avec l’Agence France-Presse

CONDAMNATION D’HISSÈNE HABRÉ

« Un cas d’école »

pour juger

les dictateurs

Le jugement est historique et crée un précédent. Un dictateur jugé dans un autre pays. Vingt-six ans après la fin de son règne sanguinaire, qui a fait plus de 40 000 morts, l’ex-président du Tchad Hissène Habré a été condamné à la prison à vie pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Quatre questions à Fannie Lafontaine, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux de l’Université Laval.

Quelle est l’importance de ce procès ?

D’abord, il démontre la capacité des États à poursuivre les crimes internationaux, à jouer leur rôle dans la lutte contre l’impunité. Le futur de la lutte contre l’impunité, ça ne se passera pas à La Haye [où siège la Cour pénale internationale], ça va se passer dans les tribunaux de Montréal, de Dakar, de Buenos Aires, de Lima. C’est un signe fort que les tribunaux nationaux sont capables de remplir leur mandat. [Deuxièmement], il y a une valeur symbolique très forte à voir un ex-dictateur africain jugé en Afrique. Finalement, ça démontre la puissance de ce mouvement global de la lutte contre l’impunité. Ce jugement, à Dakar, est le résultat de plusieurs années de lutte des victimes, mais aussi de développement du droit.

Est-ce que ça rend la Cour pénale internationale (CPI) moins nécessaire ?

Au contraire, la CPI est fondée sur l’idée que ce sont les États qui ont la responsabilité de juger. La Cour dit que si les États ont la volonté et la capacité de poursuivre, c’est à eux de le faire, qu’elle va exercer sa compétence seulement lorsque les États ne font pas leur travail, ou le font mal. C’est vraiment une cour de dernier ressort. [Donc, avec ce procès, l’Afrique dit à la communauté internationale] : « Nous aussi, on va contribuer à la lutte contre l’impunité. » Après, il y a tout un contexte, il y a eu beaucoup de fonds qui ont permis la tenue de ce procès-là, [mais] je pense que c’est un signe que l’Afrique fait partie de l’équation de la justice internationale et n’est pas en porte-à-faux avec la CPI.

Est-ce que ce genre de procès est plus efficace ?

Oui. […] Des efforts comme ça, de soutien de la communauté internationale à des initiatives nationales, c’est la voie de l’avenir, à mon avis. Et ça va coûter pas mal moins cher. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas soutenir les tribunaux internationaux, ils vont jouer un rôle, mais l’ensemble des poursuites va devoir se tenir dans les tribunaux des capitales de ce monde. [Ce procès] est un exemple de la façon dont on peut se mobiliser collectivement pour venir en aide à un État qui souhaite utiliser ses tribunaux pour poursuivre un dictateur. C’est pas mal plus logique de poursuivre Hissène Habré au Sénégal, en recevant de l’aide financière des États du monde, que d’essayer de le traduire devant un tribunal international ou de l’extrader dans un pays européen. C’est plus logique, plus facile, plus puissant pour les victimes.

Où ce précédent pourrait-il être répété ?

Ça dépend des capacités des États en question. […] Il ne s’agit pas de donner de l’argent à tous les pays qui veulent le faire, [mais] dans un contexte où il y a une réelle possibilité de justice, il faut appuyer les efforts de justice. C’est le cas avec l’Amérique latine, qui manque de moyens, mais qui a les capacités, qui a une société civile forte, qui a des tribunaux relativement indépendants. C’est le cas aussi de plusieurs pays d’Afrique, comme le Burkina Faso ou la Côte d’Ivoire. […] Je pense qu’il faut mettre la question de la justice pour les graves violations des droits de la personne au cœur de notre politique étrangère [et] mettre à contribution notre expertise canadienne là-dedans, qui est indéniable.

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