Dépendances
Le yoga, l’allié zen
Collaboration spéciale
Les bienfaits du yoga sont multiples. Augmentation de la souplesse et de la force du corps, réduction du stress et de l’anxiété, etc. Véritable art de vivre pour certains, cette tendance zen est désormais recommandée pour les personnes souffrant de dépendances.
Mélanie est adepte du yoga depuis quelques années. À 37 ans, cette ancienne alcoolique et toxicomane, avec des troubles alimentaires graves, mais en rétablissement, est abstinente depuis plus de cinq ans. La jeune femme a trouvé le soutien dont elle avait besoin auprès d’une aide médicale et psychologique, mais c’est avant tout grâce au yoga qu’elle a pu s’en sortir. « Ça m’a permis de sortir de mon isolement, dit-elle, d’habiter mon corps, de calmer mon hyperactivité mentale et mon anxiété, ça m’a redonné espoir. » Elle avoue aussi avoir un rapport moins restrictif et plus sain avec la nourriture.
Dès l’âge de 15 ans, Mélanie consomme un peu d’alcool. D’abord occasionnelle, cette pratique s’installe graduellement dans sa vie, jusqu’à devenir nocive. La jeune femme, qui voit dans cette expérience dangereuse un moyen de socialiser, touche ensuite à la drogue. « Ça a commencé par les pilules et, finalement, la cocaïne à 25 ans », se souvient-elle.
À 26 ans, elle obtient une ordonnance pour une évaluation psychiatrique, puis elle est mise sur une liste d’attente. C’est alors que le yoga entre dans sa vie. Elle raconte d’ailleurs avoir commencé sa thérapie à l’aide du yoga au lieu d’une aide médicale et psychologique.
« À ce moment-là, je n’étais pas consciente de la gravité de la situation, mais avec le yoga, chaque geste que tu poses t’amène vers un mieux-être. »
— Mélanie
Si Mélanie a préféré se prendre en charge elle-même dès le début et commencer par le yoga, plusieurs spécialistes recommanderont de définir au préalable le problème sous-jacent.
En faisant régulièrement du yoga, Mélanie remarque un grand changement dans sa vie. « Ça m’a permis de transformer mes parts d’ombre en lumière, de reprendre confiance en moi et de redonner un sens profond à ma vie », rapporte Mélanie, qui aide désormais, en tant que bénévole, les personnes qui vivent la même chose qu’elle. Elle termine également une formation en enseignement du yoga.
Thérapeute en relation d’aide, éducatrice artistique et spécialiste du yoga, Maud Japhet recommande à ses patients la pratique régulière du yoga comme outil thérapeutique. Pour elle, il s’agit d’un complément absolu s’il est accompagné d’un traitement approprié pour une désintoxication sereine. « Dans de nombreuses situations de dépendance aux drogues et à l’alcool, un suivi médical va être nécessaire pour un sevrage en toute sécurité, explique M
Japhet. Les syndromes de manque peuvent être extrêmement douloureux et dangereux pour le corps et le psychisme. Avoir un bon médecin à ses côtés est plus qu’un atout, c’est une nécessité », ajoute-t-elle.Pour elle, le yoga est un renfort dans le processus de guérison. « Il permet de renforcer l’estime et la confiance en soi. Il aide à mieux accueillir les émotions et à se libérer du poids de notre histoire pour pouvoir faire les bons choix pour soi-même, commente-t-elle. En s’appuyant sur ses connaissances en ayurveda [une forme de médecine traditionnelle indienne], en énergie subtile et en anatomie/physiologie, un bon professeur de yoga va proposer des postures, des respirations, des visualisations, méditations et relaxations qui répondent aux besoins spécifiques et aux particularités de la personne », rapporte Maud Japhet.
Cette discipline holistique apporte à l’individu un réconfort sur le plan physiologique, mais aussi émotionnel. Certains spécialistes voient dans le yoga un moyen de guérison en supplément d’une prise en charge médicale et psychologique.
Si le yoga est un soutien pour certains toxicomanes, il n’est toutefois pas prouvé scientifiquement qu’il est un intervenant de choix pour aider à traiter la dépendance.
Didier Jutras-Aswad, médecin-psychiatre spécialisé dans les toxicomanies et affilié au Centre de recherche du CHUM (CRCHUM), indique qu’il existe par exemple des données préliminaires qui montre que le yoga peut favoriser la prévention de la consommation du tabac chez les jeunes ou aide les gens qui ont un problème lié au tabagisme. « Mais pour ce qui est des drogues ou de l’alcool, explique-t-il, on n’a à peu près pas de données qui nous permettent de réellement soutenir l’utilisation du yoga comme intervention en soi pour le traitement de la dépendance. »
Quant à suggérer cette discipline holistique aux patients souffrant de dépendances, le D
Jutras-Aswad demeure prudent. Il souhaite que ce type de recommandations soit fait sur les bases de données scientifiques valides et solides, principalement pour une clientèle aux prises avec des dépendances. « J’aurais tendance à penser que le yoga peut difficilement faire du mal à des patients […] mais il faut être extrêmement rigoureux et ne pas tenir pour acquis que des produits ou des interventions comme ça n’ont pas d’effets secondaires », explique t-il.