Humour

Martin Matte, mondial 

Netflix a acheté son spectacle Eh la la.. !, une première pour un humoriste québécois 

Martin Matte devient le premier humoriste québécois dont le spectacle sur scène sera accessible sur Netflix partout dans le monde : le géant du divertissement sur demande est venu filmer le one-man show Eh la la.. ! de Martin Matte à Montréal en juillet dernier. 

« Je n’ai pas d’ambitions internationales, mais ça, c’est très excitant, confie Martin Matte en entrevue avec La Presse. Netflix, c’est une plateforme hallucinante et c’est un bel honneur d’être le premier humoriste au Québec à y présenter son spectacle. » 

Eh la la.. ! sera donc disponible pour un auditoire mondial quelque part en 2019, en version sous-titrée, selon les langues des marchés locaux desservis Netflix. 

En juillet, Netflix a annoncé que quatre humoristes québécois – Louis-José Houde, François Bellefeuille, Katherine Levac et Adib Alkhalidey – vont partager la vedette d’une série d’humour réunissant une cinquantaine d’humoristes de 15 pays.

L’association Matte-Netflix est dans un format différent, celui du « Stand-Up Comedy Special » où un humoriste est seul sur scène, pendant une heure. Dans le monde de l’humour anglo-saxon, avoir son propre « Special » enregistré devant public, puis acheté et diffusé sur Netflix est une vitrine recherchée, tant pour les vedettes établies que pour les stars ascendantes. Dave Chapelle, Hannah Gadsby, Jim Jefferies, Jerry Seinfeld, Chelsea Peretti, Sarah Silverman, Chris Rock, Amy Schumer ou Louis C.K. (avant la révélation de ses inconduites sexuelles) font partie des dizaines d’humoristes dont les spectacles sur scène ont été immortalisés par Netflix. 

C’est un honneur pour Martin Matte d’être sur la même plateforme que ces grands noms de l’humour. 

« Je découvre des humoristes de partout, grâce à Netflix. »

— Martin Matte 

***

Martin Matte est par ailleurs un peu surpris que la nouvelle de son association avec Netflix ait mis tant de temps à fuiter : « On a enregistré deux soirs au Théâtre St-Denis en juillet. Je l’ai dit au public, en commençant : on enregistre pour Netflix… Mais ça n’a pas filtré ! » Netflix a fini par confirmer la nouvelle, après que La Presse eut commencé à fouiner. 

Netflix a décliné une offre d’entrevue, se bornant à confirmer par courriel que Martin Matte était le premier humoriste québécois à faire l’objet d’un spécial d’humour d’une heure sur sa plateforme, « quelque part en 2019 ». 

Ce qui a frappé Martin Matte dans ce partenariat avec Netflix, c’est l’importance des moyens mis à sa disposition par la plateforme de contenu. C’est sa boîte de production, Encore, qui a piloté l’enregistrement d’Eh la la.. !, opération financée par Netflix, qui a imposé des conditions techniques décrites comme « impressionnantes » par Martin Matte. 

« Le devis d’exigences techniques est épais comme ça, illustre-t-il. Je n’avais jamais vu ça. Ça coûte très cher à produire. Pour te donner une idée de mesure, un gala Juste pour rire est enregistré par trois ou quatre caméras. Là, nous en avions sept, toutes des 4K à la fine pointe de la technologie. L’image est d’une clarté hallucinante. Les techniciens n’avaient jamais vu ça. » 

Deux versions d’Eh la la.. ! ont été enregistrées, sous la direction du réalisateur Jean-François Blais (à la barre d’En direct de l’univers pendant neuf saisons, qui pilotera La voix en 2019). Pourquoi deux spectacles ? Pour pouvoir faire face à des pépins techniques ou… humains. 

« Si tu bafouilles, dans une partie du spectacle, tu peux te rabattre sur l’autre spectacle enregistré pour faire le montage final. Netflix a les droits à vie, ça s’en va dans leur bibliothèque : tu ne veux pas bafouiller… »

— Martin Matte 

L’humoriste a déjà fait affaire avec Netflix : sa série Les beaux malaises, son mégasuccès diffusé à TVA pendant trois saisons, est accessible partout dans le monde grâce à la plateforme américaine. Réalisée par Francis Leclerc, la série mettait en vedette Matte avec Julie Le Breton dans des vignettes de la vie conjugale et familiale. Les trois saisons sont offertes sur Netflix, sous-titrées selon les marchés. 

Cette vitrine mondiale rejoint des gens à qui Martin Matte n’avait jamais pensé, en écrivant la série. Un Ukrainien lui a par exemple écrit pour confier son affection pour la série québécoise… En lui demandant qui chantait J’ai souvenir encore (de Claude Dubois). 

« L’impact est incroyable. À l’aéroport Charles-de-Gaulle, j’ai été surclassé parce que l’employé du guichet est un fan de la version québécoise des Beaux malaises. Et en voyage au Chili, j’ai rencontré un Chilien qui m’a demandé ce que je faisais. Eh bien, le lendemain matin, quand je l’ai croisé, il m’a dit qu’il avait visionné des épisodes des Beaux malaises, la veille, sous-titrés en espagnol, après m’avoir rencontré… » Il parle de Netflix comme d’un phénomène culturel et donne l’exemple de son fils adolescent, qui ne consomme à peu près pas de télé traditionnelle : « Il avait conscience du succès des Beaux malaises à TVA, mais je ne peux pas dire qu’il était impressionné. Tu sais, les ados… Mais quand il a pris conscience que Les beaux malaises étaient sur Netflix, là, il était impressionné ! 

— Donc, que tu aies eu des cotes d’écoute de 1,6 million avec Les beaux malaises… 

— Euh, me corrige-t-il avec ce ton baveux qu’il a développé dans son personnage de gars au-dessus de ses affaires, tu sauras qu’on a déjà fait 2,2 millions… 

— Oui, OK : 2,2 millions, ça n’impressionnait pas ton gars, mais Netflix… 

— Netflix, oui : ça, ça l’impressionne. C’est ce qu’il regarde, c’est ce que ses amis regardent. » 

**** 

C’est moi qui aborde le printemps (un peu) difficile que Matte a vécu, lui qui a dû composer – pour la première fois de sa vie professionnelle – avec des critiques parfois assassines à propos d’Eh la la.. ! 

Il reconnaît que certaines critiques l’ont ébranlé. Il constate un décalage entre la réception chaleureuse du public – 50 000 billets vendus en 24 heures, des ovations partout, etc. – et la froideur de certaines critiques. Leur droit le plus strict, reconnaît-il. 

« Ça a fait mal à l’ego. Mais que veux-tu que je fasse ? Je lis ça, le matin et le monde est debout, dans la salle, le soir. Je fais ce que je fais depuis toujours : je travaille fort et je m’entoure bien, avec des gens comme François Avard et Alexis Martin. Et là, il y a Netflix qui achète mon spectacle. Ça me fait un petit velours… » 

NETFLIX ET LES TAXES 

C’est Martin Matte qui aborde en entrevue la question épineuse de la taxation de Netflix. On sait que Québec a annoncé, dans les dernières semaines du gouvernement Couillard, que Netflix serait assujetti à la TVQ. Mais Ottawa refuse toujours d’imposer la TPS au fournisseur de contenu numérique : « Et je dois dire mon incompréhension devant le fait que Netflix ne paie pas ces taxes. J’aimerais ça, ironise-t-il, que mes fans n’aient pas à payer les taxes sur mes billets de spectacle. En télé, illico et ICI Tou.tv, qui font de bonnes séries, doivent payer leurs taxes. Mais pas Netflix. Je ne comprends pas. C’est un désavantage concurrentiel pour les autres. » En a-t-il parlé à ses interlocuteurs américains ? « Non, dit-il, nos discussions ont porté sur les aspects créatifs et artistiques. » Ils liront ses vues sur la « taxe Netflix » ici. 

Humour

Martin Matte, mondial 

Netflix a acheté son spectacle Eh la la.. !, une première pour un humoriste québécois 

Martin Matte devient le premier humoriste québécois dont le spectacle sur scène sera accessible sur Netflix partout dans le monde : le géant du divertissement sur demande est venu filmer le one-man show Eh la la..! de Martin Matte à Montréal en juillet dernier. 

« Je n’ai pas d’ambitions internationales, mais ça, c’est très excitant, confie Martin Matte en entrevue avec La Presse. Netflix, c’est une plateforme hallucinante et c’est un bel honneur d’être le premier humoriste au Québec à y présenter son spectacle. » 

Eh la la..! sera donc disponible pour un auditoire mondial quelque part en 2019, en version sous-titrée, selon les langues des marchés locaux desservis par Netflix. 

En juillet, Netflix a annoncé que quatre humoristes québécois – Louis-José Houde, François Bellefeuille, Katherine Levac et Adib Alkhalidey – vont partager la vedette d’une série d’humour réunissant une cinquantaine d’humoristes de 15 pays.

L’association Matte-Netflix est dans un format différent, celui du « Stand-Up Comedy Special » où un humoriste est seul sur scène, pendant une heure. Dans le monde de l’humour anglo-saxon, avoir son propre « Special » enregistré devant public, puis acheté et diffusé sur Netflix est une vitrine recherchée, tant pour les vedettes établies que pour les stars ascendantes. Dave Chapelle, Hannah Gadsby, Jim Jefferies, Jerry Seinfeld, Chelsea Peretti, Sarah Silverman, Chris Rock, Amy Schumer ou Louis C.K. (avant la révélation de ses inconduites sexuelles) font partie des dizaines d’humoristes dont les spectacles sur scène ont été immortalisés par Netflix. 

C’est un honneur pour Martin Matte d’être sur la même plateforme que ces grands noms de l’humour. 

« Je découvre des humoristes de partout, grâce à Netflix. »

— Martin Matte 

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Martin Matte est par ailleurs un peu surpris que la nouvelle de son association avec Netflix ait mis tant de temps à fuiter : « On a enregistré deux soirs au Théâtre St-Denis en juillet. Je l’ai dit au public, en commençant : on enregistre pour Netflix… Mais ça n’a pas filtré ! » Netflix a fini par confirmer la nouvelle, après que La Presse eut commencé à fouiner. 

Netflix a décliné une offre d’entrevue, se bornant à confirmer par courriel que Martin Matte était le premier humoriste québécois à faire l’objet d’un spécial d’humour d’une heure sur sa plateforme, « quelque part en 2019 ». 

Ce qui a frappé Martin Matte dans ce partenariat avec Netflix, c’est l’importance des moyens mis à sa disposition par la plateforme de contenu. C’est sa boîte de production, Encore, qui a piloté l’enregistrement d’Eh la la..!, opération financée par Netflix, qui a imposé des conditions techniques décrites comme « impressionnantes » par Martin Matte. 

« Le devis d’exigences techniques est épais comme ça, illustre-t-il. Je n’avais jamais vu ça. Ça coûte très cher à produire. Pour te donner une idée de mesure, un gala Juste pour rire est enregistré par trois ou quatre caméras. Là, nous en avions sept, toutes des 4K à la fine pointe de la technologie. L’image est d’une clarté hallucinante. Les techniciens n’avaient jamais vu ça. » 

Deux versions d’Eh la la..! ont été enregistrées, sous la direction du réalisateur Jean-François Blais (à la barre d’En direct de l’univers pendant neuf saisons, qui pilotera La voix en 2019). Pourquoi deux spectacles ? Pour pouvoir faire face à des pépins techniques ou… humains. 

« Si tu bafouilles, dans une partie du spectacle, tu peux te rabattre sur l’autre spectacle enregistré pour faire le montage final. Netflix a les droits à vie, ça s’en va dans leur bibliothèque : tu ne veux pas bafouiller… »

— Martin Matte 

L’humoriste a déjà fait affaire avec Netflix : sa série Les beaux malaises, son mégasuccès diffusé à TVA pendant trois saisons, est accessible partout dans le monde grâce à la plateforme américaine. Réalisée par Francis Leclerc, la série mettait en vedette Matte avec Julie Le Breton dans des vignettes de la vie conjugale et familiale. Les trois saisons sont offertes sur Netflix, sous-titrées selon les marchés. 

Cette vitrine mondiale rejoint des gens à qui Martin Matte n’avait jamais pensé, en écrivant la série. Un Ukrainien lui a par exemple écrit pour confier son affection pour la série québécoise… En lui demandant qui chantait J’ai souvenir encore (de Claude Dubois). 

« L’impact est incroyable. À l’aéroport Charles-de-Gaulle, j’ai été surclassé parce que l’employé du guichet est un fan de la version québécoise des Beaux malaises. Et en voyage au Chili, j’ai rencontré un Chilien qui m’a demandé ce que je faisais. Eh bien, le lendemain matin, quand je l’ai croisé, il m’a dit qu’il avait visionné des épisodes des Beaux malaises, la veille, sous-titrés en espagnol, après m’avoir rencontré… » Il parle de Netflix comme d’un phénomène culturel et donne l’exemple de son fils adolescent, qui ne consomme à peu près pas de télé traditionnelle : « Il avait conscience du succès des Beaux malaises à TVA, mais je ne peux pas dire qu’il était impressionné. Tu sais, les ados… Mais quand il a pris conscience que Les beaux malaises étaient sur Netflix, là, il était impressionné ! 

— Donc, que tu aies eu des cotes d’écoute de 1,6 million avec Les beaux malaises… 

— Euh, me corrige-t-il avec ce ton baveux qu’il a développé dans son personnage de gars au-dessus de ses affaires, tu sauras qu’on a déjà fait 2,2 millions… 

— Oui, OK : 2,2 millions, ça n’impressionnait pas ton gars, mais Netflix… 

— Netflix, oui : ça, ça l’impressionne. C’est ce qu’il regarde, c’est ce que ses amis regardent. » 

***

C’est moi qui aborde le printemps (un peu) difficile que Matte a vécu, lui qui a dû composer – pour la première fois de sa vie professionnelle – avec des critiques parfois assassines à propos d’Eh la la..! 

Il reconnaît que certaines critiques l’ont ébranlé. Il constate un décalage entre la réception chaleureuse du public – 50 000 billets vendus en 24 heures, des ovations partout, etc. – et la froideur de certaines critiques. Leur droit le plus strict, reconnaît-il. 

« Ça a fait mal à l’ego. Mais que veux-tu que je fasse ? Je lis ça, le matin et le monde est debout, dans la salle, le soir. Je fais ce que je fais depuis toujours : je travaille fort et je m’entoure bien, avec des gens comme François Avard et Alexis Martin. Et là, il y a Netflix qui achète mon spectacle. Ça me fait un petit velours… » 

NETFLIX ET LES TAXES 

C’est Martin Matte qui aborde en entrevue la question épineuse de la taxation de Netflix. On sait que Québec a annoncé, dans les dernières semaines du gouvernement Couillard, que Netflix serait assujetti à la TVQ. Mais Ottawa refuse toujours d’imposer la TPS au fournisseur de contenu numérique : « Et je dois dire mon incompréhension devant le fait que Netflix ne paie pas ces taxes. J’aimerais ça, ironise-t-il, que mes fans n’aient pas à payer les taxes sur mes billets de spectacle. En télé, illico et ICI Tou.tv, qui font de bonnes séries, doivent payer leurs taxes. Mais pas Netflix. Je ne comprends pas. C’est un désavantage concurrentiel pour les autres. » En a-t-il parlé à ses interlocuteurs américains ? « Non, dit-il, nos discussions ont porté sur les aspects créatifs et artistiques. » Ils liront ses vues sur la « taxe Netflix » ici. 

Martin Matte

« Les télés gèrent la décroissance » 

Pour Martin Matte, ce partenariat avec Netflix est évidemment une sorte de triomphe professionnel. Mais c’est aussi un signe (supplémentaire) que l’industrie de la télévision traditionnelle vit des changements historiques. Il y a quelques années, dit-il, il aurait sorti un DVD après la fin de sa tournée. Et il en aurait vendu les droits à un grand réseau, comme TVA, pour diffusion à heure de grande écoute dans le plus d’écrans plasma possible. 

« Je suis très fier de voir Eh la la..! diffusé par Netflix. Mais en même temps, je suis troublé. Netflix est un bulldozer. TVA voulait acheter le spectacle et j’ai fait Les beaux malaises à TVA : ce sont des gens que j’adore, très talentueux. Mais les moins de 30 ans, c’est comme s’ils ne regardaient plus la télé traditionnelle. Netflix, en revanche, est comme une bibliothèque : tu prends ce que tu veux, quand tu veux… » 

Il réfléchit à voix haute, se demande encore combien de temps on pourra diffuser des émissions à heure fixe, à jour fixe… Alors que des acteurs comme Netflix – ICI Tou.tv et illico font la même chose avec certains contenus – mettent tout le contenu d’une série à la disposition des consommateurs, d’un seul coup, pour écoute à volonté, où et quand ils le souhaitent. 

« On l’a vu aux Beaux malaises. Chaque année, la cote d’écoute moyenne baissait et les visionnements hors de la case horaire, par enregistrement, augmentaient chaque année. Les télés gèrent la décroissance. »

— Martin Matte 

Il sait qu’il est l’un des privilégiés, que le succès des Beaux malaises lui a donné à TVA un bel espace créatif. Mais comme tout le monde en télé, il a dû faire plus avec moins que ce que les créateurs d’antan avaient : « Les Bougon avait une fois et demie ce que j’avais… Dix ans avant Les beaux malaises. Tout le monde est pris à la gorge et ça commence à paraître. Les équipes tournent 15, 16 pages de texte par jour. Aux Beaux malaises, nous étions à 8, 10 pages par jour. Si je me fais offrir un jour de faire une suite aux Beaux malaises, mais qu’il faudra tourner 15 pages par jour : ce sera non. » 

Or, dit Martin Matte, Netflix a des moyens immenses. Netflix compte tourner des séries de fiction au Canada, au Québec. Il se demande à quoi ressembleront les séries faites par la télé traditionnelle, en comparaison. 

« On va être en concurrence avec des budgets immenses. On aime dire qu’au Québec, on fait des miracles avec nos petits budgets. C’est vrai. Mais on arrive aux limites des miracles. » 

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