À BIEN Y PENSER

Les priorités

On coupe trois millions dans la construction de l’école Saint-Gérard à Montréal pendant qu’on s’apprête à construire un abribus au coût de deux millions. Dans les deux cas, l’argent proviendra ultimement des goussets du même gouvernement. J’espère que l’AMT organisera des visites guidées de cet abribus exceptionnel, puisqu’il ne sera pas possible de visiter les vestiges archéologiques exceptionnels du village des Tanneries.

— François-Pierre Gingras, Montréal

Opinion  Projet de loi 59 visant à combattre les propos haineux

Les accommodements déraisonnables

S’il est permis de ridiculiser les convictions d’un agnostique, pourquoi celles d’un croyant devraient-elles être exemptées ?

Récemment, Salam Elmenyawi est intervenu, à Québec, devant la Commission parlementaire sur le projet de loi 59 visant à combattre les propos haineux. À cette occasion, le leader musulman (il est président du Conseil musulman de Montréal) a réclamé un amendement au projet de loi pour que, à l’avenir, il soit formellement interdit de se moquer de l’islam.

L’affaire mérite attention pour deux raisons. D’abord, comme il parlait au nom de son association, on suppose qu’il relayait une volonté exprimée par une majorité de ses membres. En deuxième lieu, cette demande est sans précédent ; elle donne à penser qu’un mouvement d’idées pour le moins troublant serait en cours parmi certains milieux musulmans.

J’ai toujours défendu le principe des demandes d’accommodement quand elles étaient l’objet d’attaques non fondées. Je rappelle que ces demandes ne créent pas de privilèges, mais apportent des correctifs nécessaires là où un citoyen est victime de discrimination pour des raisons tenant à des caractéristiques physiques ou culturelles, notamment religieuses.

Dans ce cas-ci, la demande formulée est irrecevable.

La pratique de l’humour aux dépens d’autrui est inscrite au cœur de la culture québécoise et de l’ensemble de la culture occidentale.

Elle est non seulement tolérable, elle est utile et même nécessaire parce qu’elle remplit une fonction démocratique. L’humour social est ordinairement la voix critique de ceux qui en sont privés ; l’humoriste se fait justicier au nom du peuple. Il s’en prend aux excès, il est un redresseur de torts. Et le ridicule est son arme. Il n’a pas besoin de mandat, car cette fonction est admise, elle fait consensus.

Par définition, l’humoriste ne plaît pas à tous, mais son rôle d’insolent, de gêneur, est rarement contesté, même quand il est exercé contre le Prince – surtout quand il est exercé contre le Prince.

La demande de M. Elmenyawi pourrait se justifier si le religieux, comme système de convictions, avait une valeur objectivement supérieure aux convictions non religieuses. Mais pourquoi en serait-il ainsi ? Je suis agnostique, mon système de valeurs emprunte à la tradition de l’humanisme. Mérite-t-il moins de respect, aux yeux des croyants, du fait que je n’éprouve pas le besoin de l’appuyer sur une transcendance divine ? Si c’est le cas, c’est faire preuve d’une grande intolérance.

C’est là justement que la demande de M. Elmenyawi dérange. C’est la hiérarchie gratuite qu’elle établit entre systèmes de convictions. S’il est permis de ridiculiser les convictions d’un agnostique, pourquoi celles d’un croyant devraient-elles être exemptées ?

Il fut un temps au Québec où il en était ainsi. La religion catholique était intouchable. C’était avant que notre société n’accède pleinement au respect des différences, au respect des droits de chacun.

Sur un autre plan, la demande de M. Elmenyawi est mal inspirée à cause du préjudice qu’elle est susceptible de causer à tous les musulmans. Dans le contexte actuel, pour diverses raisons, il ne manque pas de citoyens ici et ailleurs pour nourrir envers cette minorité une crainte et une méfiance. Il faut rappeler aussi que, selon les sondages des dernières années, environ les deux tiers des Québécois sont opposés aux demandes d’accommodements, soupçonnés d’octroyer des privilèges. Ils en verront ici une confirmation.

À ma connaissance – et je serais heureux de me tromper –, les médias n’ont pas rapporté d’interventions de musulmans pour se distancier de ce geste. C’est malheureux. Leur silence résonne comme une approbation et il accroît le malaise parmi les citoyens comme moi qui souhaitent un rapprochement entre cette minorité et la majorité culturelle québécoise.

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