Plein air

Le défi de conserver les sentiers de ski patrimoniaux

Le sentier de ski de randonnée nordique est étroit, la pente est raide, il faut négocier un virage en épingle. Oups ! Un mauvais mouvement, la skieuse se retrouve assise dans la neige poudreuse. Faire du ski sur la piste Maple Leaf, un sentier qui a près de 90 ans, c’est souvent une aventure.

De plus en plus de personnes réalisent l’importance de préserver les grands sentiers de ski patrimoniaux des Laurentides, comme les Maple Leaf, Gillespie, Western, Johannsen et autres.

La MRC des Pays-d’en-Haut a adopté une politique de protection et d’accès aux sentiers et a enclenché un processus pour l’inscrire dans le schéma d’aménagement.

« Les gens se sont rendu compte à retardement qu’on perdait quelque chose qu’on avait tenu pour acquis, indique Marie-France Lajeunesse, chargée de projet à la Société de plein air des Pays-d’en-Haut (SOPAIR). Il y a eu beaucoup d’avancées en ce qui concerne la vision, mais il y a un paradoxe : les Laurentides sont appelées à se construire davantage et les sentiers sont de plus en plus menacés. »

Elle note que le réseau de grands sentiers intermunicipaux est important pour les adeptes de ski de fond, évidemment. Mais c’est aussi une question d’identité pour la région.

« C’est un produit qui n’existe pas ailleurs au Québec. En fait, le territoire s’est formé autour de ce réseau. »

— Marie-France Lajeunesse, de la SOPAIR

Le travail Des pionniers

Le célèbre Herman « Jackrabbit » Smith-Johannsen et d’autres skieurs nordiques des années 20, 30 et 40 ont tracé des pistes à travers les Laurentides en prenant soin de lier auberges et restaurants. Il s’agissait de bien restaurer les skieurs nordiques.

« Les villages se sont créés autour de ces auberges », note Mme Lajeunesse.

Les skieurs nordiques avaient aussi d’autres motivations. Ainsi, les frères Tom et Gault Gillespie ont tracé un sentier entre Sainte-Agathe et Sainte-Marguerite en 1929 pour permettre à leur jeune frère Alex d’aller à l’école. Ils l’ont prolongé par la suite jusqu’à Far Hills.

Une première carte des sentiers de ski de fond des Laurentides, datant de 1931, montre ainsi la présence de la Gillespie et d’autres pistes comme la Johannsen et la Loup Garou.

En 1932, Herman Smith-Johannsen a emprunté certains tronçons existants pour créer la célèbre piste Maple Leaf, un trajet de 128 km entre Labelle et Shawbridge, à la demande de la Laurentian Resort Association.

Une carte de la région de Sainte-Adèle datant de 1933 montre cette nouvelle piste, ainsi que d’autres pistes légendaires comme la MOC (McGill Outdoor Club) et l’Oxford-Cambridge.

En 1939, il y avait déjà plus de 1600 km de sentiers de ski de fond nordique dans les Laurentides.

« Depuis presque 100 ans, il y a des clubs de plein air et des gens qui continuent de baliser ces sentiers, de parfois les déplacer, de les nettoyer et de les cartographier, indique Claude Chapdelaine, secrétaire de Plein-Air Sainte-Adèle (PASA). Ça devient une caractéristique des Laurentides, ce réseau historique. »

Mais voilà, avec le développement de la région, avec de nouveaux lotissements, des bouts de sentiers disparaissent.

« On ne peut plus aller de Sainte-Agathe à Prévost, ça ne passe plus à Saint-Sauveur », déplore M. Chapdelaine.

Il y a aussi des propriétaires qui cessent d’accorder un droit de passage parce qu’ils sont en conflit avec la municipalité locale pour une raison ou une autre. C’est qu’une grande partie du réseau intermunicipal emprunte des terres privées.

« Nos ancêtres qui faisaient des pistes de ski de fond n’avaient pas l’air de trop se préoccuper des droits de passage. Ils passaient l’hiver seulement. Il y avait une tolérance implicite. »

— Claude Chapdelaine, secrétaire de Plein-Air Sainte-Adèle

Pérenniser les sentiers

Il n’est plus vraiment possible de compter sur cette tolérance. Les clubs comme PASA et des organismes comme SOPAIR cherchent à pérenniser les sentiers.

« Il n’y a pas de solutions magiques, déplore Marie-France Lajeunesse. Le cadre juridique ne permet pas une grande marge de manœuvre. Nous aidons les bénévoles et les municipalités à se créer des outils pour approcher les propriétaires privés. »

La négociation d’un simple droit de passage peut fonctionner temporairement, mais il faut renouveler le processus régulièrement.

« Ça n’assure pas la pérennité », souligne Mme Lajeunesse.

Il est également possible d’acheter des servitudes, ce qui coûte de l’argent aux municipalités, ou de déplacer certains tronçons dans des parcs municipaux existants.

« Il y a d’autres outils pour convaincre les propriétaires, comme les dons écologiques. »

Le conseil des maires de la MRC des Pays-d’en-Haut a réalisé une étape importante en octobre dernier, après un an de consultations, en adoptant sa politique de protection et d’accès aux sentiers. Le nouveau conseil, formé après les élections municipales de novembre, continue d’appuyer la politique.

Dans certains cas, la pérennisation pourra passer par l’ouverture des sentiers à d’autres sports, comme la raquette, le fatbike, le vélo de montagne et la randonnée pédestre. Évidemment, cette perspective peut faire frémir les skieurs de fond : le passage d’un seul raquetteur sur une piste de ski de fond peut ruiner celle-ci pour un bon moment.

Mme Lajeunesse reconnaît qu’il peut y avoir conflit entre les usagers.

« Il y a toute une procédure d’aménagement pour laisser un dégagement entre la piste de raquette et le sentier de ski de fond, mais on sait que ce n’est pas idéal. Il y a toujours des gens en raquettes qui oublient qu’il y a des gens en ski. »

Vidéo de la semaine

Spéléologie sous la glace

Des spéléologues explorent un moulin, soit un gouffre dans la glace, au glacier d’Aletsch, en Suisse.

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