Ma vie en livres

Catherine Voyer-Léger

L’autrice Catherine Voyer-Léger vient de publier Prendre corps à La Peuplade. Ce recueil de micro-récits parle évidemment de la relation que l’écrivaine, et nous tous dans le fond, entretenons avec notre enveloppe terrestre. Catherine Voyer-Léger n’a pas l’habitude de se cacher quand elle écrit, mais elle surprend agréablement, cette fois, avec un humour renouvelé et un style plus poétique.

VOTRE PREMIER SOUVENIR DE LECTURE ?

Anne… La maison aux pignons verts

« J’ai lu toute la série. C’est une lecture fondatrice à un jeune âge pour moi. Quand on est bonne lectrice, on quitte rapidement la littérature jeunesse. À l’époque, il y avait moins de livres du genre à se mettre sous la dent. Anne se sent rejetée, entre autres, en raison de son apparence physique. Je pouvais m’y retrouver. En plus, elle voulait écrire. C’est super important pour moi, aussi, de ne pas renier le fait que j’ai grandi dans la culture populaire. On a tendance à séparer la culture d’élite de la culture populaire, mais pour moi, cette séparation n’existe pas. »

UN LIVRE QUI A MARQUÉ VOTRE ADOLESCENCE ?

Un ange cornu avec des ailes de tôle

« Dans mon adolescence et au début de la vingtaine, j’ai beaucoup lu Michel Tremblay. Dans ce livre-là, il fait un peu l’exercice qu’on fait en ce moment avec “Ma vie en livres”. Il témoigne des livres de sa vie, toujours en les replaçant, comme il sait le faire, dans un contexte familial, historique ou sociologique. Ça m’a transportée comme lecture, mais ça m’a aussi donné des pistes pour ce que j’avais envie d’écrire. Cette façon de travailler avec de petits clichés comme des photos, c’est assez proche de ce que je cherche généralement. »

UN LIVRE QUI A CHANGÉ VOTRE VIE ?

Océan mer

« Je pourrais nommer presque tout Baricco, mais Océan mer a été une rencontre fulgurante avec cet écrivain. C’est une écriture extrêmement poétique et d’une particulière densité. Je le lisais parfois à voix haute, debout sur mon lit. C’était une jouissance de la langue. Parfois on lit des livres en se disant qu’on pourrait faire de même, mais Baricco, c’est plus un coup de foudre pour l’étrangeté. Quand je le lis, je me dis que je ne pourrais pas écrire de cette façon. Ça ne me ressemble pas, mais ça me séduit. »

LE LIVRE QUE VOUS RELISEZ SOUVENT ? 

Les filles en série

« Les essais sont importants pour moi. Celui-ci est très marquant parce que c’est comme ça que je voudrais écrire. Il y a un souffle dans son écriture que j’aimerais atteindre quand j’écris des essais, qui n’est pas engoncé dans un modèle universitaire. Ça me travaille toujours, cette lecture. Souvent, j’y retourne. J’admire beaucoup Martine parce que je n’arrive pas encore à avoir cette souplesse-là dans mon écriture. »

UN LIVRE QUI VOUS INSPIRE COMME AUTRICE ?

Roland Barthes par Roland Barthes

« En lien direct avec mon livre, c’est celui qui m’a fourni mon exergue sur le “corps de vérité”. Comme il dit, “je voudrais voir mes yeux quand ils te regardent”. C’est un aveu très tendre. J’aime beaucoup Barthes. C’est un livre en fragments pas toujours liés. On est dans le Barthes plus accessible. Je l’utilise toujours quand je donne des formations sur l’écriture en ligne. Ça m’a beaucoup influencée pour Prendre corps qui était, au départ, un projet web. Il défend l’idée que pour faire la biographie de quelqu’un, il faut s’attarder aux petits détails au lieu de dresser un récit de vie. Sinon, on reprend toujours des poncifs. »

UN LIVRE SUR VOTRE TABLE DE CHEVET ?

Écrire la vie

« Je ne pouvais ne pas parler d’elle. Presque tout est là dans ce livre. Elle-même renie le mot autofiction parce qu’elle dit qu’il n’y a aucune fiction chez elle. Ça me fascine. On a 40 ans de différence, vivant dans des lieux différents, mais quand elle raconte des choses qui la concernent, je me sens directement impliquée. Même si je n’ai pas vécu d’avortement, quand elle en parle, ça me bouleverse profondément. Lire Ernaux, c’est me dire, à chaque page, que je le reconnais dans ma vie et mes émotions. Elle prouve qu’écrire de l’intime, ce n’est pas narcissique et ça peut toucher à l’universel. »

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