l’avis du nutritionniste

Manger végé, c’est bon pour la santé. À condition de…

L’Academy of Nutrition and Dietetics (AND), la plus grosse association de professionnels de la nutrition du monde, a parlé. Manger végé, c’est bon pour la santé. Pourtant, alors qu’il semble si facile pour certains chercheurs de créer des petites polémiques à propos de leurs études qui n’entraînent aucune répercussion réelle sur la vie de tous les jours, on n’a à peu près pas parlé de cette prise de position dans les médias.

Ce n’est pas la première fois que cette association, qui compte plus de 100  000 membres, se positionne face à ce type d’alimentation. En 2009 déjà, elle abondait en ce sens. N’allez pas croire qu’on parle ici de favoritisme ou d’idéologie. Ces prises de position reflètent simplement l’état des connaissances scientifiques dans le domaine. En 2016, la science démontre bien que ceux qui adoptent le végétarisme récoltent des bénéfices pour leur santé, et ce, à tous les stades de la vie. L’AND affirme que ce type d’alimentation convient entre autres aux enfants, aux adolescents, aux personnes âgées, aux athlètes et aux femmes enceintes.

Statistique Canada indique sur son site web qu’il «  ne recueille pas de données sur le nombre de végétariens ni de végétaliens au Canada  ». De l’autre côté de la frontière, on estime qu’environ 3,3 % des Américains sont végétariens (pas de viande, de volaille ni de poisson). De ceux-ci, 46 % seraient végétaliens, c’est-à-dire qu’ils ne consomment aucun produit de provenance animale.

Comme nutritionniste, j’ai appris à l’école que le végétarisme pouvait combler tous les besoins nutritionnels d’un être humain «  à condition d’être bien planifié  ».

C’était un peu la réponse typique que je donnais lorsqu’on me demandait mon avis sur la question. À l’école, on ne disait pas que le régime omnivore pouvait répondre à tous les besoins d’un être humain «  à condition d’être bien planifié  ». Pourtant, avec des taux élevés d’obésité, de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2 et de cancers, notre régime omnivore collectif ne me semble pas tout à fait répondre aux besoins de l’être humain, du moins, pas sans être «  bien planifié  ».

Après quelques années à m’intéresser au sujet, je réalise désormais que cette «  condition  » accolée au végétarisme témoigne simplement d’une vieille crainte à l’égard des carences nutritionnelles. Le stéréotype du végétarien mince et pâle, qui manque de fer et de protéines parce qu’il ne mange pas de viande. Pourtant, selon la littérature scientifique, il semblerait que ces craintes soient fondées sur des croyances, pas sur la science.

Selon l’AND, les végétariens et végétaliens satisfont ou dépassent généralement leurs besoins en protéines. Et bien que leurs réserves en fer soient moins élevées, ces derniers ne souffrent pas davantage de carences en ce minéral.

Alors qu’on encourage les gens à manger davantage de poisson, dans le but, notamment, de profiter des bienfaits des oméga-3 sur la santé du cœur, les végétariens, eux, n’en consomment pas. Sans surprise, les taux d’oméga-3 d’origine marine sont bas, voire quasi inexistants, chez cette population. Pourtant, ils souffrent moins de maladies cardiovasculaires que les omnivores. Voilà une piste à explorer en santé publique, à mon avis, quand on sait que la majorité des stocks de poissons sont pêchés au maximum de leur capacité ou surexploités.

En plus d’être moins à risque de contracter des maladies cardiovasculaires, ceux qui délaissent la viande, la volaille et le poisson présentent également des risques moins élevés de souffrir de diabète de type 2, d’hypertension artérielle, de certains types de cancer et d’obésité.

Bref, manger végé protège contre les principaux problèmes de santé publique où l’alimentation a un rôle à jouer.

Évidemment, je ne dis pas qu’on doit tous se lancer dans le végétarisme n’importe comment. On peut très bien trouver des hot-dogs, des pizzas et bien d’autres aliments ultratransformés en versions végétariennes. Les bénéfices seront-ils les mêmes pour quelqu’un qui se tourne en majorité vers ces aliments comparativement au végétarien qui cuisine  ? Probablement pas, mais c’est le même scénario pour les omnivores.

Et le végétarisme ne se résume pas seulement à éliminer des aliments d’origine animale. On doit effectivement s’assurer d’intégrer une diversité de bonnes sources de fer, de calcium, de protéines, de vitamine D, etc. Bref, manger une panoplie de légumineuses, de céréales, de fruits, de légumes, de noix et de graines.

Mais, finalement, les végétariens étudiés par la science sont comme vous et moi. Ils mangent au resto, ils ne cuisinent pas tout le temps, ils ne sont pas toujours en train de calculer leurs calories et leurs nutriments… C’est donc que le simple fait de manger végé peut apporter des bénéfices pour la santé.

Continuer à affubler le végétarisme de cette «  condition de la bonne planification  », sans réflexion, ne fait que nourrir des craintes qui ne sont pas cohérentes avec l’état des connaissances. Est-ce que tous les végétariens sont en santé  ? Non. Est-ce la solution à tous les problèmes de notre société  ? Non. Mais force est d’admettre que s’il y a un régime alimentaire qui mérite réellement d’être affublé de cette «  condition  », c’est probablement le régime omnivore que la majorité d’entre nous ont adopté.

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