Éditorial  Littératie

Les médecins sont incompris

Beaucoup de Québécois ne maîtrisent pas les compétences de base en lecture pour s’occuper de leur santé. Les conséquences peuvent être graves

Dans le cabinet du médecin, le patient qui se défile pour ne pas lire un papier, prétextant qu’il a oublié ses lunettes, devrait déclencher un signal d’alarme.

Trop de citoyens sont analphabètes en santé. Ils ne maîtrisent pas les compétences minimales de littératie en santé.

Les patients décodent mal les explications du médecin, qui deviennent un jargon incompréhensible. Ils ne comprennent pas leur posologie ou ils mélangent leur médication, ce qui met leur santé en péril.

De façon générale, on sait que les Québécois ont du travail à faire pour améliorer leurs compétences en lecture. Près de la moitié n’ont pas les compétences de base (niveau 3). La proportion chute encore quand il est question de santé.

Les personnes âgées présentent les lacunes les plus importantes. C’est préoccupant, car elles constituent aussi les plus grands malades. Le tiers des personnes âgées de 65 ans ou plus souffrent d’au moins une maladie chronique.

Dans une société où le patient est de plus en plus impliqué dans la prise en charge de sa maladie, les conséquences sont évidentes ; pensons à un diabétique qui gère mal son insuline.

Une étude publiée il y a quelques années dans Archives of Internal Medicine avait d’ailleurs révélé que les patients âgés qui avaient du mal à lire correctement présentaient 50 % plus de risque de mourir sur une période de cinq ans. Une faible compétence de littératie en santé était le principal facteur prédictible de mortalité… après le tabagisme.

La barrière de la langue, l’immigration et le faible niveau de scolarité sont des facteurs qui contribuent à un faible niveau de compétences en littératie.

En ce sens, Montréal fait face à un défi supplémentaire.

Que faire ? S’en préoccuper, d’abord. Les professionnels de la santé doivent mieux vulgariser leurs propos et s’assurer que le patient en face d’eux comprend bien toutes les subtilités, surtout quand l’on sait qu’une visite chez le médecin s’accompagne souvent de stress et d’anxiété qui rendent le patient vulnérable.

Des organismes communautaires tissent des liens entre les patients et les médecins. Des guides ont aussi été créés pour épauler les professionnels de la santé. Il faut multiplier ces initiatives.

Il faut aussi agir globalement, en insistant sur l’importance de la lecture. Car les compétences en littératie s’acquièrent, se développent… et se perdent si elles ne sont pas mises en pratique.

Les gouvernements doivent jouer un rôle de premier plan pour améliorer la littératie en santé. Malheureusement, dans un système de santé sous pression, les enjeux de santé publique sont ceux qui apparaissent généralement les moins criants.

Pourtant, l’équation saute aux yeux. Le malade chronique qui ne suit pas son traitement adéquatement ou se trompe dans sa médication aboutit aux urgences, contribuant à engorger le système de santé et à augmenter les coûts.

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