Alexandre St-Jean

Le couteau entre les dents. Vraiment.

Il n’y a pas que le sport dans la vie. En tout cas, pas pour Alexandre St-Jean. Le patineur de vitesse de 22 ans est à sa deuxième année au doctorat en médecine dentaire à l’Université Laval. Ses études à temps plein ne l’ont pas empêché de se qualifier pour le circuit de la Coupe du monde, dont la première étape s’ouvre aujourd’hui à Calgary.

Les lames de patin ne sont pas le seul objet tranchant que transportait St-Jean dans le vol le menant en Alberta. Son bagage de soute contenait une trousse avec un petit couteau, des pics et des crochets. Ces outils lui servent à sculpter des dents dans sa chambre d’hôtel. C’est un exercice pratique pour son cours « appareil masticateur ».

« On a beaucoup de temps libre ici, a expliqué St-Jean après un dernier entraînement à l’ovale olympique de Calgary, hier. Je relaxe et ça me change les idées. J’essaie de faire trois fois trois heures de sculpture pendant que je suis sur la route. »

Ainsi, il garde la main et évitera la submersion scolaire à son retour de la Coupe du monde de Salt Lake City, la semaine prochaine. Avec une trentaine d’heures d’entraînement hebdomadaires et quatre cours à l’université, les temps morts sont rares.

Malgré cet horaire chargé, St-Jean s’est distingué aux sélections automnales de Calgary, terminant deuxième au 1000 m derrière son coéquipier et partenaire de chambre Alex Boisvert-Lacroix, qui en connaît maintenant un rayon sur l’anatomie buccale.

De son propre aveu, St-Jean met la « barre haut » en visant un résultat parmi les 10 premiers, demain, au 1000 m. Au 500 m, il souhaite sortir du groupe B après la fin de semaine. 

« Cette année, j’aimerais m’illustrer sur la scène internationale, mettre mon nom sur la carte, ce que je n’ai pas vraiment fait l’an passé. »

— Alexandre St-Jean

St-Jean n’avait disputé que la dernière Coupe du monde aux Pays-Bas. En cette année transitoire, il avait mis la pédale douce à l’entraînement pour s’adapter à ses études en médecine dentaire et à sa nouvelle vie en appartement avec sa blonde.

À la reprise printanière, St-Jean a proposé à son entraîneur de suivre le même programme que Laurent Dubreuil. Son coéquipier est devenu vice-champion du monde au 500 m après avoir axé sa préparation d’entre-saison sur le volume à basse intensité.

« Il m’a demandé si je croyais possible qu’il aille à l’école à temps plein. Je lui ai dit qu’on trouverait une solution », raconte Gregor Jelonek, entraîneur-chef du Centre national Gaétan-Boucher. 

« Il s’est bien entraîné, il a perdu une douzaine de livres et il a vraiment amélioré l’ouverture de son 500 m. Il a pris beaucoup de maturité aussi. Je ne sais pas comment il fait, mais il arrive à s’organiser avec l’école. […] C’est un modèle à suivre. »

Servir d’exemple à ses jeunes coéquipiers est d’ailleurs l’un des souhaits du futur dentiste. « C’est du sport amateur, je ne gagnerai pas ma vie en étant patineur, souligne St-Jean. C’est risqué, tu peux te blesser n’importe quand. Le patin, j’en fais parce que j’adore ça. C’est tellement le fun. À l’école, je suis dans un domaine que j’aime et dans lequel je peux avoir une carrière professionnelle plus tard. »

À partir de l’an prochain, St-Jean réduira son nombre de cours pour arriver « à 100 % » aux Jeux olympiques de Pyeongchang, où Jelonek le croit capable de prétendre au podium.

Bâti pour la longue piste

Avant d’entrer en médecine dentaire, Alexandre St-Jean a tout fait pour prendre part aux Jeux olympiques de Sotchi, en 2014. Il a d’abord tenté sa chance en patinage de vitesse courte piste, la discipline qu’il a toujours pratiquée et qui l’avait mené au bronze au 500 m des Championnats du monde juniors de 2012. Il a terminé huitième aux essais. Très déçu, mais pas abattu : il savait depuis longtemps qu’il ferait un jour la transition vers la longue piste, pour laquelle son gabarit de 5’10” et 180 lb lui semblait mieux adapté. À ses premiers pas sur l’ovale de 400 m, il s’est qualifié pour une Coupe du monde. Aux sélections olympiques, il est venu bien près de réussir son pari, mais une chute dans le dernier virage du 1000 m a brisé ses espoirs. Deux semaines plus tard, il a fini huitième aux Mondiaux de sprint de Nagano, tout juste devant Laurent Dubreuil. Ça donne une idée de son potentiel.

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