Mélanie Dieudé et Marie-Josée Hébert

Transplanter, greffer, mais surtout collaborer

Honorées par le Centre de recherche du CHUM pour la qualité de leurs travaux, la scientifique Mélanie Dieudé et la Dre Marie-Josée Hébert ont résolu l’un des mystères du rejet des organes greffés. Elles sont nos personnalités de la semaine.

Quand j’ai joint Mélanie Dieudé, la scientifique de 41 ans était en route vers Boston, avec ses quatre enfants âgés de 3 à 12 ans et un mari prêt à aller courir le marathon, demain. Marie-Josée Hébert, elle, partait au théâtre.

Première leçon servie par ces deux brillantes chercheuses qui ont percé l’un des mystères du rejet des organes greffés : il y a moyen d’être une sommité scientifique dans son domaine et de trouver le temps de sortir du labo pour profiter de la vie ! Avis aux jeunes femmes qui sont encore trop peu nombreuses en sciences. À entendre ces deux dames, on se dit que tout est possible.

Nos deux personnalités de la semaine, qui ont reçu récemment le prix d’excellence du Centre de recherche du CHUM pour la qualité de leurs travaux, ont des parcours différents qui se sont croisés il y a quelques années à l’Université de Montréal, quand elles ont fait ensemble une importante découverte.

Avec une équipe de chercheurs, elles ont démontré qu’un des facteurs du rejet des greffons, quand on fait une transplantation d’organe, était lié à des signaux d’alarme, jusque-là inconnus, envoyés par l’organe greffé. Des signaux d’alarme microscopiques, on s’entend, envoyés sous la forme de vésicules détachables des cellules des vaisseaux sanguins. C’est un peu comme si le rein, le cœur, le poumon, bref l’organe prélevé pour la transplantation, inconscient de la bonne action qu’il est sur le point d’accomplir, était juste inquiet de son propre statut et cherchait de l’aide auprès du système immunitaire, ce qui est préjudiciable pour la greffe. 

« Normalement, c’est un bon réflexe d’envoyer ce message : “Je suis en train de mourir.” Mais dans le cas d’une greffe, c’est dommageable. »

— Mélanie Dieudé

La bonne nouvelle, c’est qu’il existait déjà un médicament capable de bloquer l’enzyme utilisée pour cet appel à l’aide. On a donc pu tester son efficacité sur des souris. Vous pouvez en déduire que la prochaine étape est de voir comment on peut utiliser tout ça sur des humains.

Les chercheuses ne veulent pas en dire trop sur la suite, puisque les travaux sont en cours, mais personne ne sera étonné si elles publient à moyen terme la suite de leurs recherches. Selon Mme Dieudé, la recherche avance si bien qu’on peut maintenant imaginer une réalité qui semble sortie de la science-fiction, « mais qui n’est pas si loin de nous que ça », où on pourrait retirer un organe du corps, le maintenir en vie, le réparer, puis le remettre en place. La science des transplantations fait actuellement de grands pas.

Marie-Josée Hébert, de son côté, est médecin, néphrologue et spécialiste des transplantations rénales. Elle est aussi maintenant, à 51 ans, chercheuse au CHUM et codirectrice du Programme national de recherche en transplantation du Canada.

Elle est en outre professeure à la faculté de médecine de l’Université de Montréal et vice-rectrice à la recherche, à la découverte, à la création et à l’innovation de cet établissement.

Originaire de Valleyfield, elle a fait son cours de médecine ainsi que sa spécialisation à cette université avant de partir faire des études postdoctorales à Brigham and Women’s, l’un des principaux hôpitaux universitaires rattachés à Harvard, à Boston. C’est là, notamment, qu’a été pratiquée la première transplantation d’organe de l’histoire, un rein, en 1954. C’est un lieu mythique en médecine. « C’est ici, relate la Dre Hébert, que tout a commencé. »

Mélanie Dieudé, elle, est née à Toulouse d’un père français et d’une mère québécoise et a vécu en France jusqu’à l’âge de 9 ans, avant de déménager à Ahuntsic avec sa famille. Là, elle a fréquenté la même école primaire que Julie Payette et Gregory Charles avant d’aller faire son cours secondaire au Mont-Saint-Louis, à la même époque que Yannick Nézet-Séguin, le chef d’orchestre. 

Autre anecdote intéressante : Mélanie est dans le chœur de l’Orchestre métropolitain. « Ça me ressource complètement », dit-elle. « Je crois que c’est mieux que le yoga pour les endorphines », ajoute la chercheuse en riant. Pour le sport, elle préfère la natation.

Contrairement à la Dre Hébert, Mélanie Dieudé n’est pas médecin. Elle a une formation de premier cycle en immunologie de l’Université de Montréal, puis elle a fait une maîtrise en endocrinologie à l’Hôtel-Dieu avant de faire un doctorat en sciences biomédicales à l’Université de Montréal, sur les maladies auto-immunes. Enfin, elle a fait de la recherche postdoctorale à McGill avant de retourner au CHUM comme chercheuse.

La Dre Hébert, elle, est spécialiste des greffes du rein.

Et elle est convaincue que la collaboration interdisciplinaire, ainsi que les deux scientifiques l’ont pratiquée avec leurs équipes, est essentielle à l’avancement du savoir. « C’est un thème récurrent dans ma pratique, explique-t-elle. Cette nécessité de briser les silos, de comparer différentes approches. » Les autres chercheurs issus de champs d’intérêt différents arrivent avec des regards inusités sur certaines questions. « Ce sont des regards neufs », dit-elle. « C’est quand on travaille ensuite tous ensemble qu’on fait vraiment bouger les choses. »

La Dre Hébert parle d’« audace par la collaboration ».

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