Chronique 

Le rayonnement des gestionnaires québécois

Si le Québec a réussi à se démarquer sur la scène économique canadienne et internationale au fil des dernières décennies, c’est essentiellement en raison du dynamisme, de la vision et de la créativité de plusieurs de nos entreprises qui ont su oser.

Parallèlement, le rayonnement économique du Québec reflète aussi la reconnaissance grandissante du talent de nos gestionnaires.

Au début du mois de janvier, j’ai présenté dans le cadre de la grande entrevue de la semaine, le parcours de Martine Ferland qui a accédé en septembre dernier au sommet de la hiérarchie du groupe Mercer, en devenant présidente du groupe mondial.

Hier, Martine Ferland a été nommée PDG de la multinationale spécialiste en ressources humaines, programmes de santé, retraite et investissement. Sa nomination prendra effet le 1er mars prochain.

Mercer compte 23 000 employés dans 40 pays et réalise un chiffre d’affaires de 4,7 milliards US. Martine Ferland, actuaire diplômée de l’Université Laval, était auparavant responsable à Londres de toutes les activités européennes du groupe.

Martine Ferland est maintenant établie à New York et elle a nommé en octobre dernier, au terme d’un rigoureux processus de sélection, Louis Gagnon, un autre Québécois, comme président des activités de la division Canada–États-Unis de Mercer.

« Pas parce qu’il est québécois, mais parce qu’il est le plus qualifié pour occuper le poste », avait insisté Martine Ferland, en rappelant que cette décision avait été évidemment avalisée par le conseil d’administration de la multinationale américaine.

Cette assertion m’a rappelé le long et tortueux chemin que les Québécois ont parcouru depuis les débuts des années 60, lorsqu’à peu près toutes les portes du pouvoir économique leur étaient fermées.

Le décès de l’ex-premier ministre Bernard Landry, en novembre dernier, a ravivé le souvenir de cette époque, puisqu’elle a marqué l’un de ses premiers engagements politiques, en 1962, alors qu’il était président de l’Association générale des étudiants de l’Université de Montréal.

Le président du Canadien National, Donald Gordon, avait déclaré devant un comité parlementaire canadien que jamais il n’embaucherait des Canadiens français pour pourvoir un poste à l’une ses 17 vice-présidences parce qu’ils n’avaient tout simplement pas les compétences pour remplir les fonctions.

Bernard Landry avait été l’instigateur de manifestations étudiantes pour protester contre le mépris avoué du président du Canadien National, dont le siège social était à Montréal, faut-il le rappeler.

Soit dit en passant, 30 ans plus tard, c’est un Québécois, Paul Tellier, qui a entrepris la privatisation et le redressement financier de cette société de la Couronne totalement sclérosée et inefficace pour en faire l’une des compagnies ferroviaires les plus productives au monde.

Depuis le départ de Tellier, en 2002, et le règne de l’Américain Hunter Harrison jusqu’en 2010, les trois PDG qui se sont succédé à la tête du CN ont été des Québécois.

Entrepreneurs et gestionnaires

À l’image des SNC-Lavalin, Cirque du Soleil, Couche-Tard, CGI, Bombardier, Saputo, Exfo, Premier Tech et toutes les nombreuses autres entreprises québécoises qui ont été les premières à faire leur nid ailleurs au Canada et partout dans le monde, il en va de même avec l’expertise de nos gestionnaires.

Martine Ferland n’est pas la première Québécoise à occuper un poste de haute direction au sein d’une grande multinationale. Pierre Lassonde, le fondateur de la société minière Franco-Nevada, a été de 2001 à 2008 le PDG de Newmont, qui est devenue aujourd’hui la plus grosse société aurifère du monde.

Louis Chênevert, diplômé de HEC Montréal, a occupé de 2001 à 2008 le poste de PDG de United Technologies, gigantesque conglomérat industriel de plus de 210 000 employés partout dans le monde.

François Trahan, économiste diplômé du département de sciences économiques de l’Université de Montréal, a été nommé le stratège boursier numéro un de Wall Street au cours de huit des dix dernières années.

Pour la première fois de son histoire plus que centenaire, elle aussi marquée par un ostracisme certain du Québec et de sa réalité politique, la Sun Life du Canada a nommé l’an dernier un Québécois à la tête de ses activités canadiennes, Jacques Goulet.

Même chose du côté de Pricewaterhouse Coopers, qui a nommé l’an dernier Nicolas Marcoux comme chef de la direction de ses activités canadiennes, là aussi une première dans l’histoire canadienne centenaire de cette firme d’experts comptables.

Intact, la plus importante société d’assurances de dommages au Canada, est dirigée à son siège social de Toronto par un Québécois, Charles Brindamour, dont l’essentiel de l’équipe de direction est établi à Montréal.

Vincent Duhamel, le nouveau président et chef de l’exploitation globale de Fiera, a fait carrière durant plus de 20 ans en Asie à titre de directeur général pour State Street ainsi que pour Goldman Sachs.

Beaucoup d’autres Québécois s’illustrent à l’étranger et font rayonner le Québec, pas seulement dans des postes de haute direction, mais aussi dans des fonctions de conseil, de créativité ou même dans des emplois techniques. Le Québec s’est nettement décomplexé depuis les années 60 et le monde le reconnaît.

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