Réplique

L’immigration chez les Calinours

En réponse à l’éditorial de François Cardinal « Ne pas forcer les cœurs : plutôt les gagner », publié samedi

Dans son numéro de samedi dernier, le quotidien La Presse+ consacrait un éditorial à l’immigration dans lequel il s’en prenait aux « chroniqueurs du Devoir et du Journal de Montréal qui ont un pied en France ».

Ces chroniqueurs, aussi qualifiés en passant de « conservateurs », auraient le défaut de souhaiter « une certaine assimilation culturelle » des immigrants qui s’installent au Québec. Votre serviteur aurait même poussé l’hérésie jusqu’à saluer l’extraordinaire réussite du défunt Charles Aznavour devenu « un archétype du séducteur français » alors même que ses parents étaient d’origine arménienne. Selon l’éditorialiste, le Québec aurait choisi un autre « modèle d’intégration » combien plus vertueux fait, lui, de « pluralisme », d’« ouverture », de « tolérance » et d’acceptation de la « différence ».

N’en déplaise à La Presse+, l’humble chroniqueur que je suis n’a fait que constater une évidence. Peu importe les « modèles », partout, la réussite des immigrants est directement liée à leur intégration plus ou moins réussie. L’extraordinaire réussite internationale de Charles Aznavour ne fut que l’illustration de sa parfaite maîtrise de la culture française dont il est devenu l’un des plus brillants artisans. Ce faisant, Aznavour a inscrit ses pas dans ceux de personnalités françaises aussi connues qu’Yves Montand et Serge Gainsbourg, mais aussi de Québécois comme Normand Brathwaite et Joseph Facal.

Car la réalité de l’immigration n’a rien à voir avec le conte de fées que nous sert François Cardinal.

Dans tous les pays du monde, peu importent les modèles abstraits dont l’éditorialiste se plaît à décrire les circonvolutions, les cultures fortes intègrent vite et bien alors que les cultures faibles ou minoritaires ont plus de difficulté ou n’y parviennent tout simplement pas.

Le prétendu pluralisme que brandit François Cardinal n’est en réalité que le cache-sexe des difficultés d’intégration que connaît le Québec.

En effet, le « modèle québécois » dont La Presse+ nous vante la perfection et l’extraordinaire « vivre ensemble » fonctionne tellement bien que d’année en année, le Québec parvient de moins en moins à stabiliser la proportion de francophones dans sa métropole, Montréal, pourtant seule et unique matrice d’intégration des immigrants. Tout cela alors que la part du Québec continue irrémédiablement à diminuer dans le Canada pour ne plus représenter aujourd’hui que 22 % de la population canadienne. Une tendance démographique si lourde qu’elle n’a pas été démentie une seule fois en 150 ans d’histoire.

Ce que François Cardinal fait mine de ne pas voir, c’est que pendant qu’il nous exhorte à « accepter que l’immigrant conserve une part de ce qu’il est, plutôt que d’exiger qu’il devienne un autre », le Québec s’efface chaque jour un peu plus dans le Canada et l’immigrant, lui devient de plus en plus canadien et de moins en moins québécois. Posons brutalement la question : qui dans le monde rêve de s’intégrer à une minorité nationale dont la part régresse un peu plus chaque année ? Personne !

Mais peu importe à notre éditorialiste, pourvu que le vertueux « modèle québécois » soit respecté. Au moins, la consultante Sabine Choquet que François Cardinal cite en exemple n’a pas ces pudeurs interculturelles puisqu’elle se félicite ouvertement de la politique officielle du multiculturalisme instituée par Pierre Elliott Trudeau afin, rappelons-le, de diluer le Québec dans l’ensemble canadien. Quant à savoir ce que penserait Gérald Godin du Québec d’aujourd’hui, gardons-nous de faire parler les morts.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.