Naissance

Humaniser l’accouchement

Les 180 sages-femmes du Québec souhaitent mettre en valeur une chose essentielle à leurs yeux : la femme doit être au centre des décisions au moment de son accouchement et s’approprier pleinement ce qui est un des plus beaux moments de la vie, celui de donner naissance.

QU’EST-CE QU’UNE SAGE-FEMME ?

Les sages-femmes sont des professionnelles de la santé formées et responsables des soins et des services durant toute la grossesse, l’accouchement et la période postnatale pour la mère et le nouveau-né, jusqu’à six semaines après la naissance. Elles ont une formation universitaire de quatre ans et demi donnée à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Les sages-femmes ne suivent que les femmes en bonne santé qui ont des grossesses normales. « Nous sommes encore très peu connues au Québec, même si les sages-femmes ont toujours existé. La profession est légalisée depuis 1999 et reconnue par le ministère de la Santé », explique Claudia Faille, présidente du Regroupement Les Sages-femmes du Québec.

À la demande des femmes et des familles, les sages-femmes participent à une démarche d’humanisation des naissances. « On dit souvent que nous sommes les gardiennes du “normal”. Que ce soit au Québec ou ailleurs dans le monde, les naissances aujourd’hui sont trop médicalisées, le taux de césariennes au Québec est de 23 %, c’est beaucoup trop, alors que l’OMS recommande un taux de 15 %. Il faut aussi déplorer le nombre trop élevé d’interventions médicales non nécessaires pendant les accouchements », plaide Claudia Faille.

Selon elle, la voix des sages-femmes est essentielle dans la réflexion sur les naissances aujourd’hui, et elle souhaite faire valoir la profession. « Dans notre société ultra-efficace, on veut gérer l’accouchement pour qu’il soit le plus efficace possible. On a industrialisé la naissance dans les hôpitaux et on la mécanise. » Claudia Faille insiste sur le fait que, trop souvent, on oppose l’intérêt de la mère à celui de son bébé, alors que pour une mère, son bébé est toujours la priorité.

« Elles remplissent toutes leurs salles d’accouchement et il y a même des listes d’attente », remarque le Dr Jean-Charles Pasquier, obstétricien-gynécologue au CHU de Sherbrooke. Il constate que les sages-femmes apportent beaucoup à l’obstétrique et qu’il faut faire des liens entre ces pratiques. « Elles savent faire des choses qu’on ne sait pas faire. Est-ce que je sais accompagner une femme dans sa douleur pendant neuf heures de travail en lui faisant des points de pression ? Non, je n’ai pas été formé à cela », poursuit le Dr Pasquier.

UN MANQUE D’EFFECTIFS

Les sages-femmes manquent d’effectifs pour répondre à une demande grandissante. « Ça montre que les femmes ont envie d’être suivies par des sages-femmes. Et c’est beaucoup moins marginal qu’avant, parce qu’elles souhaitent une approche personnalisée et sont conscientes de la possibilité d’avoir un accouchement plus humain », constate Marie-Ève St-Laurent, présidente de l’Ordre des sages-femmes du Québec.

L’accessibilité est au centre de leurs priorités, car les maisons de naissance ne se trouvent pas dans toutes les régions du Québec. « En ce moment, près de 25 % des femmes souhaitent accoucher à l’extérieur de l’hôpital, et on répond à moins de 3 % des suivis de grossesse et des accouchements », se désole Claudia Faille.

« On y va petit à petit. On augmente nos effectifs chaque année : en 1999, nous étions 60 sages-femmes, et nous sommes 180 aujourd’hui. Il faut un développement avec plus de lieux de pratique, plus de maisons de naissance, plus de formations de sages-femmes, et on travaille fort pour que tout cela se fasse harmonieusement », explique Marie-Ève St-Laurent. La politique périnatale prévoyait qu’en 2018, 10 % des naissances au Québec seraient faites par des sages-femmes. « On a un petit retard à rattraper si on veut arriver à ce chiffre. Le gouvernement du Québec a assuré qu’il était souhaitable pour le Québec d’avoir des sages-femmes et encourage le développement de la pratique. »

Et n’oublions pas que c’est un service public : « Nous sommes payées par l’État et nous sommes tributaires des décisions gouvernementales pour le développement de la pratique », conclut Marie-Ève St-Laurent.

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