Aéroplan

Annulez le divorce !

Comme un vieux couple qui parvient à recoller les pots cassés après avoir annoncé son divorce, Aéroplan et Air Canada ont dévoilé, hier, qu’ils poursuivraient leur relation remontant à plus de 30 ans.

Dans un énième coup de théâtre, Aimia, qui possède le populaire programme de fidélisation, a conclu une entente de principe avec un consortium composé d’Air Canada, Visa, TD et CIBC.

Les 5 millions de membres ont de quoi être déboussolés par les changements de cap fréquents. Pas plus tard qu’au début d’août, Aimia avait annoncé son union avec Transat, Porter et Flair. Ces ententes devaient prendre effet en 2020, date à laquelle Air Canada avait dit, en mai 2017, qu’elle larguerait Aéroplan pour lancer son propre programme de fidélisation, ce qui avait porté un coup très dur à Aéroplan.

Aujourd’hui, les ententes de principe avec les trois transporteurs concurrents ressemblent à une mise en scène strictement destinée à faire monter les enchères pour Aéroplan. 

La stratégie a fonctionné puisqu’Air Canada va finalement payer 450 millions de dollars, soit presque le double des 250 millions offerts au début de juillet (en plus d’assumer un passif d’environ 1,9 milliard associé à la valeur des milles en circulation).

Maintenant qu’Aimia a accepté l’offre d’Air Canada, les ententes avec des transporteurs concurrents vont certainement tomber à l’eau.

Reste à voir comment réagira Transat, qui n’est associé à aucun programme de fidélisation, hormis une entente avec Air Miles qui se limite à son réseau d’agences de voyages Transat Distribution Canada. Le transporteur voudra-t-il mettre en place son propre programme de récompenses ou encore former des liens plus étroits avec un programme déjà établi ? À suivre…

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Pour les membres d’Aéroplan, l’incertitude persiste. Eux qui avaient la certitude que le programme ne changerait pas d’ici 2020 se demandent maintenant si Air Canada apportera des modifications dès que la transaction sera bouclée, l’automne prochain.

« Que va-t-il se passer ? Est-ce qu’ils vont toucher aux grilles tarifaires ? Est-ce qu’ils vont toucher à la valeur des milles ? On ne sait pas trop. Et c’est ce qui m’inquiète un petit peu », m’a confié Jean-Maximilien Voisine, fondateur de Milesopedia, un site web qui se spécialise dans l’analyse des programmes de récompenses et des cartes de crédit.

De son côté, l’analyste financier Adam Shine, de la Financière Banque Nationale, n’est « pas convaincu que le nouveau programme de fidélisation sera aussi généreux que l’ancien Aéroplan », d’après une note rédigée hier.

Je sais bien que, depuis le 1er août, la Loi sur la protection du consommateur interdit aux programmes de diminuer de façon « disproportionnée » la valeur des points accumulés par leurs membres. Mais les systèmes sont si complexes qu’il sera difficile d’en faire la preuve en cour.

Pour les membres d’Aéroplan qui ont emmagasiné des tonnes de milles, il est donc préférable de les utiliser rapidement. Mais pas n’importe comment !

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Alors, quel est le meilleur moyen d’utiliser ses milles ? Surtout pas en les échangeant contre de la marchandise ou des cartes-cadeaux, répond M. Voisine.

Avec 15 000 milles, vous ne recevrez qu’une centaine de dollars en carte-cadeau, tandis que vous pouvez obtenir l’équivalent de 800 $ en utilisant vos milles pour acheter un vol court-courrier (ex. : Îles-de-la-Madeleine).

Mais il faut se méfier des surcharges imposées par Air Canada qui réduisent par la bande la valeur de vos milles. Pour l’Europe, les surcharges peuvent être aussi élevées qu’un vol payé comptant avec un transporteur au rabais. Autant dire que vos milles n’ont aucune valeur !

Heureusement, Aéroplan donne accès à d’autres transporteurs membres de Star Alliance, dont une vingtaine n’imposent pas de surcharge (ex. : Swiss, United, Air China, Singapore Airlines, Scandinavian Airlines).

On peut aussi esquiver les surcharges en transitant par l’aéroport de Plattsburgh ou de Burlington.

« Vous ne payerez que 7 $ par trajet. Ça vaut le coût, surtout pour les familles nombreuses », estime M. Voisine.

Les grands voyageurs qui ont accumulé beaucoup de points peuvent aussi songer à un « mini-tour du monde ». Pour à peine 90 000 milles, il est possible de réserver un vol à l’autre bout de la planète (ex. : Singapour) avec un arrêt à l’aller (ex. : en Europe) et un autre au retour (ex. : au Japon ou aux États-Unis).

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Par ailleurs, il est préférable de mettre la pédale douce sur l’accumulation de milles Aéroplan en attendant que les nuages se dissipent autour du programme.

« CIBC et TD vont sûrement lancer de très nombreuses offres pour des cartes de crédit Aéroplan d’ici à la fin de l’année ou en 2019 », prédit M. Voisine.

Mais en attendant, les consommateurs peuvent se rabattre sur des cartes qui donnent accès à des programmes plus flexibles.

Par exemple, Amex Points-Privilèges permet de transférer les points chez des transporteurs associés aux trois grandes alliances (Star Alliance, Oneworld et SkyTeam).

Certaines banques comme Scotia offrent aussi des programmes maison permettant d’appliquer les points accumulés à n’importe quelle dépense de voyage. Vive la simplicité !

Mais n’oubliez pas la règle d’or : remboursez toujours le solde de votre carte de crédit au complet avant l’échéance. Autrement, vous payerez 20 % d’intérêts… comme plus du tiers des détenteurs de cartes de crédit.

Ce sont eux qui financent les récompenses. Eux et les commerçants qui doivent verser des frais de 1,5 % en moyenne. Et comme les détaillants intègrent ces frais dans leurs prix de vente, ce sont tous les consommateurs qui financent les programmes de fidélisation, y compris ceux qui payent comptant et ceux qui n’ont pas les moyens d’avoir une carte offrant de généreuses récompenses.

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