fin de session parlementaire à Ottawa

Les révélations sur des activités de financement controversées et un projet de loi sur les banques décrié au Québec ont assombri la fin de session des libéraux. Et la légalisation du cannabis s’annonce comme un test de crédibilité pour le gouvernement Trudeau. Analyse et bilan.

Sondage CROP-La Presse

Les libéraux reculent au Québec

En cette fin de session parlementaire marquée par des activités de financement critiquées et le projet de loi C-29 au Québec, les libéraux de Justin Trudeau ont perdu 5 % dans les intentions de vote au Québec, selon un sondage CROP-La Presse. Les libéraux gardent tout de même un niveau de popularité « très élevé », selon le président de CROP, Alain Giguère. Résumé de la dernière session parlementaire à Ottawa en un chiffre et huit mots.

55 %

Ce sont les intentions de vote pour les libéraux fédéraux en décembre, comparativement à 60 % en novembre, selon un sondage CROP-La Presse. Le taux de satisfaction à l’égard du gouvernement Trudeau est passé de 70 à 63 %. Le président de CROP, Alain Giguère, attribue cette baisse au projet de loi C-29, qui aurait soustrait les banques à l’application de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) du Québec. M. Giguère rappelle que les chiffres des libéraux au Québec « restent extrêmement élevés ». « À un moment donné, l’exercice du pouvoir va l’atteindre un peu. [M. Trudeau] est encore chanceux que sa lune de miel ait duré si longtemps », dit-il. Les libéraux ont obtenu 35,7 % des votes au Québec aux élections d’octobre 2015 et avaient 56 % des intentions de vote en décembre 2015. Ce mois-ci, les libéraux sont premiers à 55 %, devant les néo-démocrates (16 %), le Bloc québécois (13 %), les conservateurs (11 %) et les verts (5 %). Le sondage a été réalisé en ligne auprès de 1000 personnes du 7 au 12 décembre.

Financement

Le premier ministre Justin Trudeau ainsi que plusieurs de ses ministres ont participé à des activités de financement à 1500 $ par donateur, tenues parfois dans la résidence privée d’un donateur. À première vue, ces activités – révélées par le Globe and Mail – contreviennent aux règles édictées par le bureau du premier ministre Trudeau qui interdisent un « accès privilégié » aux donateurs. Le gouvernement Trudeau dit avoir respecté les lois électorales canadiennes, mais le premier ministre a admis lundi dernier que les donateurs lui parlaient de politique dans ces activités. « J’écoute les gens dans n’importe quelle situation, mais nos décisions sont basées sur ce qui est bon pour les Canadiens et non sur ce qu’un donateur peut dire », a dit M. Trudeau.

Banques

Le gouvernement Trudeau a provoqué un tollé au Québec au cours des dernières semaines en tentant d’adopter une loi fédérale qui aurait soustrait les banques de l’application de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) du Québec. La LPC aurait été remplacée par des nouvelles mesures fédérales moins contraignantes pour les banques. Après avoir défendu C-29 durant des semaines, le gouvernement Trudeau a retiré cette partie du projet de loi tout juste avant le vote final du Sénat. « J’ai entendu les préoccupations des Québécois », dit le ministre des Finances Bill Morneau. Des sénateurs québécois opposés au projet étaient convaincus de gagner ce vote.

Climat

Le gouvernement Trudeau a choisi de garder les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre du gouvernement Harper : une baisse de 30 % des émissions sous les niveaux de 2005 d’ici 2030. Sans « plan précis », les « cibles de Harper étaient de fausses cibles », a dit la ministre fédérale de l’Environnement Catherine McKenna. Les libéraux ont annoncé l’imposition d’une taxe sur le carbone à travers le pays d’ici 2018. Le Québec pourra conserver sa Bourse sur le carbone.

Réforme électorale

Après avoir promis en campagne de changer le mode de scrutin, Justin Trudeau a déclaré en octobre au Devoir que « la motivation de vouloir changer le système électoral est moins percutante » depuis qu’il était au pouvoir, car les gens sont « plus satisfaits ». En décembre, les députés libéraux ont inscrit leur dissidence alors que tous les autres députés d’un comité parlementaire sont arrivés à la même conclusion : tout changement au mode de scrutin devra être avalisé par référendum (le choix serait entre le système actuel et un nouveau système avec une forme de proportionnelle). La ministre des Institutions démocratiques Maryam Monsef a critiqué le travail du comité avant de s’excuser le lendemain.

Oléoducs

Fin novembre, le gouvernement Trudeau a approuvé le projet d’oléoduc Trans Mountain de Kinder Morgan et le remplacement de la Ligne 3 d’Enbridge dans l’ouest du pays, deux projets qui permettront à terme de transporter 960 000 barils de pétrole de plus par jour. Il a aussi rejeté le projet Northern Gateway pour des raisons environnementales. Les libéraux ont essuyé plusieurs critiques pour avoir approuvé Trans Mountain, dont celles de leur propre députée de Vancouver Hedy Fry.

Castro

« Leader remarquable ». « Leader plus grand que nature ». « Révolutionnaire et orateur légendaire. » « Figure controversée ». La première réaction de Justin Trudeau à la mort de l’ex-leader cubain Fidel Castro a été fortement critiquée par les conservateurs, qui lui ont reproché de passer sous silence le fait que Fidel Castro était un dictateur. Questionné en conférence de presse, Justin Trudeau a précisé qu’il croyait que Fidel Castro était un dictateur. Le premier ministre n’a pas assisté aux funérailles à Cuba de M. Castro, un ami de son père Pierre Elliott Trudeau.

Trump

Malgré ses atomes crochus avec l’administration Obama, Justin Trudeau a fait bien attention de ne pas afficher sa préférence dans la campagne présidentielle américaine, remportée par le républicain Donald Trump. M. Trudeau a d’ailleurs invité M. Trump à venir faire une visite officielle au Canada « à la première occasion ». « Notre amitié se développe dans toutes les situations que nous rencontrons », a dit Justin Trudeau à propos des relations canado-américaines. Les dossiers litigieux ne manqueront pas puisque M. Trump veut renégocier l’ALÉNA et que le dossier du bois d’œuvre n’est pas réglé.

Libre-échange

Après des négociations ardues avec les Wallons, l’Europe et le Canada ont signé à la fin octobre l’accord de libre-échange Canada-Europe, qui éliminera 98 % des tarifs douaniers. Le Canada et l’Europe sont actuellement à ratifier l’accord. En septembre, Justin Trudeau a aussi fait un voyage remarqué en Chine, où le Canada a annoncé des ententes entre entreprises pour 1,2 milliard et où M. Trudeau a discuté des droits de la personne avec son homologue chinois Li Keqiang.

Les réactions de l’opposition

« La réalité rattrape les libéraux, ils ont complètement perdu le contrôle des dépenses publiques, ils sont obnubilés par leur financement politique avec des grands donateurs triés sur le volet. Ce n’est pas la façon de faire. Et quand le ministre des Finances n’est pas capable de dire quand il va revenir à l’équilibre budgétaire, c’est inquiétant. »

— Gérard Deltell, député du Parti conservateur du Canada

« Je crois, et je l’entends de plus en plus, qu’il y a beaucoup de Canadiens qui ont cru à une promesse de vrai changement et qui, dossier après dossier, commencent à constater que ce réel changement promis par les libéraux n’est pas au rendez-vous. Les gens se sentent trahis, floués par ces promesses qui s’avèrent vides de sens. »

— Thomas Mulcair, chef du Nouveau Parti démocratique

« Les gens commencent à réaliser que ce gouvernement ne satisfait pas les attentes qu’il a suscitées en campagne, ils sont déçus. Le vernis autour de l’image de M. Trudeau commence à perdre un peu de son lustre. Muskrat Falls, Bombardier qui attend des investissements, les transferts en santé, on est déçus même si on ne s’attendait pas à des miracles. »

— Rhéal Fortin, chef intérimaire du Bloc québécois

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