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Québec interdit la vente de desserts au cannabis

Les citoyens pourront toutefois en cuisiner.

QUÉBEC — Les space cakes et un vaste éventail de produits comestibles contenant du cannabis seront interdits au Québec, a annoncé le gouvernement Legault, hier. Une décision qui a été accueillie avec déception par l’industrie, qui lui reproche de laisser ce marché d’une « centaine de millions » entre les mains du crime organisé.

Le ministre délégué à la Santé, Lionel Carmant, a présenté un projet de règlement qui confirme son intention d’imposer des balises strictes à la vente de produits alimentaires à base de cannabis. En entrevue, il a affirmé que son objectif premier était de protéger les enfants des risques d’intoxication.

« Depuis la légalisation du cannabis, ceux qui ont payé le plus, ce sont les enfants », a-t-il résumé.

L’Hôpital de Montréal pour enfants et Sainte-Justine ont en effet rapporté une hausse marquée du nombre d’intoxications au cannabis au cours des derniers mois. Un bilan qui inquiète M. Carmant, qui craint que l’arrivée sur le marché des produits comestibles n’empire la situation.

La vente de fleurs et d’huiles de cannabis est légale depuis neuf mois au Canada. Les produits dérivés comme les friandises, boissons et crèmes pour la peau restent illégaux jusqu’en octobre. Ottawa s’attend à ce qu’ils apparaissent graduellement sur le marché d’ici la fin de l’année.

Le gouvernement de François Legault n’a jamais caché son opposition à la légalisation de la substance. Il avait promis d’imposer des balises plus strictes que le fédéral pour encadrer le nouveau marché du cannabis comestible.

« On trouvait que la loi fédérale n’allait pas assez loin dans ce sens », a convenu M. Carmant.

Protéger les enfants

Si le règlement est adopté tel quel, la vente de tout produit susceptible de plaire aux enfants sera interdite. Il vise précisément les friandises, les confiseries, les desserts et les chocolats.

Cela veut dire que les gâteaux, biscuits et autres pâtisseries, communément appelés space cakes, ne seront pas offerts à la Société québécoise du cannabis (SQDC). De plus, un extrait de cannabis comme une huile ne pourra contenir aucun additif pour en modifier l’odeur ou pour lui donner un goût différent.

Le cannabis à usage topique, comme les crèmes, restera lui aussi proscrit.

Les citoyens pourront cuisiner eux-mêmes des aliments avec du cannabis. Mais il sera interdit pour des entreprises d’en vendre. Par exemple, un restaurant ne pourra proposer un plat contenant la substance sur sa carte.

L’annonce d’hier a été accueillie avec déception par l’Association québécoise de l’industrie du cannabis (AQIC). Le président de son conseil, Michel Timperio, estime que le marché du cannabis comestible pourrait valoir « une centaine de millions » au Québec. Par son projet de règlement, le gouvernement Legault fait cadeau de ce lucratif marché au crime organisé, a dénoncé M. Timperio.

« Avec ce qui arrive aujourd’hui, le crime organisé se frotte les mains et il salive. »

— Michel Timperio, président du conseil de l’Association québécoise de l’industrie du cannabis

Il reproche aussi au gouvernement de la Coalition avenir Québec d’ignorer les retombées économiques de la légalisation, alors qu’il a pourtant promis de créer des « emplois payants » dans la province.

« On vient de créer une industrie qui est en voie de devenir une industrie mondiale, a dit M. Timperio. Tout a débuté au Canada. Il y a des milliers d’emplois qui sont créés. De limiter les acteurs québécois qui ont investi beaucoup d’argent dans le secteur, c’est une incitation à aller investir ailleurs. »

« Un enjeu de santé publique »

Il cite en exemple le cas d’Alimentation Couche-Tard, géant des dépanneurs, qui vient d’investir dans la société albertaine Fire & Flower Holdings pour développer la vente de cannabis.

« Interdire ou restreindre les accès, ça n’empêchera pas la consommation à la base. Et la consommation à l’extérieur du marché licite, elle est risquée parce qu’on ne sait pas ce qu’on consomme », a renchéri Christian Bazinet, du Conseil québécois du cannabis comestible.

Ces critiques n’ont toutefois pas ébranlé le ministre Carmant.

« Le message est clair de mon côté et du côté du premier ministre. Les aspects économiques n’ont pas de rapport. La loi sur le cannabis est vraiment un enjeu de santé publique et c’est pour ça que c’est moi qui m’occupe de ce dossier. »

— Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé

Le chercheur Jean-Sébastien Fallu, professeur à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal, dénonce pour sa part le caractère « paternaliste » du règlement.

En fait, dit-il, Québec risque de nuire à son objectif de protéger la santé de la population.

« C’est sûr qu’il va peut-être y avoir un peu moins de consommation de ces produits s’ils ne sont pas vendus dans les SQDC, a-t-il convenu. Mais qu’est-ce qui va arriver ? Les gens vont s’en fabriquer avec des dosages aléatoires, les gens vont s’en acheter ailleurs au Canada et se les faire livrer par la poste. »

Le projet de règlement fera l’objet d’une consultation dans les prochaines semaines. Québec souhaite son entrée en vigueur en octobre.

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