Opinion : Énergie

Trois raisons de ne pas s’opposer aux pipelines

Avec le feu vert provisoire donné par Trump au projet Keystone XL de TransCanada, les pipelines reviennent dans l’actualité. Rappelons quelques faits : l’Ouest canadien (surtout l’Alberta, mais aussi la Saskatchewan) produit environ 4 millions de barils de pétrole par jour, dont 3 millions sont issus des sables bitumineux. Le reste est du pétrole conventionnel, mais cette production est en déclin, comme c’est le cas à peu près partout dans le monde.

Des 4 millions de barils produits quotidiennement, 2 millions sont exportés vers les États-Unis, à travers différents pipelines existants. Le réseau actuel est aujourd’hui utilisé quasi à son maximum, mais la production de pétrole dans l’Ouest devrait augmenter de 1,5 million de barils par jour d’ici 2030 – malgré les bas prix du pétrole qu’on a connus ces dernières années.

C’est donc non seulement pour permettre à cette production de sortir de l’Alberta que des projets de pipelines sont mis de l’avant, mais aussi pour permettre aux producteurs d’avoir plus de choix de destinations dans leurs négociations avec des acheteurs.

Sans cette flexibilité, les producteurs sont en position de faiblesse face aux raffineurs qui achètent leur production et doivent accorder de plus bas prix.

Un projet à l’ouest est approuvé (Trans Mountain, presque 600 000 barils/jour), Keystone XL redevient possible (830 000 barils/jour) et Énergie Est va être étudié (1,1 million de barils/jour). Trois projets qui dépasseraient largement les besoins actuels de l’industrie, mais qui lui donneraient une marge de manœuvre qu’elle n’a pas connue depuis des années.

Indépendamment des risques liés aux pipelines et des problèmes que pose l’exploitation des sables bitumineux, il y a trois raisons pour lesquelles on ne devrait pas s’opposer à ces projets.

Les pipelines sont des symptômes, pas des causes. Si ces projets de pipelines existent, c’est parce que la demande de pétrole augmente, et qu’on prévoit qu’elle augmentera encore dans les années à venir. Pipelines ou pas, cette demande est en croissance. Sans pipeline, le pétrole sera produit ailleurs (Venezuela, Brésil, Algérie…) et transporté par bateau. On aura déplacé les problèmes environnementaux ailleurs, dans des pays qui ont des normes sociales et environnementales moins rigoureuses que celles du Canada.

Ces projets sont symboliques pour l’Ouest canadien : s’y opposer accentue le fossé qui nous sépare et rend les possibilités de collaboration plus difficiles. Le monde a-t-il besoin de plus d’affrontements, de confrontations et de refus catégoriques ? Quand il s’agit de lutte contre les symptômes, le rejet ne mène pas à grand-chose. En acceptant la notion d’un pipeline, on peut commencer à discuter et construire ensemble.

Enfin, le cœur du problème environnemental du pétrole se trouve dans sa consommation.

Chaque baril de pétrole consommé va émettre plus de 400 kg de gaz à effet de serre (GES) lors de sa combustion (dans nos voitures et camions). Environ 100 kg de GES sont émis lors du raffinage. Pour sa production, les GES sont entre 60 kg (pétrole conventionnel) et 80 kg (sables bitumineux). Refuser les sables bitumineux, c’est donc faire passer les GES par baril de 580 kg à 560 kg… si on arrive à trouver du pétrole conventionnel. Il y en a cependant de moins en moins. Les autres types de pétrole (de schiste ou extra-lourd) ressemblent beaucoup aux sables bitumineux. Où nos énergies devraient-elles aller ? Éliminer un baril de pétrole de consommation (et éviter 560 kg de GES) ou éliminer la production albertaine (et éviter au mieux 20 kg de GES) ?

Alors que nous, au Québec, nous achetons des camions légers dans des quantités records et que les ventes d’essence ont bondi d’environ 10 % en 2016, ce serait faire preuve d’une très grande incohérence de nous opposer à des projets de pipeline, quand nous achetons comme jamais le produit transporté.

Une stratégie gagnante serait de commencer à s’occuper de notre consommation, de consolider nos liens avec nos voisins et partenaires commerciaux… pour parler des causes et non des symptômes.

Ne nous opposons pas aux pipelines. S’ils sont vides dans quelques années, quel est le danger ?

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