rivière rouge

La vente d’un terrain d’Hydro met en péril l’industrie du rafting

GRENVILLE-SUR-LA-ROUGE — Les plus importantes entreprises de rafting du Québec et plusieurs militants environnementaux sonnent l’alarme : sans une intervention in extremis de la part du gouvernement de François Legault, l’industrie du rafting et l’accès public à la rivière Rouge pourraient cesser dès la fin de l’été.

« Plus de 20 000 personnes par année viennent faire du rafting et profiter de la beauté exceptionnelle de la rivière Rouge, un joyau unique en Amérique du Nord, signale Nicolas Achim, propriétaire de Propulsion Rafting, en activité depuis 37 ans sur la Rouge. En une signature, Hydro-Québec est sur le point de mettre fin à tout ça. »

Devant l’urgence, la Fondation Rivières ainsi que le chanteur Paul Piché s’adressent directement au président d’Hydro-Québec, Éric Martel, pour lui demander de stopper la mise en vente des terrains bordant la rivière Rouge dans une lettre ouverte qu’ils terminaient hier soir.

« Il faut protéger les rives, il faut protéger cet endroit d’exception situé à une heure de Montréal », explique Alain Saladzius, cofondateur et président de la Fondation Rivières.

« C’est à peu près le seul endroit où les Montréalais peuvent faire du rafting, c’est un endroit unique qui doit rester à l’état naturel. »

— Alain Saladzius

Annoncée en février aux propriétaires d’entreprises de rafting, la décision de mettre en vente le corridor de la rivière Rouge à des intérêts privés ferait perdre l’accès aux sentiers de portage et de sortie le long du cours d’eau – sentiers que les entrepreneurs ont aménagés au coût de plusieurs dizaines de milliers de dollars, et pour lesquels ils paient depuis des décennies un loyer annuel à la société d’État.

Gilles Talbot, propriétaire et coprésident de Rafting Nouveau Monde, n’en revient pas. « Le terrain vaut 2,5 millions de dollars, et Hydro dit que sa valeur diminuerait de 10 % si on incluait nos droits de passage. Donc, pour récupérer 250 000 $, Hydro-Québec va sacrifier l’industrie du rafting et du kayak qui génère plus de 130 emplois et qui évolue depuis bientôt quatre décennies sur une rivière mondialement reconnue pour sa beauté sauvage. Ça n’a aucun sens ! »

Trois ans de démarches

Sophie Lamoureux, conseillère relations avec le milieu chez Hydro-Québec, note que cela fait trois ans que la société d’État est en pourparlers avec la MRC et la municipalité de Grenville-sur-la-Rouge concernant un possible achat des terrains.

« On partage les mêmes valeurs, dit-elle. On souhaite que ce soit le milieu qui puisse se porter garant de ces terrains et de maintenir la vocation publique. On leur a même fait une offre qui était plus basse que la valeur marchande. Malheureusement, on n’a pas réussi à se rejoindre. »

Quant à la possibilité pour Hydro-Québec de vendre les terrains en y intégrant les baux conclus avec les entreprises de rafting, Mme Lamoureux note que ce n’est pas ce que le marché souhaite.

« Les investisseurs intéressés [par ces terrains] veulent avoir la possibilité de les acquérir sans contrainte de droits permanents. Ça fait partie des demandes. »

— Sophie Lamoureux, conseillère relations avec le milieu chez Hydro-Québec

Mme Lamoureux ajoute que la vocation récréotouristique des lieux est exigée par la MRC et doit être respectée par un futur acquéreur.

Elle note qu’Hydro-Québec ne cherche pas à « léser » les entreprises de rafting de la rivière Rouge, même si elle reconnaît que la vente des terrains appartenant à la société d’État va nuire à cette industrie.

« Je crois qu’il faut voir plus loin que ça. Il faut voir la possibilité encore plus grande de développer ces terrains-là, et de générer encore plus de retombées pour le milieu », dit-elle.

Le premier ministre interpellé

Dans une lettre envoyée au premier ministre François Legault, le préfet de la municipalité régionale de comté (MRC) d’Argenteuil, Scott Pearce, et le maire de Grenville-sur-la-Rouge, Thomas Arnold, demandent quant à eux à l’État québécois, « en tant qu’unique actionnaire d’Hydro-Québec, de faire cesser immédiatement ce processus de vente ».

Ils notent que la vente du corridor de la rivière Rouge va à l’encontre des valeurs de la société d’État, notamment à l’action numéro 8 de son Plan d’action en développement durable 2015-2020 : « poursuivre les mesures visant à prendre en compte et à protéger la biodiversité et les services écosystémiques ».

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