Éditorial : Étudiants étrangers

Pourquoi nous quittent-ils ?

Chaque année, le Québec va chercher ses immigrants aux quatre coins du monde, en faisant des efforts pour privilégier les mieux qualifiés, les plus susceptibles de s’intégrer, de parler français, de trouver un emploi.

Et pourtant, il a sous la main, ici même, un grand nombre d’immigrants potentiels ayant déjà toutes ces qualités… et il les laisse filer ! C’est insensé !

L’étude dévoilée mercredi par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain sur la contribution des universités à l'économie nous rappelle que les étudiants étrangers convergent en effet en très grand nombre au Québec, principalement à Montréal où ils représentent pas moins de 15 % de la population estudiantine. Un taux, mine de rien, qui avoisine celui des grands pays reconnus pour leurs universités, et qui dépasse même ceux de la France et des États-Unis !

Manifestement, la métropole attire les étudiants étrangers, mais elle peine à les retenir. Hélas.

À peine un étudiant étranger sur cinq, selon Montréal International, pose sa valise pour de bon. C’est trop peu. On parle tout de même d’étudiants qualifiés, dont bon nombre parlent français, ayant déjà amorcé leur intégration à la société québécoise.

Des étudiants qui, selon les sondages, veulent rester ici en bonne partie… mais qui se résignent à quitter la métropole.

Qu’est-ce qui provoque cet exode des cerveaux étrangers ?

Il y a la langue pour certains d’entre eux, qui étudient en anglais. Mais il y a surtout, pour tous les autres, la lourdeur du processus d’immigration et la difficulté de trouver un emploi, deux obstacles qui n’ont pas lieu d’être.

Les gouvernements ont ainsi un rôle à jouer, et ils le savent. Québec et Ottawa ont commencé à déployer des mesures pour faciliter l’accueil permanent des étudiants étrangers. Montréal International le fait aussi à sa manière, grâce à des initiatives comme Je choisis Montréal, dévoilée ces derniers jours. Et la Chambre de commerce de Montréal fait sa part, elle aussi, en sensibilisant les autorités, les décideurs, ses membres.

Nouvel objectif commun, fixé cette semaine : retenir 10 000 étudiants étrangers par année d’ici 2019. Ambitieux !

Mais pour y arriver, il faudra tirer l’oreille d’un acteur qui manque à la table : Québec inc. Les entreprises des secteurs plus traditionnels sont en effet encore frileuses à ouvrir leurs portes aux étudiants étrangers, leur préférant trop souvent des étudiants « locaux ».

Cela n’est pas imputable au manque d’ouverture à la diversité qui empêche les chercheurs d’emploi aux noms « exotiques » de se tailler une place sur le marché du travail. Le problème, cette fois, est ailleurs : les entreprises voient souvent les stagiaires québécois comme un « meilleur investissement », étant donné qu’ils sont plus susceptibles de rester au Québec. Les étudiants d’ailleurs sont perçus comme un « gaspillage », puisqu’une fois formés, ils risquent de s’envoler.

Mais ce faisant, les entreprises alimentent un cercle vicieux : les étudiants étrangers ne trouvent pas de « bons » stages, ils ont ainsi plus de difficulté à trouver un « bon » emploi, et ils quittent donc la métropole une fois leur diplôme en poche.

Or cet apport extérieur est trop précieux pour Montréal pour qu’on l’abandonne sur la voie de garage. Il est trop important pour le Québec, pour trop de raisons, pour qu’on ne fasse pas tous les efforts pour le retenir.

On devrait collectivement dérouler le tapis rouge aux étudiants étrangers plutôt que de le leur tirer sous les pieds.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.