À ma manière
Bicycles Quilicot se branche
La Presse
« Des vélos électriques, on en vendait deux par année, et en forçant. »
Marc-André Lebeau, propriétaire de Bicycles Quilicot, caricature à peine.
Ses trois magasins de Montréal, Laval et Sainte-Thérèse vendaient des milliers de vélos non assistés, et jusqu’en décembre dernier, l’homme de 38 ans n’avait aucune intention d’acquérir un magasin spécialisé en vélos électriques.
Mais au de Noël 2015, son directeur des finances lui a signalé une annonce sur acquizition.biz : Vélo Branché cherchait un acquéreur.
« Le lendemain, je lui dis : j’ai un très bon feeling, il faut aller voir. »
Or, dans le commerce de vélos, la saison commence traditionnellement le 1mars.
« On était à 90 jours avant le rush. On s’est un peu précipités dans le projet. »
La première rencontre avec les deux propriétaires a lieu quelques jours avant Noël, dans leur magasin de l’avenue Papineau, coin Gilford.
« On a été reçus avec un café, assis au bar. »
Car une partie non négligeable du magasin est occupée par un vaste comptoir en U, où l’on déguste un café espresso préparé sur place. C’est une surprise : « On ne met pas un espace-bar de 150 pidans nos magasins ! »
L’accueil est sympathique, le courant passe, et l’information circule sans résistance.
« Il y avait quelque chose de très… friendly. On est sortis avec un très bon sentiment. »
Début janvier, Marc-André Lebeau dépose une offre, qui sera acceptée quelques jours plus tard.
« Les anciens propriétaires, Jean Pruneau et François Morissette, ont accepté tous les deux de rester à temps partiel, pour assurer le transfert des savoirs. »
Justement, François Morissette est sur place : sous nos yeux, il traverse le magasin à vive allure, juché sur un vélo électrique, pour en faire la démonstration à un client d’un certain âge.
« Ce n’est pas la même clientèle que les magasins de vélos. Chez eux, c’est nerveux. Chez nous, les gens ne sont pas pressés. »
— François Morissette, ex-copropriétaire de Vélo Branché
Tout le contraire de Marc-André Lebeau. L’entente est signée au début de février, trois semaines avant le début de la saison. L’ancien coureur cycliste, « plutôt spécialisé en contre-la-montre », est encore une fois aux prises avec le temps.
Le système informatique de Vélo Branché est remplacé par celui de Quilicot. Son site web est reconstruit. Pour appuyer l’unique employé de la boutique, il faut recruter dans les magasins Quilicot.
Lebeau extrait du magasin « tout ce qui n’est pas électrique » et ajoute de nouvelles marques.
L’éclairage et la peinture du magasin sont refaits. Un espace pour des vêtements de cyclistes est aménagé dans le bureau des anciens propriétaires.
Dans l’atelier de réparation, remis à neuf, une large porte coulissante automatique vitrée a été installée pour faciliter l’entrée et la sortie des vélos.
Mais Lebeau a bien saisi la culture de l’endroit : il a conservé le bar.
« Le plus gros défi, ç’a été le branding de la boutique, confie-t-il. C’est ce qui m’a donné le plus de maux de tête. »
Quel nom donner au commerce ? « On achetait le nom Vélo Branché, alors on ne voulait pas le perdre. »
Bicycles Quilicot branché, peut-être ? « Les gens disaient : tu ne peux pas avoir une double identité sur ta bâtisse. Et Bicycles Quilicot branché, ça veut dire quoi ? »
Il fallait se brancher. Lebeau tranche. Ce sera Vélo branché par Quilicot – « une dure décision, qui s’est prise d’instinct ».
À fond de train, l’agence Tapage conçoit un nouveau logo. Tout aussi rapidement, une enseigne est commandée et installée.
Le 4 mars, tout est prêt.
Pour mieux connaître sa clientèle, Lebeau a passé une partie du mois de mars dans le magasin. Il y a rapidement constaté un besoin : « On est allés acheter un camion de livraison, il y a deux semaines, narre-t-il. On a livré jusqu’à Yamachiche, déjà. »
Heureusement, les finances de l’entreprise sont bien en selle.
« On est une machine bien huilée et on a pu mettre en place beaucoup de choses pour optimiser le magasin. »
— Marc-André Lebeau
Cette machine, il l’a achetée à 27 ans, alors qu’elle était nettement moins lubrifiée, avec peu d’expérience et moins d’argent encore.
« J’ai vraiment appris sur le tas », confie-t-il.
En 2005, il avait lu que Bicycles Quilicot allait fermer. Diplômé du secondaire et gérant d’un magasin Sports Experts, il brûlait de s’échapper du peloton et de devenir entrepreneur.
Il rencontre le propriétaire de Quilicot, puis consulte un oncle commerçant. « Il me dit : tu as quoi à perdre ? »
Avec lui, il retourne jeter un coup d’œil au magasin, où les deux commerçants de 60 ans discutent métier, devant le jeune homme ébahi.
« On sort de là, on va dîner, et mon oncle m’amène à la BDC, à Laval », poursuit-il, ému. L’oncle y défend le projet comme si c’était le sien – mieux, peut-être.
Résultat : « Ils m’ont prêté mon premier 100 000 $. »
Marc-André achètera le magasin en novembre 2005 et ajoutera deux succursales en 2007 et 2012.
Pendant quatre ans, son oncle restera son mentor. « À un moment, il m’a dit : je deviens une béquille, tu n’as plus besoin de moi. »
Bicycles Quilicot compte maintenant 66 employés, pour lesquels Marc-André Lebeau a instauré des régimes collectifs d’assurance et de REER. Il tient le guidon de l’entreprise d’une… de deux mains assurées, avec sa conjointe Evelyne Forget, qui est montée en tandem avec lui.
« Un mentor, ça ne te dit pas quoi faire, exprimera-t-il. Ça t’ouvre des horizons dans ton inconscient. »
Chine : 42,4 millions de vélos
Europe de l’Ouest : 1,5 million
Amérique du Nord : 340 000
Reste du monde : 3,36 millions
Source : Statista
En moyenne : environ 2500 $
Gamme populaire : entre 2000 et 3500 $
Modèles d’exception : plus de 5000 $
Source : Vélo branché par Quilicot