Un produit amaigrissant dénoncé
« Mangez et perdez tout votre excès de poids, graisse et cellulite grâce au tout nouveau traitement à base d’algues varech unique au monde ! » Voilà ce qui était écrit sur une enveloppe reçue à la fin de l’été, à Laval, par une connaissance d’Yves Jalbert, de l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ).
À l’intérieur, une brochure explique qu’AlgoSlim, des Laboratoires Therascience, fait perdre « au moins 10 kilos en 10 jours sans régime, en mangeant à volonté et pour toujours ! ».
« Il n’y a pas une étude scientifique qui démontre qu’un produit de santé naturel permette ça, tranche M. Jalbert, qui est détenteur d’un doctorat en santé communautaire de l’Université de Montréal. C’est impossible. » Le prix de ce produit prétendument amaigrissant ? Deux bouteilles de 60 gélules sont vendues par la poste ou par téléphone 49 $, plus 7,95 $ de frais d’envoi.
Dans sa publicité, AlgoSlim multiplie les allégations étonnantes. Ce produit « agit 24 heures sur 24 sur l’hypothalamus, la glande qui contrôle la faim », il « accroît en permanence l’énergie que vous brûlez » et il « réduit votre taux de glycémie de 47 % », prétend l’entreprise E Sélection, à qui il faut envoyer le bon de commande. Aucune étude scientifique n’est citée pour appuyer ces propos.
Le témoignage de Kelly T., qui aurait perdu 40 kg en 40 jours, est à l’avenant. « En deux mois, j’étais devenue un canon et les copines étaient toutes jalouses de moi, l’hippopotame, qui emballait les beaux mecs », confie prétendument la dame.
Santé Canada a reçu une plainte concernant AlgoSlim et en a obtenu un échantillon, indique Maryse Durette, conseillère principale en relations avec les médias du ministère. Mauvaise surprise : sous l’étiquette d’AlgoSlim se trouvait une autre étiquette, du produit amaigrissant Slite-T. Santé Canada a fait analyser les gélules, ce qui a permis de confirmer qu’il s’agit effectivement de Slite-T, provenant d’un lot périmé depuis… juin 2012.
Le 3 août, Santé Canada a publié un avis sur son site internet recommandant « aux consommateurs de ne pas utiliser AlgoSlim, un produit amaigrissant non homologué distribué par la poste par E Sélection ». Le produit, qui est en réalité du Slite-T, contient des ingrédients qui ne figurent pas sur l’étiquette d’AlgoSlim ( et ). Les femmes enceintes ou qui allaitent ainsi que les personnes ayant une carence en fer ou souffrant de troubles du foie doivent consulter un professionnel de la santé avant de l’utiliser, ce qui n’est pas précisé.
« Ça a juste été diffusé sur le site de Santé Canada, ce n’est pas assez. Nous demandons à Santé Canada d’arrêter d’homologuer des produits amaigrissants, alors que les études scientifiques disent que les produits de santé naturelle associés à la perte de poids n’ont aucune efficacité. »
— Yves Jalbert, spécialiste de contenu à l’Association pour la santé publique du Québec
Or, le Slite-T est homologué par Santé Canada. « Ce qu’ils regardent, c’est l’innocuité, pas l’efficacité des produits », dénonce M. Jalbert.
Plusieurs tombent dans le panneau et maigrissent du portefeuille : au Canada, l’industrie de l’amaigrissement représentait un marché de 6 milliards de dollars américains en 2014, selon l’ASPQ.
Une recherche au registre des entreprises du Québec permet d’apprendre qu’E Sélection, dont le secteur d’activité est la livraison de colis et la vente directe, est administrée par Frédéric Berne. Son adresse, à Sainte-Thérèse, est celle des Mini-entrepôts Rive-Nord.
Est-ce que Santé Canada a sévi contre E Sélection, après avoir constaté que l’entreprise vendait sous une fausse étiquette un produit périmé ? Vendredi, Santé Canada n’avait pas encore répondu à cette question posée mercredi dernier par . Chose certaine, AlgoSlim « n’est plus disponible », précise une voix enregistrée entendue jeudi en téléphonant au numéro donné dans la publicité. Personne chez E Sélection n’a rappelé .
Santé Canada est en train de revoir son approche « à l’égard de la réglementation des produits d’autosoins », qui incluent les produits de santé naturels comme Slite-T. Au terme de cette révision, M. Jalbert craint que le Ministère ne « soit encore moins exigeant » lors de l’homologation de ces produits, malgré l’absence de preuves scientifiques sur leur efficacité.