Spiritueux

Banc d’essai

La Presse a décidé de soumettre les gins produits ici à des papilles aguerries, qui ont goûté des gins de toutes les nationalités. Philip Duff et Nico de Soto ont accepté de se prêter au jeu.

Le directeur de la formation du festival Tales of the Cocktail à La Nouvelle-Orléans, Philip Duff, et le chef de bar et copropriétaire de Mace (New York) et de Danico (bientôt à Paris), Nico de Soto, étaient de passage à Montréal dans le cadre d’Invasion Cocktail. À titre de membre de la Gin Guild, M. Duff s’y connaît en matière d’alcool aromatisé à la baie de genièvre. L’année dernière, toujours à Invasion Cocktail, le conférencier à la langue bien pendue ne s’était pas gêné pour dire qu’il avait goûté des gins (artisanaux) si mauvais, ces dernières années, qu’il avait parfois eu peur de s’empoisonner au méthanol !

Barman transatlantique, M. de Soto a pour sa part concocté son lot de cocktails à base de gin. Il ne se proclame pas spécialiste de ce spiritueux, mais si on se fie à la carte de Mace, on devine qu’il a un palais bien raffiné.

Les deux hommes n’ont pas eu à se faire prier pour venir découvrir huit nouveaux produits. La dégustation s’est déroulée à l’aveugle. Le nez plongé dans leurs verres, nos deux juges réagissaient peu et prenaient des notes.

« Il y a tant de gins sur le marché, aujourd’hui, que tout le monde essaie de se différencier », lance finalement Philip Duff. « Ce gin est aromatisé au requin fermenté ! », aime-t-il répéter, à la blague. L’homme aux goûts plutôt classiques aimerait bien voir de petites distilleries faire compétition aux Tanqueray et aux Beefeater de ce monde, plutôt que d’essayer de réinventer la roue.

On devine donc qu’il a une préférence pour les dry gins plus traditionnels, comme Ungava et Madison Park. L’Ungava, du Domaine Pinnacle, malgré sa couleur jaune fluo et ses herbes indigènes québécoises, n’a rien de choquant au goût. M. Duff estime aussi que le côté familier et l’emballage universel du gin de la Distillerie 1769 (Madison Park) lui confèrent un beau potentiel commercial au-delà des frontières du Québec.

Les deux juges se sont montrés un peu mystifiés par Romeo’s Gin et le gin Piger Henricus. Pour le premier, Duff l’Irlandais a noté « fish ? ». Lorsqu’on lui parle d’aneth et de concombre, eurêka, il fait le lien ! Quant au gin des Subversifs, l’apparition de la bouteille, avec son illustration de panais, a généré un grand « Ahhhhhhh ! ».

Nico de Soto n’hésite pas à nommer ses préférés. Le côté salin et puissant du gin St. Laurent, distillé à Rimouski, lui plaît beaucoup. Et que dire de la magnifique bouteille ? Piger Henricus et Romeo’s Gin font également partie de son palmarès des trois « meilleurs ».

En regardant les bouteilles, une fois dévoilées, il aime bien le Gin de Neige, de la Face cachée de la pomme. « Si j’avais eu à choisir un gin québécois au magasin, j’aurais sans doute pris celui-là, avec la belle étiquette et l’histoire de la pomme, etc. » On achète aussi souvent avec les yeux.

Philip Duff nous rappelle que toutes ces distilleries artisanales ayant émergé en Amérique et ailleurs au cours des dernières années sont encore en train de faire leurs classes. « Mais j’ai goûté bien pire ! », conclut-il en riant.

Et nous de conclure que les gins québécois se classent tout à fait honorablement dans le grand palmarès mondial des alcools à base de genièvre.

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