Chronique

Les entrepreneurs québécois font la différence

Les entreprises québécoises inscrites à la Bourse de Toronto n’ont pas à rougir. Encore cette année, le rendement qu’elles enregistrent surpasse de façon générale celui de l’indice S&P/TSX, qui n’a pas particulièrement brillé cette année et qui émerge depuis un mois seulement d’une inquiétante torpeur.

En dépit de la léthargie boursière qui touche depuis deux ans le titre de Couche-Tard, les actions de la soixantaine d’entreprises québécoises qui forment l’indice Morningstar Québec Banque Nationale continuent de mieux progresser collectivement que ne le fait l’indice TSX. Une réalité que l’on observe de façon systématique depuis la création de cet indice, en 2012.

Au cours des six derniers mois, l’indice québécois a généré un rendement de près de 8 % contre seulement 1,9 % pour l’indice canadien. La performance des titres québécois a d’ailleurs permis de légèrement tonifier le TSX, qui en avait bien besoin.

Au-delà des facteurs cycliques qui sont souvent évoqués pour expliquer la meilleure tenue boursière des titres québécois par rapport à la moyenne canadienne, tels que leur non-exposition au secteur pétrolier et gazier, nos entreprises profitent de qualités qui leur sont propres et qui les distinguent.

C’est la conviction qu’a acquise Pierre Lussier, président de la division Actions québécoises chez Gestion de Placements Eterna, une conviction qu’il a documentée au fil de quelque 30 années passées dans le monde du placement.

« Quand ça va mal dans le marché canadien, on dit qu’on n’est pas exposé au pétrole. Mais en 2010, le baril était à 90 $US et les titres québécois ont quand même mieux fait que l’indice canadien », soulève-t-il pour rejeter cet argument, qu’il juge trop facile.

Chaque année, depuis 2010, le fonds Québec Eterna que gèrent Pierre Lussier et son associé Philippe Côté a systématiquement produit des rendements supérieurs à la médiane Morneau Shepell-actions canadiennes (qui mesure l’univers des gestionnaires d’actions canadiennes), générant une plus-value annuelle qui oscille entre 3,5 % et 12,7 %.

Depuis sept ans, son fonds d’actions québécoises se classe dans le premier quartile et obtient le même classement pour ses rendements sur un, deux, trois, quatre et cinq ans.

La recette québécoise

La recette de Pierre Lussier est simple. Il ne « trade » pas des actions, mais investit dans des entreprises, précise-t-il. Il le fait dans un horizon de 3 à 5 ans et réalise chaque année une rotation de 25 à 35 % de son portefeuille.

Fondamentaliste, il a établi avec son collègue Philippe Côté une liste de 36 critères qui l’aident à sélectionner les entreprises dans lesquelles il investira.

L’univers de Pierre Lussier est plus large que la soixantaine d’entreprises de l’indice Morningstar Québec Banque Nationale. Ce sont les 115 entreprises québécoises cotées en Bourse qui cumulent une valorisation de 400 milliards.

« Le premier critère, c’est la qualité des dirigeants et la vision qu’ils ont de leur entreprise. Ils doivent aimer ce qu’ils font et bien traiter leurs employés et collaborateurs », insiste Pierre Lussier.

« Et au Québec, on est choyés, on a une quantité d’entrepreneurs hors pair. »

— Pierre Lussier, président de la division Actions québécoises chez Gestion de Placements Eterna

Le gestionnaire s’emploie alors à me décliner une série de noms : Jean Gattuso, de Lassonde, Marc Parent, de CAE, George Schindler, de CGI, Richard Lord, de Richelieu, Brian McManus, de Stella-Jones, Gilles Labbé, de Héroux-Devtek… Il m’en cite une vingtaine.

Un autre critère de sélection qu’il juge important, c’est l’ouverture de l’entreprise sur les marchés étrangers. Là encore, Pierre Lussier m’énumère en rafale les pourcentages de revenus élevés que réalisent quantité de sociétés québécoises à l’étranger.

« BRP : 82 %, CAE : 91 %, CGI : 73 %, Couche-Tard : 87 %, Gildan : 95 %, Héroux : 86 %, MTY : 53 %, Savaria : 72 %, WSP Global : 81 %, me récite-t-il. Ce sont toutes des entreprises qui ont une vision et une ambition mondiales. »

Le fonds d’actions québécoises que gère Pierre Lussier compte une quarantaine de titres dont la valeur totalise 650 millions. L’avantage qu’il trouve à investir dans les entreprises québécoises, c’est qu’il échappe aux modes, aux « buzz » qui surgissent de temps à autre dans le monde du placement.

« Notre approche est celle du gros bon sens. C’est certain que présentement, le niveau d’optimisme dans le marché est élevé et qu’une mauvaise nouvelle pourrait déclencher une correction. Ce serait alors une bonne occasion pour nous de refaire le plein. On achète aux pessimistes et on vend aux optimistes », résume sagement le gestionnaire.

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