Le Canadien

Le rêve de Trevor Timmins

L’échange de Ryan McDonagh aux Rangers de New York en juin 2009 vous a secoués ? Imaginez alors pour l’homme qui l’a repêché au 12e rang en 2007, Trevor Timmins, qui ignorait tout des tractations de son patron Bob Gainey.

« J’ai appris au téléphone après les faits qu’on l’avait inclus dans la transaction pour obtenir Scott Gomez, a-t-il confié à La Presse cette semaine. J’ai été pris par surprise, comme si quelqu’un me donnait un coup de poing dans l’estomac... »

À 25 ans, McDonagh a été nommé capitaine des Rangers de New York à l’été. Le CH n’en a toujours pas. « Ça fait toujours mal de voir un joueur que tu as repêché au 12e rang être échangé, puis devenir capitaine de l’autre équipe, mentionne Timmins. Je croyais beaucoup en lui. Mais je comprends leur démarche. Ils voulaient solidifier la position de centre et ils ne croyaient pas que Ryan allait se développer comme il l’a fait. »

Le responsable du recrutement du Canadien depuis 2003 a longtemps été impopulaire à Montréal. Mais aujourd’hui, plusieurs de ses choix assurent au CH un présent et un avenir enviables. Qu’on pense à Carey Price, P.K. Subban, Max Pacioretty, Brendan Gallagher, Alex Galchenyuk, Alexei Emelin et quelques autres.

Le repêchage de 2007 demeure son plus haut fait d’armes puisqu’il a pu obtenir McDonagh au 12e rang, Pacioretty au 23e rang et Subban au 43e rang. « Il s’agit sans aucun doute de la meilleure cuvée, sans l’ombre d’un doute », affirme l’homme responsable du repêchage chez le Canadien depuis son embauche par le directeur général André Savard en 2003. « Quand tu obtiens deux défenseurs de calibre top 2 et un attaquant de puissance pouvant jouer sur un trio offensif, c’est une bonne récolte, surtout quand tu n’as aucun choix parmi les 10 premiers. »

Timmins avait pourtant été vertement critiqué cette année-là car il avait préféré deux joueurs américains en première ronde plutôt que les Québécois Angelo Esposito, David Perron et Kevin Veilleux. « Quelqu’un avait même créé une page Facebook dont le titre était "Fu... You Timmins" parce que nous avions ignoré Esposito », raconte le principal intéressé.

Deux ans plus tard, Timmins et son équipe a fait plaisir à la foule en repêchant le Québécois Louis Leblanc au 18e rang dans un Centre Bell en plein délire. Le Canadien avait-il vraiment le choix d’y aller pour le héros local du moment vu l’ambiance survoltée dans l’amphithéâtre le soir du repêchage ? 

« Notre choix aurait-il été différent si le repêchage avait eu lieu à Phoenix ? Difficile à dire. Mais nous aimions bien Louis Leblanc et nous croyions qu’il allait se développer un peu mieux. De façon unanime, il représentait le meilleur espoir québécois de son groupe d’âge depuis plusieurs années. Nous avions aussi suivi de près Chris Kreider (repêché par les Rangers au 19e rang) cette année-là. Mais il faut admettre que la pression de choisir un joueur du Québec était forte, pas juste de la part des fans, mais de toute l’organisation. Si nous avions opté à nouveau pour un Américain en première ronde, on aurait probablement dû nous sortir du Centre Bell dans des sacs de plastique [rires] ! »

« MON PLUS GRAND REGRET »

Des erreurs, Timmins en a commis, comme tous les recruteurs. Claude Giroux, troisième compteur de la LNH l’an dernier, lui fait encore faire des cauchemars. 

« C’est mon plus grand regret, évidemment, admet-il. En plus, mon cœur me disait de le prendre en première ronde en 2006. Il était nez à nez sur nos listes avec le joueur que nous avons finalement repêché et nous avons hésité jusqu’au moment de quitter la table pour le podium. À cette époque, notre relève était faible en défense et nous croyions que David Fischer allait devenir un défenseur de calibre top 4. Claude était un petit ailier, il ne jouait pas encore au centre et il n’était pas un espoir très en vue. Au moins une équipe ne l’avait même pas sur sa liste ! Nous étions convaincus qu’il serait encore disponible en deuxième ronde, mais les Flyers nous ont surpris. Fischer ne s’est pas développé comme prévu. Il a vécu des drames personnels et l’engagement n’y était peut-être pas. »

Parmi les coups dont il est fier, il se félicite d’avoir tenu son bout en 2005 et insisté pour repêcher Carey Price. « Les discussions étaient animées. Repêcher un gardien au cinquième rang demeure audacieux et nous avions de la profondeur devant le filet. Marc Staal était un joueur convoité par plusieurs de nos hommes. »

On a longtemps reproché au CH d’avoir repêché Price. Même scénario dans le cas de Pacioretty et même McDonagh. « La patience est une vertu, répond-il. On s’attend généralement à ce qu’un joueur repêché vienne aider l’équipe immédiatement, mais ça ne fonctionne pas ainsi. Ce n’est pas un sprint, mais un marathon. »

KOSTITSYN, GETZLAF ET CARTER

Le secret le mieux gardé dans les mineures ? Artturi Lehkonen, répond-il spontanément, un petit joueur finlandais qu’on a préféré à Anthony Duclair en deuxième ronde en 2013. « Il me rappelle beaucoup Brendan Gallagher, dit Timmins. Il n’abandonne jamais, beaucoup de courage, ne perd pas ses batailles à un contre un, il fonce au filet pour marquer des buts, il n’a peur de rien. C’est un joueur de calibre international. Il ne lui reste qu’à améliorer sa force physique. »

En juin prochain, Trevor Timmins en sera déjà à son 13e repêchage avec le CH. Il agirait différemment aujourd’hui si son premier, en 2003, était à refaire. « Andrei Kostitsyn, Ryan Getzlaf et Jeff Carter étaient nez à nez sur nos listes, mais on cherchait le talent et à ce moment, Kostitsyn était l’un des jeunes les plus talentueux de ce repêchage. On croyait qu’il deviendrait un joueur d’exception et nous avons été surpris qu’il soit encore disponible au 10e rang. Sa cote a baissé en raison de ses problèmes d’épilepsie. 

« Le scénario aurait peut-être été différent s’il avait fait le saut directement dans la Ligue junior de l’Ouest à Medecine Hat. Nous aurions pu maîtriser ses problèmes de santé rapidement et il aurait joué davantage que chez les professionnels en Russie. La vitesse de ses pieds ne s’est pas améliorée. C’était un tank, mais il n’était pas très vite. La modification des règlements concernant l’accrochage en 2005 ne l’a pas favorisé. »

Même s’il est heureux dans ses fonctions, Timmins, 46 ans, rêve toujours de devenir directeur général d’une équipe de la LNH éventuellement. « C’est l’objectif ultime, dit-il. J’ai une bonne expérience dans le domaine puisque j’ai commencé au bas de l’échelle :  services à l’équipe, responsable du conditionnement physique, j’ai œuvré auprès des entraîneurs, des recruteurs, des directeurs généraux, j’ai dirigé des clubs des ligues mineures, négocié des contrats, réglé des problèmes d’immigration, j’ai touché à tout. »

CINQ QUESTIONS

FILM FAVORI 

Gladiator

LIVRE PRÉFÉRÉ 

Blueprint, How the New England Patriot Beat the System

PERSONNALITÉ INSPIRANTE

Tom Brady

AUTRE MÉTIER

Professeur d’éducation physique à l’université

CITATION FAVORITE 

« Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. » — Matthieu chapitre 23, verset 12

DANS LE CALEPIN

Repêché au 20e rang par les Penguins de Pittsburgh en 2007, Angelo Esposito a disputé quelques saisons dans la Ligue américaine avant de s’exiler en Europe. Il a été libéré récemment par les Komets de Fort Wayne dans la Ligue de la côte Est.

Repêché au 51e rang par ces mêmes Penguins en 2007, Keven Veilleux joue actuellement dans la Ligue de la côte Est après quelques saisons dans la Ligue américaine.

Repêché en fin de première ronde par les Blues de St. Louis en 2007, David Perron connaît une carrière intéressante. Il a amassé 260 points en 428 matchs dans la LNH et joue actuellement avec les Oilers d’Edmonton après avoir été échangé par les Blues il y a deux ans.

David Fischer a joué seulement deux matchs dans la Ligue américaine. Il évolue en Allemagne depuis trois ans.

Andrei Kostitsyn, 29 ans, a été libéré par son club de la KHL le mois dernier, après avoir quitté la LNH il y a quelques hivers. Il a connu une saison de 26 buts à Montréal.

À 19 ans seulement, Artturi Lehkonen a 9 points en 17 matchs dans la réputée Ligue d’élite de Suède. Jacob De La Rose en avait obtenu 13 en 49 rencontres en deuxième division l’an dernier.

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