Beyrouth

Le refuge des musiciens syriens

Beyrouth a longtemps été considéré comme la capitale culturelle du Moyen-Orient, véritable aimant pour nombre d’artistes de toute la région qui s’y sont établis pour jouir d’une plus grande liberté d’expression. C’est maintenant le tour des musiciens syriens qui, depuis le début de la guerre civile, sont de plus en plus nombreux à tenter leur chance au Liban.

BEYROUTH — Devant la petite scène de Metro al Madina, une salle de spectacle située dans la partie ouest de Beyrouth, des jeunes secouent la tête au son de la musique rock. Cette nuit-là, différents musiciens syriens se sont réunis dans le cadre de la Semaine pour la Syrie.

Devant eux, Anas, 25 ans, chante : « Levez-vous ! Rassemblons le pain. Levez-vous et construisons un pays ! »

Anas Maghrebi est le fondateur du groupe Khebez Dawle, dont le nom signifie « le pain du gouvernement ». Le groupe originaire de Damas, fondé en 2012 dans la foulée du soulèvement syrien, a trouvé refuge au Liban il y a deux ans.

« Avant la guerre, je faisais partie d’un autre groupe. Mais pendant la “révolution”, notre batteur s’est fait tuer. C’était un activiste. Notre guitariste Bachar a également été obligé de s’enrôler dans l’armée. J’ai donc décidé de faire ma propre musique et de la mettre sur Facebook. C’est là que notre ancien bassiste, qui s’était réfugié à Beyrouth, m’a contacté pour me demander de le rejoindre. Quelques mois plus tard, Bachar nous a appelés après s’être enfui de l’armée. Nous pensions qu’il était mort ! C’était un signe, nous devions reformer un groupe », raconte Anas.

QUÊTE DE LIBERTÉ

Comme Khebez Dawle, de nombreux artistes et musiciens syriens ont trouvé refuge au Liban depuis le début de la guerre en 2011, espérant faire de la capitale libanaise leur tremplin.

C’est le cas du groupe Tanjaret Daghet (« casserole sous pression »), également originaire de Damas et aujourd’hui représenté par la maison de disques libanaise Let’s Play Record. « Avant la révolution, les musiciens à Damas recevaient beaucoup de soutien de l’État, mais il était très difficile de lancer un disque, parce qu’il n’y avait pas de petites maisons de production indépendantes », raconte Tarek Khuluki , guitariste et chanteur du groupe. 

« Nous sommes venus à Beyrouth quand la guerre a commencé parce que nous sentions que les gens ne portaient plus attention à la musique. Ils étaient trop préoccupés par les évènements. Le Liban nous a permis de voir grand. » — Tarek Khuluki

« Beyrouth est la ville où on se sent à l’aise de faire son art. On peut rencontrer des artistes de toute la région, les gens sont intéressés par plusieurs styles de musique et sont ouverts. Le Liban a toujours représenté une plus grande liberté pour les artistes syriens », explique quant à lui Samer Saem Eldahr, à l’origine du projet musical électronique Hello Psychaleppo.

« En Syrie, nous devions obtenir plusieurs documents du gouvernement avant de pouvoir donner un spectacle. Mes amis, qui jouaient dans un groupe de heavy métal, se faisaient souvent questionner par le gouvernement. Il [le gouvernement] voulait s’assurer qu’ils n’étaient pas des satanistes », ajoute le musicien de 26 ans.

UN PARCOURS PARSEMÉ D’EMBÛCHES

Les artistes syriens qui tentent leur chance à Beyrouth ne réussissent cependant pas tous à percer. En effet, le coût de la vie beaucoup plus élevé qu’en Syrie et le manque de financement sont autant de difficultés auxquelles se heurtent les musiciens.

« Je connais plusieurs musiciens syriens qui sont venus à Beyrouth, mais qui ont échoué et ont dû retourner en Syrie. Nous vivions mieux quand nous étions en Syrie. Les soins de santé, l’électricité et l’eau étaient gratuits. La nourriture coûtait moins cher aussi », affirme Tarek Khuluki.

« Nous jouons beaucoup, mais c’est difficile de gagner notre vie », ajoute Dany Choukri, batteur du groupe Tanjaret Daghet.

Pour Khebez Dawle, la réunification a été de courte durée. Le groupe est de nouveau séparé depuis que le bassiste et le guitariste, faute de papiers en règle pour demeurer au Liban, ont dû s’installer à Istanbul, en Turquie.

« J’ai espoir qu’un jour nous pourrons partager de nouveau une scène ensemble », affirme Anas, optimiste.

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