MONTRÉAL

Le silo no 5 va (enfin) renaître

Le nouvel appel de propositions lancé hier pour revitaliser le silo no 5 et la Pointe-du-Moulin sera-t-il le bon ?

Abandonnée depuis 25 ans, l’énorme structure de béton et d’acier a fait l’objet de nombreux projets au fil des ans, mais aucune des idées soumises ne s’est jamais réalisée.

Cette fois, cependant, tout le monde semble convaincu que la proposition gagnante, choisie au terme d’un processus échelonné sur deux ans, verra le jour et permettra à tout ce secteur de renaître d’ici cinq à sept ans. « Les astres sont alignés », a répété à quelques reprises la ministre du Tourisme, Mélanie Joly, en conférence de presse.

« Notre objectif, c’est de faire naître un nouveau quartier mixte de logements, de commerces et d’attractions touristiques. On recherche un projet à l’image de Montréal, un projet ambitieux, créatif, un projet qui va pouvoir démontrer son extraordinaire patrimoine. On veut aussi rapprocher davantage les Montréalais du fleuve. »

La ministre Joly était accompagnée de la mairesse Valérie Plante, de la ministre déléguée aux Transports et responsable de la métropole, Chantal Rouleau, et du vice-président du Vieux-Port de Montréal et de la Société immobilière du Canada (SIC), Pierre-Marc Mongeau. 

« Le silo no 5 nous rappelle nos origines et il a un potentiel immense. Je suis certaine que des groupes sauront nous surprendre. On veut de l’audace, quelque chose qui va se démarquer, des propositions ambitieuses. »

— Valérie Plante, mairesse de Montréal

Mise en valeur du passé industriel

Le projet choisi devra obligatoirement préserver le silo no 5 et l’élévateur à grain adjacent. Il devra aussi être viable financièrement, prévoir un accès public au silo et des espaces verts. La SIC, qui détient les terrains depuis 2010, compte les vendre à l’entreprise qui fera la proposition la plus intéressante. L’idée est de mettre en valeur le passé industriel du secteur de la Pointe-du-Moulin en lui donnant une nouvelle vie. 

Un comité d’experts en urbanisme et en protection du patrimoine a été formé pour évaluer les offres et formuler des recommandations à la SIC. Il se compose, notamment, de Pierre Bellerose, de Tourisme Montréal, Dinu Bumbaru, d’Héritage Montréal, Sylvie Vachon, du Port de Montréal, Mario Lafrance, de la Société de développement commercial du Vieux-Montréal, et Marie Lessard, de l’Université de Montréal.

Pourquoi cette nouvelle mouture de mise en valeur du site du silo no 5 réussirait-elle là où tant de tentatives ont échoué ? Le Musée d’art contemporain a déjà songé à y déménager. Des promoteurs ont voulu en faire un hôtel et un observatoire. On a lancé l’idée de transformer le silo en un centre géant de stockage de données. Et plus récemment, d’y construire un hôtel, des passerelles, un parc et des logements. Sans parler des projets à vocation culturelle.

Boom de développement

Ce qui a changé, c’est le contexte économique, et le fait que Montréal connaisse un boom de développement, particulièrement dans le centre-sud de la métropole. Les terrains deviennent ainsi hyperconvoités, et les projets de développement peuvent être viables.

« Ce processus est centré sur un projet qui pourra se faire davantage que seulement sur des idées de ce qu’on pourrait faire », a dit Dinu Bumbaru, retenu hier à Toronto.

« Pourquoi ça va fonctionner ? Le REM, Griffintown et le plan directeur du Vieux-Port. Je suis 100 % convaincu que ça va se réaliser. »

— Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

En effet, le REM va rendre ce secteur accessible de partout à Montréal. On peut se rendre à pied à Griffintown du silo no 5 et de la Pointe-du-Moulin, et le plan directeur de développement du Vieux-Port est actuellement soumis au fédéral.

« Ça fait longtemps qu’on pousse pour ça, a ajouté Yves Lalumière, président de Tourisme Montréal. La revitalisation du Vieux-Port est une de trois priorités. Je pense que Montréal est prêt, le fédéral est prêt et le provincial est prêt. Honnêtement, ça m’étonnerait que ça déraille. »

Le processus de soumission et d’évaluation des projets sera d’une durée d’environ sept mois. Un projet gagnant sera connu à la fin de l’été, si tout se déroule comme prévu. Cette annonce sera suivie d’une consultation publique menée par l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) et d’un changement de zonage, s’il y a lieu. La première pelletée devrait avoir lieu dans deux ans. 

Le silo no 5

Icône négligée de Montréal, le silo no 5 a stocké des grains de 1903 à 1994. Il est situé sur la Pointe-du-Moulin, sur un site de 750 000 pieds carrés qui se divise en deux parties : le silo et la minoterie Farine Five Roses. « C’est un secteur à fort potentiel situé entre la ville et le fleuve qui mérite une revalorisation importante », indique Pierre-Marc Mongeau, de la SIC. L’ensemble du silo no 5 occupe plus de la moitié de la jetée de la Pointe-du-Moulin et repose sur la partie artificielle de la jetée, créée de remblais.

Des exemples inspirants

MARSEILLE

Le silo de Marseille, en activité de 1927 à 1984, a été réhabilité en 2011. Comme le silo no 5, il a bien failli être démoli. Mais en France comme au Québec, des voix se sont élevées pour sa conservation et sa reconversion. Résultat : la mairie de Marseille a lancé un appel de projets en 2000. Les travaux ont débuté en 2007 et ont duré quatre ans. Au total, le coût de la réhabilitation a atteint 30,1 millions d’euros (47 millions de dollars canadiens). Le silo abrite aujourd’hui une salle de spectacle polyvalente et un espace de bureaux.

LE CAP

Le Cap, en Afrique du Sud, a inauguré en septembre 2017 le Zeitz Museum of Contemporary Art Africa dans un ancien silo à grain. L’imposante structure, abandonnée depuis 2001, était classée bâtiment patrimonial à protéger. À l’intérieur, on retrouve aujourd’hui un atrium géant creusé dans les 42 tubes qui servaient autrefois à stocker des grains. Le bâtiment dispose d’une très grande surface d’exposition sur neuf étages et d’un hôtel cinq étoiles qui occupe les six derniers étages.

COPENHAGUE

À Copenhague, deux anciens silos à grain, vieux de 50 ans, ont été reconvertis en un gratte-ciel résidentiel contemporain de 17 étages, comprenant 38 appartements aménagés dans l’ancien quartier industriel de Nordhavn. Le projet a reçu un prix du Conseil sur les grands bâtiments et l’habitat urbain (CTBUH) l’an dernier à Chicago. Les niveaux supérieur et inférieur des silos offrent des espaces accessibles au public.

ILS ONT DIT

Valérie Plante, mairesse de Montréal

« Moi, ce que je souhaite, c’est réaliser ce projet. Évidemment, quand la Ville devient acquéreur de terrains, elle a la complète indépendance, mais c’est immensément cher. Je vois d’un bon œil de travailler avec des partenaires privés. »

Mélanie Joly, ministre du Tourisme du Canada

« Ce projet va créer des emplois et générer des retombées économiques. C’est une annonce qui me réjouit parce qu’il s’agit d’un projet phare pour l’industrie touristique. »

Chantal Rouleau, ministre des Transports du Québec

« Toutes les grandes villes du monde qui innovent empruntent cette voie, et je veux que Montréal en fasse partie. La renaissance de la Pointe-du-Moulin et du silo no 5 constitue un développement très prometteur. »

Pierre-Marc Mongeau, vice-président, Vieux-Port de Montréal et Société immobilière du Canada

« Nous voulons que le silo no 5 retrouve toutes ses lettres de noblesse. Il fait partie de l’histoire de Montréal, c’est une infrastructure emblématique et nous voulons le remettre sur la carte. »

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