THÉÂTRE  J’accuse

Militantes de l’intime

Alice Pascual, Catherine Trudeau, Léane Labrèche-Dor, Ève Landry et Debbie Lynch-White jouent des femmes qui se dévoilent en vidant leur sac. Pas au sens propre. Ce n’est pas propre du tout, même. Face à elles, le metteur en scène Sylvain Bélanger n’a choisi que des concepteurs masculins. Mais il n’y aura pas de guerre des sexes ici. On pourra même en rire. Si J’accuse d’Annick Lefebvre (au Théâtre d’Aujourd’hui dès mardi prochain) est une pièce engagée, elle l’est surtout envers le genre humain.

Théâtre  J'accuse

Ève Landry

Personnage

La fille qui encaisse, vendeuse dans une boutique

Ce qu’elle dénonce

« Pas envie de crier publiquement, de cramer publiquement pis de crever publiquement parce que ce qui m’entoure m’écœure. »

Ce qu’en dit Ève Landry

« J’aime mettre en lumière ce genre de personnalité. On se dit que les gens qui font ce travail ne peuvent pas être heureux. C’est un gros préjugé. Elle réfléchit autant sinon plus que bien des gens. Elle n’a pas besoin de prouver qu’elle est heureuse. »

Ce que dénonce Ève Landry

« On met l’artiste sur un piédestal et ça me gosse. Même sur les plateaux souvent, il y a comme une hiérarchie pour l’acteur. Je suis sur une scène parce que j’aime ça et parce que j’ai une parole à porter. Plein d’artistes le font pour d’autres raisons. Moi, j’aime soutenir des causes. Mais ce n’est pas parce que je suis une artiste que je dois le faire. »

Théâtre  J'accuse

Debbie Lynch-White  

Personnage

La fille qui adule, réceptionniste dans un bureau

Ce qu’elle dénonce

« Je ne suis pas l’hostie de nunuche sans discernement que tu penses que je suis, Annick Lefebvre ! Je le sais qu’Isabelle Boulay voit jamais nos faces parce que les spotlights l’aveuglent. »

Ce qu’en dit Debbie Lynch-White

« L’adulation qu’elle vit lui fait du bien. Comment peut-on la condamner ? Elle va au bout de ça. Ce rôle tombe à point dans mes réflexions, dans mon regard sur la vie. »

Ce que dénonce Debbie Lynch-White

« L’engagement est important dans la société, mais, personnellement, il faut que ça vienne me toucher. Comme artiste, on a le privilège de prendre la parole pour les gens qui l’ont moins, mais il y a une limite à ne pas franchir. On demande trop aux artistes de réagir à tout et n’importe quoi, même s’ils ne s’y connaissent pas. »

Théâtre  J'accuse

Alice Pascual

Personnage

La fille qui intègre, technicienne en garderie.

Ce qu’elle dénonce

« Ma peau, mes gestes et mes pensées ne seront jamais assez blanches, jamais assez d’icitte, jamais assez made in Québec pour que vous acceptiez que mon cœur puisse battre au même diapason que le vôtre. »

Ce qu’en dit Alice Pascual

« C’est une immigrante qui essaie de s’intégrer. C’est l’idée de ne pas trouver sa place. Mon personnage est une femme "invisibilisée", comme le sont beaucoup d’immigrantes. Ce qui est féministe là-dedans, c’est de considérer que le monologue intérieur de femme a une place à prendre aussi importante que celle des hommes. »

Ce que dénonce Alice Pascual

« Comme comédienne, je vois des inégalités dans la représentation des femmes et des immigrantes. Le théâtre est un lieu inoccupé, mais qui pourrait tellement servir à créer un espace de dialogue. Les artistes ont une petite responsabilité d’engagement, mais ils ne peuvent pas être les seuls. »

Théâtre  J'accuse

Léane Labrèche-Dor

Personnage

La fille qui aime, travailleuse autonome

Ce qu’elle dit

« Je suis peut-être débile de patauger dedans sans comprendre comment faire, mais je les aime. Je les aime over the top, je les aime au boutte, pis je les aime, oui, en débile. » 

Ce qu’en dit Léane Labrèche-Dor

« Derrière la façade, c’est la fille qui aime mal, qui ne sait pas trop comment aimer. On a tous connu ça ou quelqu’un comme ça. C’est un personnage difficile, complexe, mais très intéressant à jouer. »

Ce que dénonce Léane Labrèche-Dor

« Je suis infiniment attristée par les coupes dans le domaine des arts, par le faible taux de consommation théâtrale, par le peu de consommation de poésie, d’essais de jeunes auteurs d’ici. C’est la responsabilité de chacun de s’engager. Autant les artistes envers la société que la société envers les arts, et ce, à différents niveaux. Moi, j’ai une foi immense dans le divertissement. »

Théâtre  J'accuse

Catherine Trudeau

Personnage

La fille qui agresse, patronne d’une PME

Ce qu’elle dénonce

« Je vous regarde me regarder pis je juge que vous me jugez pis je vous trouve dégueulasses de vous faire des idées "out of nowhere" à propos de quelqu’un qui a le courage d’exposer sincèrement ce qu’elle ressent. »

Ce qu’en dit Catherine Trudeau

« Elle incarne la classe moyenne, qui pense qu’on ne parle jamais d’elle. Je pense que c’est une prémisse qu’on va voir de plus en plus dans les œuvres des prochaines années. C’est une dénonciation, mais aussi un appel à l’aide. C’est une parole personnelle qui expose des choses inavouables. »

Ce que dénonce Catherine Trudeau

« Moi, je fais un engagement social. Je crois à l’art comme forme d’apprentissage et de divertissement. La preuve est faite que l’art élève, divertit, fait du bien. Mon petit bonhomme de 6 ans apprend les Quatre saisons de Vivaldi et c’est extraordinaire. Il faut aller dans cette direction. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.